Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Europe (suite)

• Le haut niveau de l’agriculture intensive. Les pays européens, de par leur nature géographique, leurs sociétés, leur histoire, offrent le modèle d’une agriculture moderne, mécanisée, mais surtout intensive, apportant le maximum par unité de travail humain ou de superficie cultivée. C’est en Europe que les taux de motorisation sont les plus élevés, ainsi que les quotients de consommation d’engrais, qui atteignent près de 300 kg à l’hectare en Allemagne occidentale, en Belgique et aux Pays-Bas. Aussi l’Europe est-elle le pays des produits de qualité : produits laitiers, fruits, légumes, fleurs, vignobles de cru. De plus, la valeur de sa production de sucre de betterave, de pommes de terre (plus de la moitié du monde), d’oléagineux et de céréales (près du cinquième du blé mondial), de produits animaux (les deux tiers de la production mondiale de lait) la place au rang des grandes régions agricoles.

• Les taux de progression de la production industrielle témoignent du redressement qui a suivi la guerre et de la modernisation de l’industrie. En effet, s’ils ne peuvent être comparés à ceux du Japon, ils restent supérieurs à celui des États-Unis et ne sont pas éloignés de ceux des pays socialistes, calculés sur des productions de départ beaucoup plus faibles. Si l’on admet que le rythme annuel des pays du Comecon est de l’ordre de 6 à 8 p. 100, on relève en moyenne près de 6 p. 100 pour l’Allemagne occidentale et la France, plus de 7 p. 100 pour l’Italie, États dont le niveau de production avant et après la guerre était déjà très supérieur à ceux de l’Europe de l’Est. Ainsi, on a pu évoquer les « miracles » allemand et italien.

• L’importance, dans la balance des comptes de certains des États européens, des ressources invisibles. Il s’agit surtout de tourisme, dont les apports compensent dans une grande mesure les déficits des balances de commerce extérieur. En Espagne, en Grèce et au Portugal, les recettes invisibles dépassent le montant global des exportations de marchandises. Le tableau de la balance des opérations invisibles des États européens fait apparaître un déficit pour l’Allemagne occidentale, mais un gain substantiel pour la plupart des autres États, notamment du sud de l’Europe, d’une valeur moyenne de 600 à 800 millions de dollars par an dans la période 1960 à 1970. Or, le tourisme représente une proportion importante, plus de la moitié et jusqu’aux trois quarts, de ces revenus. L’Europe alpine et méditerranéenne est devenue la grande région touristique du monde : compté sous la forme de « nuitées », l’afflux touristique représente plus de 400 millions (contre 12 millions au Canada, 8 aux États-Unis, 3 au Japon) ces chiffres étant encore relativement faibles dans les pays socialistes.

• L’activité du commerce extérieur. Tant entre les différents États européens qu’entre ceux-ci et le reste du monde, elle ne cesse de s’accroître, avec l’augmentation des besoins et des richesses. Ainsi, les neuf États du Marché commun constituent le premier importateur et le premier exportateur du monde ; les échanges extérieurs de chacun d’eux ont fortement augmenté depuis la fin de la guerre et atteignent, calculés par tête d’habitant, les niveaux les plus élevés du monde, après ceux des États-Unis.

L’intensité du commerce extérieur explique la place importante de l’Europe dans les activités maritimes (ainsi que pour les constructions navales et le trafic des ports). Celles-ci sont encore relativement réduites en Europe orientale, mais doivent progresser rapidement. Elles sont parmi les premières du monde en Europe occidentale. Ainsi, la faiblesse de l’Europe, surtout dans sa partie occidentale, réside dans l’insuffisance de sa production propre de matières premières de base. Le déficit énergétique, notamment, est une hypothèque pesant sur la poursuite du développement d’une industrie de transformation, diversifiée, soutenant la comparaison avec l’industrie américaine et devançant le plus souvent la production soviétique.

A. B.

➙ Voir articles aux différents États.

 M. Derruau, l’Europe (Hachette, 1958 ; rééd., 1971). / I. Agoston, le Marché commun communiste, principes et pratique du Comecon (Genève, 1965). / C. Chaline, F. Rogé et P. George, l’Europe des marchands et des navigateurs (P. U. F., 1965). / A. Blanc, M. Drain et B. Kayser, l’Europe méditerranéenne (P. U. F., 1968). / S. C. Constant, J. Ritter et J. Laigroz, l’Europe du charbon et de l’acier (P. U. F., 1968). / E. Juillard, l’Europe rhénane (A. Colin, 1968). / R. Froment, F.-J. Gay, l’Europe occidentale d’économie libérale (Sirey, 1970 ; 2 vol.). / J. Beaujeu-Garnier, A. Gamblin et A. Delobez, Images économiques du monde 1971 (Sédès, 1971).


Les institutions européennes (Europe de l’Ouest)


Histoire de l’idée d’Europe

À en croire la mythologie, le mot Europe désigne d’abord une jeune et belle Phénicienne qui fut enlevée par Zeus. En tant qu’entité géographique, l’Europe est, chez les Grecs, une partie de la Grèce continentale, celle qui s’oppose à la fois au Péloponnèse et aux îles de la mer Égée. Pour Hérodote, l’Europe est plus que la Grèce : c’est l’ensemble des pays menacés par l’expansion des Perses, qui dominent l’Asie. Aristote distingue toujours les Grecs de l’Europe, les premiers constituant à ses yeux un peuple privilégié.

Au temps des Romains, on parle peu de l’Europe : César lui-même n’en dit mot. Seuls les géographes s’intéressent à elle, qui n’est d’ailleurs pour eux que l’élément d’une classification commode. L’Europe antique n’est donc, à proprement parler, qu’une « expression géographique », le domaine politique des Anciens étant à cheval sur la Méditerranée.

Peut-on affirmer que les véritables débuts de l’Europe datent de l’Empire carolingien ? En fait, le mot Europe est peu employé au Moyen Âge, qui voit d’ailleurs se disloquer la « Respublica christiana » au profit des États. La « terreur turque » elle-même ne profite pas à l’idée d’Europe. Par contre, à l’époque de la Renaissance, la découverte de nouveaux mondes commence à donner aux Européens, du moins aux plus instruits, une certaine conscience commune. Au xvie s. aussi, la dislocation de la chrétienté fait apparaître la notion d’« équilibre européen », notion qui va devenir l’une des données essentielles du système politique moderne. L’apparition du droit des gens, du droit des nations (jus gentium) — dont le Hollandais Grotius est le premier théoricien et codificateur — renforce cette notion.