Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

États-Unis (suite)

La politique de défense américaine (1945-1972)

Le rôle déterminant joué par les forces américaines dans la victoire alliée et le potentiel de « dissuasion absolue » représenté par le monopole de l’arme atomique consacraient en 1945 l’ascension prodigieuse de la puissance militaire américaine. Sachant voir grand tout en restant pratiques, ayant adopté délibérément les méthodes qui avaient fait leurs preuves dans l’industrie, les chefs du Pentagone (l’état-major américain) avaient su adapter à la guerre moderne les richesses considérables du potentiel économique et technique américain.

L’organisation de la défense

Régie par la Constitution, le National Security Act de 1947 et le Reorganization Act de 1958, elle donne au président des États-Unis la responsabilité suprême de la défense et le commandement en chef des armées. C’est lui qui définit la politique de défense avec l’assistance :
— du Conseil national de sécurité, organisme à la fois civil et militaire chargé de le conseiller et dont relève le Service de renseignements ;
— du Bureau des plans d’urgence, compétent pour les questions relatives aux ressources du pays, à son économie et à la défense civile.

Le secrétaire d’État à la Défense (poste créé en 1947), désigné par le président, exerce la direction générale et militaire de la défense (budget, programmes, défense civile, etc.) et des armées. Il dispose :
— d’une chaîne de commandements opérationnels par l’intermédiaire du Comité des chefs d’état-major des trois armées (Joint Chiefs of Staff, créé pendant la guerre en 1942 et réorganisé en 1947) ;
— d’une chaîne de commandements administratifs et de gestion par les trois départements chargés de l’organisation et de la mise en condition des armées de terre, de mer et de l’air.

Les commandements opérationnels. En 1971, les forces américaines sont réparties en huit grands commandements interarmées :
— l’European Command, qui comprend notamment les forces stationnées en Europe dans le cadre du pacte Atlantique (son chef est en même temps commandant suprême des forces alliées en Europe) ;
— l’Atlantic Command, qui rassemble la flotte de l’Atlantique et les forces stationnées aux Antilles, aux Açores et en Islande ;
— le Pacific Command, qui groupe toutes les forces d’Extrême-Orient et du Pacifique (dont la VIIe flotte) ;
— l’Alaska Command, qui dirige les forces stationnées en Alaska ;
— le Southern Command, qui groupe les forces stationnées dans la zone du canal de Panamá ;
— le NORAD, chargé de la défense aérienne du continent nord-américain ;
— le Strike Command, chargé de préparer et d’exécuter toute mission d’intervention ;
— le Strategic Air Command, qui a autorité sur l’ensemble des forces stratégiques (missiles intercontinentaux et bombardiers de l’U. S. Air Force).


Les forces américaines en 1945

Marquée par cette « expérience », la politique de défense des États-Unis traduira après 1945 leur volonté de faire face aux responsabilités mondiales résultant de leur victoire. Intégrée à leur politique générale, qui les affrontera très vite à l’expansionnisme soviétique, elle s’appuiera d’abord sur leur monopole nucléaire. Elle s’infléchira ensuite à partir de 1957-1960, au moment où le développement des armements nucléaires soviétiques les conduira à prendre désormais en considération non plus seulement la défense de leurs intérêts dans le monde, mais aussi celle de leur propre territoire.


Monopole atomique et stratégie périphérique

Confiants dans la volonté de paix d’un monde épuisé par la guerre et convaincus de détenir grâce à l’atome une supériorité militaire absolue, les États-Unis procèdent dès la fin de 1945 à une démobilisation massive, qui réduit en 1948 à 1,5 million d’hommes l’effectif global de leurs forces. Cette démobilisation s’accompagne d’une reconversion aussi brutale de l’industrie : sur 37 000 avions construits en 1946, 1 000 seulement sont des avions militaires.

Dès 1947, toutefois, inquiets de la pression exercée par l’U. R. S. S. en Europe et au Moyen-Orient, le président Truman affirme sa volonté de s’y opposer. Cette politique de containment, dans laquelle s’inscrit le plan Marshall d’aide à l’Europe, se traduit d’abord par l’adoption du National Security Act. Créant la Commission de l’énergie atomique, à qui incombent recherches et réalisations en matière d’armement nucléaire, cette loi définit les organismes de base — Conseil national de sécurité, Comité des chefs d’état-major — chargés de proposer au président et de mettre en œuvre sous sa direction la politique militaire. Celle-ci s’incarne aussitôt dans l’organisation du Strategic Air Command, puissant groupement de bombardiers à grand rayon d’action, porteurs de bombes nucléaires et capables d’atteindre l’U. R. S. S. à partir des États-Unis ou de bases situées à la périphérie du territoire soviétique. Après le coup de Prague et le blocus de Berlin (1948), cette politique conduit à la conclusion du pacte atlantique, par lequel les États-Unis prennent en charge la défense de l’Europe occidentale contre toute agression du bloc soviétique. Celui-ci ne disposant alors que de forces classiques, la stratégie américaine est celle d’une menace de représailles massives par armes nucléaires.


De la guerre de Corée au premier « Spoutnik »

L’équilibre précaire ainsi réalisé est bientôt compromis par la victoire de Mao Zedong en Chine et surtout par l’explosion de la première bombe atomique soviétique (août 1949), qui annonce la fin prochaine du monopole nucléaire américain. Cette situation explique la décision des États-Unis d’intervenir militairement dans la guerre des deux Corées (1950), qui mettra à l’épreuve le principe même de la dissuasion atomique. Les conséquences d’un emploi éventuel de la bombe en interdisant l’hypothèse, les États-Unis doivent procéder à une véritable remobilisation militaire et industrielle. Quand la guerre prendra fin en 1953, l’effectif des forces américaines sera remonté à 3,5 millions d’hommes.