Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Éthiopie (suite)

Mais, dès 1930, la menace italienne se précise. Désireux de venger l’affront d’Adoua, Mussolini multiplie les causes de friction. C’est ainsi qu’il prend prétexte d’un incident soigneusement préparé au puits d’Oual-Oual (5 déc. 1934) pour mettre l’Éthiopie en accusation devant la S. D. N. Les choses traînent en longueur, et les pourparlers aboutissent à une impasse, au point que, au mépris des principes de la Société, les Anglais et les Français sont prêts à se résigner à accepter une tutelle italienne sur l’Éthiopie (plans de partage Hoare-Laval). Mais, le 3 octobre 1935, l’Italie envahit l’Éthiopie sans déclaration de guerre. Le pays résiste sept mois, mais Addis-Abeba tombe le 5 mai 1936. Le 30 juin, l’empereur défend personnellement la cause de la nation dans un discours pathétique à la S. D. N. En vain, car Rome ayant proclamé l’absorption de l’Éthiopie dans son empire (Africa Orientale Italiana), l’assemblée internationale, en prenant acte, exclut cette dernière de ses débats.

Mais, tandis que l’empereur trouve asile en Grande-Bretagne, la résistance intérieure s’organise. En vain les Italiens fusillent-ils l’évêque Petros, en vain massacrent-ils les moines du grand couvent de Debra-Libanos ou, après une tentative d’attentat contre Rodolfo Graziani, tuent-ils pendant trois jours des habitants dans les rues de la capitale, certaines régions ne seront jamais soumises.

Lorsqu’en 1940 les Italiens déclarent la guerre aux Alliés et envahissent le Somaliland, les Anglais, appuyés par les Français libres et la résistance intérieure, délivrent l’Éthiopie et, le 5 mai 1941, l’empereur Hailé Sélassié fait son entrée dans sa capitale libérée.


De la Libération à nos jours

Le pays n’est rendu à l’autorité de l’empereur que par les accords du 31 janvier 1942, complétés par ceux du 19 décembre 1944, à l’exception de l’Ogaden, qui reste sous administration militaire britannique jusqu’en 1948, et de l’Érythrée, colonie italienne depuis 1890, qui ne sera rattachée à l’empire qu’en 1952, sous une forme fédérative, après un référendum organisé par les Nations unies. Il faudra de longs efforts au gouvernement impérial pour faire revivre le pays et remettre sur pied l’Administration. C’est également au prix de patientes démarches que le souverain réussira à faire rentrer son empire sur la scène internationale, et l’envoi d’un bataillon de volontaires en Corée en 1951-1953 illustre bien sa volonté d’y assumer pleinement ses responsabilités.

Soucieux de préparer la libéralisation progressive du régime, Hailé Sélassié promulgue le 4 novembre 1955 une nouvelle Constitution, qui prévoit notamment une assemblée élue. Pour faire progresser le pays, l’empereur avait voulu former une élite instruite. Mais celle d’avant-guerre a été fortement décimée par l’occupation italienne, et les survivants restent malgré tout assez traditionalistes. Il en va tout autrement avec la nouvelle génération. Formée souvent dans les universités étrangères, plus ouverte aux idées nouvelles, avide de progrès, elle s’impatiente devant la prudence de l’action impériale. C’est ce qui explique la tentative de coup d’État de décembre 1960 fomentée, à l’occasion d’un voyage de l’empereur au Brésil, par un jeune chef de province. En février-mars 1974, à la suite d’un mouvement fomenté par l’armée, l’empereur nomme comme Premier ministre Endalkachew Makonnen qui est chargé de promouvoir un « régime de monarchie constitutionnelle ».

L’autorité de l’État et son unité se sont trouvées mises en cause dans l’Ogaden par des tribus somalies irrédentes. Une tentative de soulèvement organisée et soutenue par la jeune république de Somalie échoue en 1964. Depuis 1967, grâce aux efforts de l’Organisation de l’unité africaine, une détente est enregistrée dans les relations entre les deux pays.

De même, en Érythrée, de nouvelles difficultés ont été suscitées par certains éléments de la population hostiles à l’emprise des Amharas sur leur pays. En effet, après un vote favorable de l’Assemblée fédérale, dominée alors par les partisans du gouvernement central, cette région a été purement et simplement incorporée à l’empire depuis le 14 novembre 1962. Avec l’appui de certains gouvernements arabes progressistes, un Front de libération de l’Érythrée puis un Front populaire de libération se sont constitués et se livrent à des opérations de guérilla.

Dans le domaine économique, l’Éthiopie est très en retard, et le niveau de vie des habitants est l’un des plus bas de l’Afrique. Malgré un vaste effort d’industrialisation, l’agriculture restera longtemps encore la principale ressource du pays. Cependant, cette agriculture ne pourra se moderniser que si s’accomplit une réforme radicale des structures foncières du pays, les terres étant, dans leur grande majorité, la propriété de grandes familles ou de l’Église.

G. M.


La fin de l’empire

Dans ces conditions, la famine catastrophique due à la sécheresse qui sévit surtout en 1973-1974 provoque une crise décisive. De violentes manifestations éclatent à Addis-Abeba en février 1974 pour protester contre l’incurie du gouvernement et réclamer des réformes. En même temps, la fraction progressiste de l’armée déclenche une mutinerie et établit son contrôle sur le pays, et, le 12 septembre 1974, l’empereur est finalement destitué. Le Parlement est dissout et la Constitution de 1955 abrogée par le Conseil militaire provisoire, d’orientation socialiste. Dès le mois de novembre, le nouveau gouvernement, qui a fait exécuter soixante personnalités de l’ancien régime, nationalise toutes les entreprises, puis décrète, en mars 1975, une réforme agraire radicale qui bouleverse les fondements de la société.

Mais, bien qu’accueillie favorablement dans le Nord, cette réforme mécontente fortement les petits propriétaires du Sud où éclatent des mouvements insurrectionnels. De plus, les mouvements nationalistes contrôlent une large partie de l’Érythrée. En décembre 1975, la tendance modérée semble l’emporter chez les militaires : un décret annonce en effet la restauration partielle de l’entreprise privée ainsi qu’une ouverture plus large aux capitaux étrangers, ce revirement étant considéré par certains comme la rançon de l’aide américaine en Érythrée. La tentative de coup d’État de février 1977 révèle de profondes divisions au sein de la junte et permet aux éléments radicaux, regroupés autour de Mengistu Haïlé Mariam d’éliminer les militaires modérés. Cette évolution se traduit par une rupture avec les États-Unis et par une répression accrue, qui culmine avec les exécutions massives d’étudiants le 1er mai 1977.