Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Éthiopie (suite)

Jean IV (Yohannès IV, 1872-1889), son successeur, fera preuve de la même ardeur pour la réforme religieuse du pays, convertissant de gré ou de force les populations musulmanes ou païennes du Nord. Son règne est surtout marqué par les luttes incessantes qu’il a à mener contre les tentatives d’implantation étrangères. Yohannès doit tout d’abord s’opposer aux Égyptiens, qu’il écrase successivement à Goundet (1875) et à Goura (1876). En dépit de ses efforts, il ne parvient pas à empêcher les Italiens de s’installer à Massaoua, où ils sont introduits par les Anglais, qui espèrent ainsi les voir contribuer à l’écrasement du mahdisme au Soudan. Il est d’ailleurs lui-même aux prises avec les mahdistes, qui pillent Gondar en 1887. Deux ans plus tard, il tombe sous leurs coups à la bataille de Metemma, où, cependant, les Éthiopiens sont victorieux (1889).


Ménélik II

Roi du Choa depuis 1865, Ménélik s’emploie dès 1871 à reconquérir toutes les provinces méridionales, qui, depuis le xve s., avaient échappé à l’autorité impériale. Les Égyptiens, qui, en 1875, avaient occupé Harar, s’étant retirés, il occupe la province en 1887, l’année même où il fonde Addis-Abeba. Successeur désigné de Yohannès dès 1878, il se brouille en 1888 avec ce dernier, qui choisit alors son fils naturel Mengacha, ras du Tigré. Dépité, Ménélik accepte les avances des Italiens, qui lui fournissent des armes et lui prêtent de l’argent.

En 1889, à la mort de Yohannès, le souverain du Choa se fait couronner empereur, après avoir rapidement réprimé une tentative de Mengacha, qui voulait se faire reconnaître comme successeur de son père. La même année, il signe avec les Italiens le traité d’Uccialli (2 mai 1889), qui reconnaît une certaine expansion de ceux-ci en Érythrée. Mais un désaccord survient quant à l’interprétation de l’article 17 du traité. Selon le texte italien, cet article stipule que, dans ses relations avec les États étrangers, l’Éthiopie sera représentée par l’Italie, ce qui constitue en fait un véritable protectorat, tandis que, dans la version amharique, il ne s’agit que d’une possibilité. Le traité est dénoncé en 1893, et, après avoir remboursé ses dettes à l’Italie, Ménélik inflige en 1896 une sanglante défaite aux troupes de Baratieri, qui s’était imprudemment avancé à Adoua. La paix est signée, et l’empereur laisse l’Érythrée aux Italiens.

Parallèlement, Ménélik s’efforce de poursuivre sa politique d’expansion territoriale : de 1892 à 1898, il soumet successivement la région nord du lac Abaya, le Kaffa et l’Ogaden. Profitant du prestige que lui a valu la victoire d’Adoua, il s’efforce de limiter l’expansion européenne sur les côtes. Il signe des accords de délimitation de frontières avec l’Angleterre, qui a occupé peu à peu l’arrière-pays de Berbera et de Zeila, et avec la France, qui, installée à Obock depuis 1881, vient de créer le port de Djibouti (1885). La construction du chemin de fer franco-éthiopien, qui, après de nombreuses vicissitudes dues aux rivalités anglo-franco-italiennes (accord tripartite de 1906), atteindra Addis-Abeba en 1917, fera du territoire français le débouché naturel du pays vers la mer. Esprit avisé et éclairé, Ménélik tenta de moderniser son pays et de l’ouvrir au progrès, mais il ne peut mener son œuvre à son terme et meurt en 1913.

Gravement malade, il a laissé depuis 1907 s’instituer une régence en attendant que puisse régner son petit-fils Lidj Iyassou. Le pays entre de nouveau dans une ère d’intrigues et de rivalités qui ruinent partiellement son œuvre. À partir de 1911, Iyassou, qui n’a que quinze ans, rejette toute tutelle, mais se montre peu capable de gouverner. Penchant vers l’islām, auquel il finit par se rallier, ayant contracté mariage avec plusieurs filles de chefs musulmans, allié au mad mullah révolté en Somalie contre les Britanniques, il sème la défiance chez ses sujets, au moment où, en pleine guerre mondiale, Allemands et Turcs tentent de s’assurer le contrôle de l’Éthiopie. Cette politique inquiète également les Alliés ; avec leur appui discret, l’Église et les grands du royaume décident de déchoir Iyassou, qui n’a pas encore été proclamé empereur. La fille de Ménélik, Zaouditou est alors reconnue comme impératrice. Elle est assistée d’un régent, ras Tafari, fils de Makonnen, cousin du défunt empereur, qui devient l’héritier désigné du trône.


La régence et l’avènement d’Hailé Sélassié

Le couronnement de Zaouditou et la déposition de Lidj Iyassou ont sauvé l’Éthiopie : liée aux Allemands et aux Turcs, elle aurait été démembrée comme puissance ennemie à la fin de la guerre. Déjà elle avait été promise à l’Italie par le traité de Londres de 1915... C’est grâce à la diplomatie de Tafari que l’Éthiopie est admise en 1923 à la Société des Nations, avec l’appui de la France. Elle est ainsi à même de protester lorsqu’en 1926 Anglais et Italiens élaborent à ses dépens un nouveau plan de partage d’influences. Pour moderniser la nation, le régent ouvre le pays aux influences étrangères, mais il doit encore faire face à certaines difficultés intérieures : révolte des Gallas (1929) et de ras Gougsa, chef du Tigré (1930). Il cherche surtout à redonner à son pays les accès à la mer perdus par l’installation des nations européennes sur les côtes. L’utilisation du chemin de fer de Djibouti revient cher. L’Angleterre propose un débouché par Zeila ou Berbera. L’Italie, de son côté, offre l’usage en franchise du port d’Assab. Cette solution fera l’objet d’un traité en 1928, mais ne sera jamais suivie d’application. Zaouditou meurt le 2 avril 1930, et Tafari, déjà couronné négus (negous, roi) depuis 1928, devient empereur. Il est consacré solennellement le 2 novembre 1930, sous le nom d’Hailé Sélassié (Haïla Sellassié) Ier.


L’invasion italienne

À l’occasion de son accession au trône, Hailé Sélassié octroie une Constitution à la nation (16 juill. 1931). Elle inaugure un vaste programme de modernisation, qui se concrétise par l’ouverture d’un Parlement, tandis que des progrès décisifs sont réalisés dans le domaine administratif, les travaux publics, la santé, les écoles, l’organisation de l’armée et de la police, le contrôle de l’abolition de l’esclavage et le gouvernement des provinces.