Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

étudiants (suite)

Le processus de diffusion de l’enseignement supérieur est accompagné par un phénomène de démocratisation qui contribue à renforcer cette situation d’isolement social de l’étudiant moderne. En effet, les étudiants des classes moyennes, de plus en plus nombreux, sont moins guidés par leur famille dans leur orientation. Certes, il existe d’autres causes de l’agitation étudiante, comme le démontre le fait que certains étudiants, en Europe ou au Japon, s’attaquent au mauvais fonctionnement et à l’archaïsme des diverses organisations et des institutions universitaires. Mais il est probable que la diffusion de l’enseignement supérieur, que la modification corrélative de la situation étudiante, que l’emprise toujours plus grande prise par le système scolaire et universitaire sur le destin individuel, que l’isolement et la frustration croissants des adolescents dans des sociétés de plus en plus opulentes et qui admettent de moins en moins les divisions sociales sont les causes communes de l’agitation étudiante qu’on observe depuis 1960 dans toutes les sociétés avancées.

R. B.

➙ Éducation / Examen.

 H. Schelsky, Die skeptische Generation (Düsseldorf et Cologne, 1957) ; Schule und Erziehung in der modernen Gesellschalt (Würzburg, 1957). / P. Altbach, A Select Bibliography on Students, Politics and Higher Education (Cambridge, Mass., 1967). / P. Coombs, la Crise mondiale de l’éducation (P. U. F., 1968). / A. Prost, l’Enseignement en France, 1800-1967 (A. Colin, 1968). / A. Touraine, le Mouvement de mai ou le Communisme utopique (Éd. du Seuil, 1968) ; Université et société aux États-Unis (Éd. du Seuil, 1972). / Development of Higher Education, 1950-1967 (Développement de l’enseignement supérieur, 1950-1967) [O. C. D. E., 1970]. / P. Altbach et R. S. Lanfer, Student Protest, numéro spécial de The Annals of the American Academy of Political and Social Science (Philadelphie, 1971).


Les mouvements révolutionnaires étudiants dans le monde


États-Unis

Le mouvement étudiant part, en 1958, de Berkeley et de l’université du Wisconsin. En 1959, les mêmes étudiants de Berkeley manifestent contre la préparation militaire organisée à l’université. 1960 voit les premiers sit-in d’étudiants noirs dans les restaurants du Sud, plusieurs manifestations suscitées par l’exécution de Carryl Chessman et la création du mouvement Students for a Democratic Society (inspiré du SDS allemand), dont le manifeste paraît en 1962. Le Free Speech Movement commence à Berkeley en octobre 1964, et, à l’issue d’un sit-in, 800 personnes sont arrêtées : l’université libérale et son administration sont alors visées ; une esquisse de critique de la condition étudiante apparaît, ainsi que l’idée de l’« avant-garde » étudiante. Malgré les aspects radicaux de certaines interventions, le mouvement se borne à une contestation partielle du système, ne relevant que ses manifestations les plus spectaculaires : racisme (soutien aux mouvements noirs), conscription, dépendance de l’université par rapport aux trusts, impérialisme ; la guerre du Viêt-nam polarisera l’essentiel de l’énergie oppositionnelle entre 1965 et 1968. Depuis 1968, un processus de radicalisation se poursuit : les organisations proprement étudiantes sont dissoutes (SDS) ou inexistantes ; l’opposition, tendant à s’organiser sur la base de l’habitat, quitte le terrain de l’université et, par là même, élargit sa critique.


Pays de l’Est

L’opposition de gauche dans les pays de l’Est, mal connue, n’est révélée que par les accusations et les dénonciations officielles ou les procès intentés à ses membres. Systématiquement taxée d’« houliganisme », la contestation des étudiants, soutenue par une partie de l’intelligentsia, a possédé longtemps ce trait caractéristique d’une lutte pour la liberté d’expression. Puis, se heurtant à une répression croissante et rejoignant les fractions avancées du prolétariat, elle est passée à une critique globale de la société.

• U. R. S. S. Diverses mesures et déclarations officielles montrent, depuis une dizaine d’années, les difficultés de l’embrigadement de la jeunesse dans les komsomols ou ailleurs et la colère des bureaucrates devant le dégoût qu’elle montre face à l’ordre moral. En janvier 1967, l’arrestation des rédacteurs de la revue Phénix provoqua une manifestation spontanée d’étudiants.

• Pologne. Dès 1956, des étudiants avaient participé à l’insurrection ouvrière, et les universités avaient servi de foyers d’agitation. Mais le mouvement s’est précisé entre 1963 et 1965. Les clubs de discussion qui foisonnaient dans les universités furent dissous, et deux assistants radicaux auteurs d’un manifeste (Lettre ouverte au Parti ouvrier polonais, par J. Kuron et Modzelewski) emprisonnés. En automne 1967, l’agitation fut relancée par l’interdiction d’une pièce de Mickiewicz, les Aïeux. Fortement soutenue par les ouvriers (surtout en 1968 : collectes d’usines, etc.), la lutte suscita une violente répression dans tout le pays, accompagnée d’une campagne de calomnies (propagande antisémite, notamment).

• Tchécoslovaquie. Les étudiants descendirent dans la rue au début de l’hiver 1967 et créèrent un « Parlement étudiant de Prague » en janvier 1968, regroupant des délégués des « conseils académiques ». Ils prirent une part importante au « printemps de Prague ».

• Hongrie. De nombreux étudiants révolutionnaires ont été à la pointe de l’insurrection de 1956.

• Yougoslavie. L’agitation qui s’est déclenchée en 1968 s’est immédiatement attaquée à la bureaucratie (la « bourgeoisie rouge »), proclamant la nécessité d’une révolution pour la réalisation d’une autogestion véritable. Malgré les tentatives du pouvoir pour opposer les étudiants aux ouvriers, ceux-ci soutinrent l’action étudiante. Le mouvement étudiant s’est posé en véritable force politique en obligeant, par ses grèves de 1971, à réorienter l’application de la réforme constitutionnelle de la même année.