Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Éthiopie (suite)

La population et l’économie

L’Éthiopie est depuis 1962 un État composé de l’empire d’Éthiopie et de l’Érythrée, qui lui fut préalablement unie sous régime fédéré en 1952. Sa démographie est mal connue. Le chiffre total de la population varie, suivant les sources, entre 22 et 25 millions, Érythrée comprise. Elle est répartie en majorité le long d’une dorsale de reliefs élevés allant depuis le lac Abaya au sud jusqu’à Asmara au nord, dans les provinces de Kaffa et d’Iloubabor, ainsi qu’autour de la ville de Harar. Dans ces zones montagneuses, les villages occupent les sommets arrondis des plateaux (ou ambas) ou les replats d’altitude moyenne, au climat plus doux (zone appelée Ouoïna Dega [ou Woïna Dega] : 1 800 à 2 500 m), de préférence aux fonds des vallées (Kolla), chauds et souvent malsains. La population est très diversifiée : les Amharas, qui forment généralement les castes socialement supérieures, sont des Sémites. L’amharique est la langue nationale. Il existe cependant d’autres langues du même groupe (gouragué, tigrigna) et d’autres peuples, dont les plus nombreux sont les Gallas*, les Danakil de langues couchitiques et même des Négro-Africains (Nilotiques et Bantous au sud-ouest). La même mosaïque s’observe dans la répartition des religions : le haut plateau central est en majorité chrétien (monophysite) ; le Nord (Érythrée) et l’Est (Ogaden, Harar) sont musulmans ; le Sud est animiste en grande partie. La population est rurale en majorité (plus de 90 p. 100) et très traditionaliste ; le calendrier julien s’est maintenu.

L’agriculture demeure l’activité essentielle, nettement plus évoluée par ses techniques que celle du reste de l’Afrique noire : utilisation de l’araire antique, du fumier animal, culture d’une gamme très étendue de céréales (notamment Eragrostis tef, qui sert à la fabrication de l’enjera, galette couramment consommée) et de plantes condimentaires et oléagineuses, dont beaucoup sont d’origine locale (noug, azmoud noir et blanc...). La variété des climats suivant l’altitude permet l’étagement des types de culture : cultures tropicales dans les zones basses (maïs, sorgho) avec, dans de grands domaines, des cultures irriguées de canne à sucre et de coton (Rift Valley de l’Aouach). Les altitudes moyennes (Ouoïna Dega) sont celles des cultures de céréales traditionnelles ; au-dessus de 2 500 m prédominent les herbages. La structure foncière est celle de la grande propriété, généralement bien d’Église ou domaine cédé par l’empereur à de hauts personnages, mise en valeur sous le régime du métayage. Cette situation empêche la modernisation de l’agriculture ; la productivité est faible et le paysan est très pauvre. Le café est la principale culture d’exportation (220 000 t produites en 1970). On le trouve à l’état spontané ou cultivé de manière négligente dans le Kaffa, irrigué et en plantations soignées dans le Harar et en Aroussi. Le nomadisme pastoral prévaut dans les plateaux périphériques. Dans les zones les plus sèches de l’Ogaden, les bovins sont remplacés par les chameaux, les moutons et les chèvres. Il en va de même le long du littoral érythréen, où le transport du qhât (catha edulis, drogue stimulante) à destination de Djibouti ou des ports de la mer Rouge apporte des revenus appréciables aux caravaniers.

La population urbaine est encore relativement faible (moins de 10 p. 100 de la population totale). Elle se concentre dans deux villes : Addis-Abeba* et, en Érythrée, Asmara (190 000 hab.). Dix villes seulement comptent plus de 20 000 habitants dans un pays deux fois plus étendu que la France. L’Éthiopie a trop peu de bonnes routes (6 850 km de routes carrossables en toute saison). Seules celles d’Addis-Abeba à Massaoua (ou Massaouah) par Gondar à l’ouest et Dessié à l’est ainsi que la piste Dessié-Assab ont une réelle importance économique. La route de crêtes orientale concurrence d’ailleurs le chemin de fer franco-éthiopien Addis-Abeba-Djibouti (784 km). Elle est vitale pour le désenclavement du massif éthiopien. Le réseau aérien intérieur (Ethiopian Airlines) pallie partiellement l’absence ou la médiocrité des routes, surtout dans le Sud-Ouest.

L’industrie autre qu’artisanale est quasi inexistante : 59 000 personnes dans 395 établissements de plus de 5 personnes en 1968. Les ressources minérales sont peu prospectées et insuffisamment mises en valeur (un peu d’or et de platine). Les textiles (tanneries, filatures de coton), les produits alimentaires (brasseries, sucreries, minoteries) et les cimenteries constituent l’essentiel des industries de transformation. La possession de l’Érythrée assure à l’Éthiopie un débouché à la mer Rouge. Les deux ports principaux sont Assab et Massaoua (avec, respectivement, des tonnages enregistrés de 1,6 et 1,4 Mt en 1968). La fermeture du canal de Suez a freiné, de 1967 à 1975, le développement de l’activité portuaire.


Les problèmes actuels

Riche d’un brillant patrimoine culturel, l’Éthiopie est un pays économiquement pauvre et socialement attardé. En 1969, le revenu individuel brut était de 65 dollars américains, un des plus bas du monde. La balance des paiements, mal soutenue par les exportations de café, est invariablement déficitaire. Les raisons de cette situation sont multiples : faible technicité, industrialisation insuffisante, mise en valeur encore trop modeste d’un potentiel énergétique pourtant important (la production d’énergie par habitant était de 13 kWh en 1967-68). Par ailleurs, l’analphabétisme général (moins de 10 p. 100 du total estimé des enfants de cinq à quatorze ans étaient scolarisés en 1968) et une structure sociale aux niveaux nettement tranchés retardent l’évolution des masses paysannes, composées en majorité d’ethnies dominées (Gallas, Somalis, Danakil). La cohésion de l’État a été souvent menacée par des séditions ethniques (Ogaden), soutenues parfois de l’extérieur, et des dissidences politico-religieuses (Front de libération de l’Érythrée, d’inspiration musulmane). Aujourd’hui, les revendications viennent aussi d’une jeunesse intellectuelle qui aspire à l’abolition effective des privilèges et à la promotion des couches défavorisées de la population. Courageusement, l’Administration, tout en maintenant le calme à l’intérieur des frontières, a inauguré une politique de grands travaux d’infrastructure : amélioration du réseau routier, création de barrages pour la production hydroélectrique (barrage de Koka : 110 GWh ; futur complexe d’Assandabo : puissance de 530 MW). Les efforts portent aussi sur les constructions scolaires et l’éducation de base. Mais tous ces investissements ne donneront leurs fruits qu’à long terme.

J. W.

➙ Addis-Abeba / Aksoum / Empire colonial italien / Hailé Sèlassié / Italo-éthiopienne (guerre).