ethnomusicologie (suite)
Alexander John Ellis (1814-1890) en Angleterre, Carl Stumpf (1848-1936) et Erich M. von Hornbostel (1877-1935) en Allemagne, Béla Bartók (1881-1945) en Hongrie et Constantin Brăiloiu (1893-1958) en Roumanie sont parmi les plus importants de ceux qui mirent l’accent sur les échelles musicales, les relations d’intervalles, les données primordiales de l’organisation mélodique (les systèmes de relation des hauteurs sonores). L’universalité de l’échelle pentatonique, dont on découvrait qu’elle n’était pas exclusivement caractéristique de la musique chinoise ou écossaise, mais qu’elle se retrouvait pratiquement partout dans le monde, fut mise en lumière par Brăiloiu qui, dans une étude intitulée Sur une mélodie russe (Paris 1953), fit le point sur la question de la formation des échelles prépentatoniques, pentatoniques et donna pour la première fois une explication satisfaisante sur l’origine de l’échelle heptatonique. Dans le même esprit, Brăiloiu attira l’attention sur l’autonomie fonctionnelle et l’universalité de certaines structures rythmiques (le giusto syllabique, le rythme aksak, le rythme enfantin), illustrant remarquablement la thèse selon laquelle les musiques populaires ou « primitives » obéissent à des règles d’organisation, inconscientes, mais néanmoins strictement et rigoureusement suivies, dont certaines sont universellement répandues. La polyphonie, que la musicologie occidentale considérait comme étant l’apanage de la musique savante européenne, fut découverte en maints endroits d’Europe (musique populaire) et d’Afrique noire, sous diverses formes élaborées. Plusieurs travaux en ont témoigné, notamment ceux de Marius Schneider (né en 1903) [Geschichte der Mehrstimmigkeit, 1934-1935], d’Ernst Emsheimer (né en 1904) et d’Yvette Grimaud (née en 1920). L’étude de la musique, dans sa relation fonctionnelle ou symbolique avec la religion, la société, le langage, les divers aspects de l’activité et des croyances de l’homme, a souvent été abordée. Mais, dans ce domaine, les recherches ne sont pas encore suffisamment accomplies.
D’une manière générale, les découvertes de l’ethnomusicologie restent limitées lorsqu’on considère l’étendue de son domaine et l’ambition de son propos. Il n’en est pas moins vrai que, grâce à elles, l’approche du phénomène musical et de son histoire dans le monde a considérablement progressé en moins d’un siècle, bouleversant radicalement un certain nombre de fausses conceptions jusque-là bien établies et ouvrant la voie à ce que pourrait être une véritable musicologie universelle, attachée à mieux connaître le comportement de l’homme devant les manifestations musicales.
Ch. D.
A. Schaeffner, Origine des instruments de musique (Payot, 1936). / C. Sachs, The History of Musical Instruments (New York, 1940) ; The Rise of Music in the Ancient World (New York, 1943) ; The Wellsprings of Music (La Haye, 1962). / B. Bartók, Pourquoi et comment recueille-t-on la musique populaire ? (Genève, 1948). / C. Brăiloiu et C. Marcel-Dubois, « l’Ethnomusicologie », dans Précis de musicologie sous la dir. de J. Chailley (P. U. F., 1958). / J. Kunst, Ethnomusicology (La Haye, 1959-1960 ; 2 vol.). / M. Schneider, « le Rôle de la musique dans la mythologie et les rites des civilisations non européennes », dans Histoire de la musique sous la dir. de Roland-Manuel (Gallimard, « Encyclopédie de la Pléiade », 1960). / G. Rouget, « Ethnomusicologie » dans Encyclopédie de la musique sous la dir. de F. Michel (Fasquelle, 1961). / A. P. Merriam, The Anthropology of Music (Evanston, Illinois, 1964). / B. Nettl, Theory and Method in Ethnomusicology (New York, 1964). / C. Marcel-Dubois, « les Musiques traditionnelles et ethniques », dans la Musique sous la dir. de N. Dufourcq, t. I (Larousse, 1965). / C. Brăiloiu, Opere, t. I (Bucarest, 1967).
On peut également consulter les sources sonores et monographies suivantes : collection « OCORA », dirigée par C. Duvelle ; collection « Unesco », dirigée par A. Daniélou et P. Collaer ; collection « Musée de l’Homme », dirigée par G. Rouget ; collection « Ethnic Folkways » (New York).