Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Étrusques (suite)

Anciennement, c’est-à-dire surtout jusqu’au ve s., les villes étaient gouvernées par des rois, appelés lucumons. On sait quels étaient les insignes de leur pouvoir : la couronne, le trône (siège curule), le sceptre, le manteau de pourpre, le licteur, qui le précédait en portant des faisceaux sur l’épaule. Renversés, ces rois furent supplantés par une oligarchie de nobles qui se partageait le pouvoir sous la forme de diverses magistratures. Des inscriptions tardives (à partir du ive s.) ont permis de préciser les titulatures. Le magistrat par excellence était le zilath. Il partageait avec plusieurs collègues le pouvoir essentiel, pour une année, et disposait d’attributs analogues à ceux des rois. Le zilath purth présidait leur collège ; le zilath maru, pourvu d’attributions religieuses, pouvait s’apparenter à l’édile romain. On sait assez peu de chose des magistratures inférieures ainsi que, d’ailleurs, de la structure de la population dans son ensemble, sinon qu’il y avait beaucoup d’esclaves. Certains de ceux-ci devaient être fort défavorisés, à en juger par quelques violentes révoltes dont le souvenir a été conservé. D’autres avaient droit à des maisons particulières, comme la plupart des hommes libres. Mais on a bien du mal à se représenter ces maisons étrusques, dont il ne reste pas de vestiges. Il semble qu’on se soit attaché à construire des tombeaux pour l’éternité et les demeures pour un temps limité : celles-ci furent sans doute de bois et de briques crues. Des urnes funéraires en forme de maison témoignent de l’aspect de cabane des plus petites ou des plus primitives. L’étude du plan des tombeaux, s’ajoutant à une remarque de Vitruve, donne une idée de la disposition, qui, avec sa cour intérieure, sans colonnes, annonçait la maison romaine.


Les nécropoles

Non loin de la ville des vivants se trouvait celle des morts. Ainsi Caere était accompagnée, sur le plateau dit « de la Banditaccia », d’une nécropole largement égale en étendue à la ville même. Ces tumulus, surmontant des chambres funéraires souterraines, qui s’entassent les uns contre les autres et s’efforcent de rivaliser d’ampleur (certains dépassent les 50 m de diamètre), représentent la ressource principale des archéologues. Pillés avidement au xixe s., ils sont l’objet de fouilles de plus en plus scientifiques. Depuis 1958, à Cerveteri (Caere) et à Tarquinia* (Tarquinii), le nombre des tombes explorées s’est compté par milliers, grâce à la conjugaison de trois techniques nouvelles.

La photographie aérienne détecte la trace circulaire des tumulus arasés par le temps et fournit ainsi le plan complet des nécropoles. La mesure de la résistivité du sol entre des piquets métalliques régulièrement espacés permet de découvrir l’emplacement et l’entrée des chambres souterraines. Au centre présumé de la chambre, on perce un orifice étroit par lequel on introduit une sonde équipée d’un flash et d’un appareil photographique. On obtient des clichés panoramiques de l’intérieur qui donnent, lorsque la tombe n’a pas été visitée auparavant, une vision unique d’objets que le temps a préservés et qui ne tardent pas à tomber en poussière dès qu’un air neuf a pénétré. Le contenu est extrêmement varié et instructif, car on cherchait à recréer autour des morts le décor de leur vie domestique.

Le plafond de l’hypogée lui-même prenait volontiers la double inclinaison d’une charpente et d’un toit. Les objets familiers, vases surtout, étaient entassés sur les banquettes qui longeaient les murs ou figuraient sur ceux-ci. Les tombes riches étaient ornées à fresque. Les morts reposaient dans des sarcophages ; selon une règle assez fréquente, ceux des hommes ressemblaient à des lits et ceux des femmes à quelque chose de plus monumental, massif, évoquant davantage un sarcophage grec et semblant le signe d’une dignité supérieure. On a conservé des sarcophages sur lesquels le mort est représenté en relief, couché de côté, appuyé sur un oreiller. Il existe également des urnes, assez diverses, car l’incinération fut aussi en usage. Les modes de sépulture ont varié d’ailleurs d’une époque à l’autre et d’une cité à l’autre, et la chambre souterraine, considérée ordinairement comme le type même de la tombe étrusque, n’en est en fait que la version la plus achevée.


La religion

Dans tous les cas, les Étrusques faisaient preuve d’un grand soin à l’égard de tout ce qui touchait à l’au-delà. Leur religion est tout imprégnée de cette préoccupation. Religion d’ailleurs complexe, pleine d’énigmes en même temps que d’originalité, et l’on y démêle assez difficilement les linéaments de son évolution, comme les éléments importés de Grèce ou d’Orient. La vision étrusque des Enfers, qui s’épanouit surtout à une époque tardive (ive s.), est influencée par la mythologie grecque : présence d’Hadès, sous le nom d’Aïta, roi des Enfers coiffé d’une tête de loup ; présence de Perséphone (Phersipnaï), reine infernale ; présence enfin de Charun, dont le nom évoque celui du fameux nocher Charon, mais qui est ici un démon horrible, muni d’un maillet pour asséner le coup de grâce aux trépassés. Tuchulcha, monstre repoussant, peut-être apparenté aux Harpyes, l’assiste.

Il apparaît nettement que, malgré des interférences mythologiques, les Enfers étrusques gardent leur originalité sinistre : lieu peuplé de monstres et lieu de scènes d’horreur. Ce n’est pas la moindre étrangeté de cette religion d’avoir fait des Enfers un lieu plus tragique au moment même où l’apport de la mythologie grecque aurait pu, au contraire, procurer une vision plus pittoresque des choses. Avant le ive s., l’art funéraire représentait le passage du mort dans l’au-delà comme un voyage ; d’où des figurations de chars, de chevaux, de navires. Les tombeaux étaient ornés de scènes joyeuses (banquets, danse, parties de chasse ou de pêche), qui évoquaient les meilleurs moments de la vie terrestre. Et puis les scènes représentées firent des Enfers un lieu terrible : on a pensé voir là le reflet d’idées orphiques et pythagoriciennes, selon lesquelles les méchants seraient châtiés. Mais rien ne prouve que les Étrusques aient eu la notion de bien, de mal et de châtiment. Les Enfers étaient un lieu redouté, sans qu’intervienne la morale. C’était aussi un endroit souterrain, avec lequel on communiquait par un trou réel, le mundus, conservé par la religion romaine. Un sanctuaire des divinités chthoniennes, découvert près de Civitavecchia, possède ainsi un autel avec un trou relié au séjour des morts. Des temples étrusques, on sait peu de chose, sinon que, reflétant approximativement la silhouette de ceux des Grecs, ils en différaient par leur structure de bois, recouverte d’ornements de terre cuite, et leur décor tout en façade, les trois autres côtés étant sans caractère. Ils faisaient usage de la colonne toscane, lisse et renflée, et comportaient souvent trois cellae, correspondant aux trois dieux d’une triade, les dieux étrusques allant souvent par trois, fait que l’on retrouve à Rome dans la triade capitoline. Il se pourrait que la notion de triade soit d’ailleurs venue du Latium. Le dieu principal, le Jupiter des Étrusques, était Tinia, qui présidait le conseil des dieux et disposait de trois foudres.