Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

États-Unis (suite)

Mais il faut attendre l’apparition des « mobiles » de Calder*, en 1932, pour voir un sculpteur américain accéder à la notoriété internationale. À la même époque, les pièces soudées de Julio González et de Picasso déterminent la vocation de celui que l’on considère souvent, avec Calder, comme le plus grand des sculpteurs américains du xxe s., David Smith*. À l’exception de ces cas isolés, auxquels il convient d’ajouter ceux de Reuben Nakian (né en 1897), de Joseph Cornell (1903-1972) et d’Isamu Noguchi (né en 1904), qui fut assistant de Constantin Brâncuşi, la véritable naissance de la sculpture américaine est contemporaine de celle de l’expressionnisme abstrait. L’influence libératrice du surréalisme, d’abord sensible chez Cornell puis chez David Hare (né en 1917), se remarque ensuite chez Peter Agostini (né en 1913), Louise Bourgeois (née en 1911), Herbert Ferber (né en 1906), Ibram Lassaw (né en 1913), Seymour Lipton (né en 1903), Theodore J. Roszak (né en 1907). Au contraire, le goût des formes épurées, qui se remarque aussi bien dans le bois avec Raoul Hague (né en 1904) et Gabriel Kohn (né en 1910) que dans le métal effilé avec Richard Lippold (né en 1915) et José de Rivera (né en 1904), s’affirmera plus tard de manière catégorique dans les structures primaires (v. minimal art) de Tony Smith (né en 1912), Donald Judd (né en 1928) ou Robert Morris (né en 1931).

Toute différente est la voie de l’assemblage, qui connaît une vogue considérable aux États-Unis, notamment en Californie, à partir de 1950. L’accumulation de déchets se fait humoristique ou lyrique, décorative ou tragique, mystérieuse ou pathétique, selon qu’il s’agit de Richard Stankiewicz (né en 1922) ou de Mark Di Suvero (né en 1933), de John Chamberlain (né en 1927) ou de Louise Nevelson (née en 1900), de Lee Bontecou (née en 1931) ou d’Edward Kienholz (né en 1927). Si l’accent est mis sur l’hétéroclite, on aboutit au funk* art californien ; s’il est placé sur la force expressive de l’objet unique, on a affaire au pop’art d’Escobar Marisol (née en 1930), de George Segal (né en 1924) et de Claes Oldenburg (né en 1929), ce dernier tenu par beaucoup pour le plus grand artiste américain vivant.

Récemment, on a assisté à l’éclatement apparent, aux États-Unis, des distinctions traditionnelles entre peinture et sculpture. Mieux, l’idée même d’œuvre d’art y est mise en cause par les différents mouvements de l’art conceptuel*. Cependant, on ne peut manquer de remarquer à quel point, par exemple, le land art de Michael Heizer (né en 1944) s’inscrit dans une tradition américaine liée à la révélation du paysage du Nouveau Monde : une étrange continuité s’inscrit alors entre les peintures sur sable des Indiens Zuñis ou Navahos, les paysages romantiques du xixe s., les toiles de Pollock couchées à même le sol et les sillons tracés par Heizer dans les déserts du Nevada.

J. P.


L’architecture aux États-Unis

D’abord simple reflet de l’art populaire anglais, l’architecture américaine s’est constituée avec l’indépendance : architecture et urbanisme de la première moitié du xixe s. sont les expressions officielles d’un État démocratique, auquel convenait le style néo-classique. De Thomas Jefferson*, architecte et troisième président de l’Union (on lui doit, en 1785-1792, la construction du Capitale de Richmond puis, en 1822-1825, celle de l’université de Virginie à Charlottesville), à William Strickland (1787-1854) et Thomas U. Walter (1804-1887), les deux derniers grands néo-classiques (Second Bank of U.S., Philadelphie, par Strickland, 1819-1824 ; extension du Capitole de Washington par Walter, 1851-1865), l’architecture américaine est publique, monumentale et classicisante. L’influence étrangère confirme d’ailleurs cette tendance : les œuvres de l’Anglais Benjamin Latrobe (1764-1820), auteur du Capitole de Washington en 1816, ou l’urbanisation de la même ville par le Français Pierre Charles L’Enfant (1754-1825) expriment une volonté unique : rejoindre la grandeur antique en insufflant aux monuments de l’État l’idéal austère de la république.

Après la guerre de Sécession, les États-Unis, engagés dans une épopée à la fois territoriale et industrielle, vont conduire à leur extrême des tendances qui, en Europe, avortent ou restent limitées.

Henry Hobson Richardson (1838-1886) fut le premier grand architecte moderne aux États-Unis et l’introducteur des théories rationalistes de ses maîtres parisiens. Chez lui, l’abandon des réminiscences classiques souligne l’austérité de la forme, mettant l’accent sur la monumentalité de la structure — d’une brutalité antiacadémique (Allegheny County Jail, Pittsburgh, 1884-1887 ; Marshall Field Wholesale Store, Chicago, 1885-1887).

Mais c’est surtout avec l’école de Chicago* que se révélera l’originalité de l’architecture américaine. Chicago est le symbole même de la conquête de l’Ouest : durant les dix dernières années du siècle, la ville se couvrira de gratte-ciel. La technique de la construction métallique (v. fer [architecture de]), balbutiante encore au milieu du siècle, fait un bond en avant avec l’adoption des ossatures porteuses en acier riveté. William Le Baron Jenney (1832-1907), ancien élève de l’École centrale à Paris, est l’auteur du premier immeuble à ossature métallique, le Second Leiter Building (1889). La même année, son ancien collaborateur William Holabird (1854-1923), associé avec Martin Roche (1855-1927), achève le premier gratte-ciel* édifié sur le même principe.

À côté de Holabird et Roche, il faut citer Daniel H. Burnham (1846-1912) et John W. Root (1850-1891), dont l’équipe est aussi importante que celle de Dankmar Adler (1844-1900) et Louis H. Sullivan (1856-1924) : ils ont conduit l’art de Chicago, bien au-delà de la découverte technique, jusqu’au renouvellement du style. L’apport de Sullivan, notamment, a été fondamental pour l’Art* nouveau (dont Frank Lloyd Wright, son élève, fut à ses débuts l’un des représentants majeurs).

Par la suite, le gratte-ciel américain, devenu new-yorkais, devait continuer à se développer, mais moins sur le plan artistique que sur le plan technique : monument du commerce américain, il se tournait vers un néo-gothique de convention.