Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

États-Unis (suite)

Les Églises sont peu inspirées par le mysticisme. Elles constituent quelquefois des moyens de réussite sociale, toujours des centres de rencontres. Toutes les confessions exaltent la même morale : le mariage est sacro-saint (pourtant, les divorces sont nombreux après la guerre) ; le travail et l’économie sont les valeurs primordiales. Les bâtiments, dont la multiplicité étonne l’étranger, témoignent de la richesse et de la puissance des Églises.

Les universités restent, jusqu’au lancement du premier « Spoutnik » et l’arrivée au pouvoir de Kennedy, des bastions du pragmatisme. Le niveau des colleges est d’ailleurs loin d’être homogène : si certains se maintiennent à une hauteur respectable, notamment sur la côte atlantique, d’autres tirent leur gloire moins de leur enseignement que de leur équipe de football ou de leurs pistes de ski. Le conformisme a d’ailleurs gagné les milieux intellectuels : les historiens des années 50, par exemple, soulignent dans le passé des États-Unis le poids du consensus et sous-estiment les tensions sociales et politiques.

Ce ne sont pas les immigrants qui viennent troubler cette atmosphère. D’une part, ils sont peu nombreux, malgré l’assouplissement des règles depuis 1948 en faveur des « personnes déplacées » et des citoyens des démocraties populaires « qui ont choisi la liberté » : de 1946 à 1958, 1,5 million d’immigrants arrivent aux États-Unis dans le cadre des quotas, plus 1 million de Latino-Américains et de Canadiens qui ne sont pas soumis à la réglementation des quotas. D’autre part, les nouveaux venus voient dans les États-Unis la Terre promise et s’assimilent au plus vite. Le problème noir lui-même incite les Américains à l’optimisme. Certes, la population noire a connu un accroissement plus fort que la population blanche : les Noirs sont 12 865 914 en 1940, 15 044 937 en 1950, 18 871 831 en 1960 ; ils poursuivent leur déplacement vers le nord et l’ouest : le New York comptait 571 221 Noirs en 1940 et 1 417 511 en 1960 ; la Californie, 124 306 et 883 861, tandis que le Mississippi passait de 1 074 578 à 915 743. Ce sont les grandes villes (New York, Chicago, Saint Louis, Detroit, etc.) qui sont les bénéficiaires de ces migrations. Mais, bien qu’ils constituent le plus souvent l’élément le plus pauvre du prolétariat, les Noirs ont amélioré leur niveau de vie. La ségrégation raciale tend à disparaître : la Seconde Guerre mondiale et, plus encore, la guerre de Corée ont favorisé dans les armées un rapprochement entre Blancs et Noirs ; le président Truman a pris parti en faveur d’une libéralisation des rapports entre les deux communautés, et, le 17 mai 1954, la Cour suprême déclare inconstitutionnel le maintien de la ségrégation scolaire. Il faut, il est vrai, que le président Eisenhower envoie des troupes fédérales pour que le gouverneur de l’Arkansas se soumette à la décision des juges (Little Rock, 1957).

En fait, les Noirs comptent, pour assurer la défense de leurs droits, beaucoup moins sur les libéraux blancs et beaucoup plus sur eux-mêmes. En 1956, le pasteur Martin Luther King mène victorieusement la lutte contre les compagnies d’autobus de Montgomery (Alabama). Les moyens employés ne sont plus juridiques, mais demeurent pacifiques ; King est un apôtre de la non-violence.

Le seul danger véritable qui menace la société américaine provient des excès du conformisme. En 1949-50 commence l’ère du maccartisme. Le succès de Joseph McCarthy (1909-1957), sénateur du Wisconsin, résulte de l’anticommunisme dans lequel baignent les États-Unis. Ses accusations sont violentes : pour lui, le département d’État est un repaire d’espions à la solde des Russes. Il accuse aussi la presse, les universités, Hollywood et bientôt toute l’administration fédérale, y compris l’armée — ce qui entraînera sa censure par le Sénat en 1954. Aussi ne s’étonne-t-on pas que les Rosenberg aient été condamnés à mort en 1951 pour espionnage atomique au profit de l’U. R. S. S. et exécutés en 1953 sans que des preuves irréfutables de leur culpabilité aient été apportées.

En 1957, le lancement du premier « Spoutnik » secoue brutalement l’optimisme général. Puis, dans sa campagne électorale de 1960, Kennedy souligne les retards de son pays et propose à ses concitoyens, soudainement réveillés, de s’engager à la conquête d’une nouvelle Frontière. De fait, le temps a manqué au président Kennedy. L’Amérique a rattrapé son retard dans le domaine spatial et s’est lancée dans la conquête de la Lune ; les intellectuels sont revenus à Washington, et les Noirs et les pauvres ont beaucoup attendu de l’attorney general Robert Kennedy.

• Après l’assassinat du président (nov. 1963), les nuages s’amoncellent. Le président Johnson promet une « Grande Société » et fait adopter par le Congrès l’aide médicale aux personnes âgées et le Civil Rights Act de 1964 pour les Noirs, mais, rapidement, il engage de plus en plus profondément son pays dans la guerre au Viêt-nam.

Ce sont d’abord les Noirs qui manifestent leur mécontentement. Après la marche sur Washington en 1963, M. L. King perd sa suprématie sur le mouvement de revendication. Bien avant son assassinat (avr. 1968), il est dépassé par de nouvelles organisations, plus radicales, comme le Congress of Racial Equality, le Student Nonviolent Coordinating Committee, les Musulmans noirs et les Panthères noires, qui, chacun à sa manière, réclament le black power. Dans les ghettos, de 1964 à 1968, se succèdent des émeutes dirigées contre tous les symboles de la domination économique et politique des Blancs. Une séparation de fait s’instaure entre les communautés, et ce d’autant plus facilement que le centre des villes se dépeuple de ses habitants blancs et que le chômage et la misère frappent plus les Noirs que les Blancs. L’insuffisance numérique de la police compromet gravement la sécurité dans les downtowns. La drogue fait des ravages dans tous les milieux et encore plus chez les pauvres.