Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

États-Unis (suite)

En Asie, la stratégie dite « du saut de mouton », permet aux troupes du général MacArthur* de reprendre peu à peu, à partir de 1943, les territoires occupés par les Japonais. L’assaut final contre l’archipel n’aura pas lieu, car le président Truman donne l’ordre de lâcher une bombe atomique sur Hiroshima (6 août 1945), qui évitera la perte, selon les experts, d’un million de vies américaines. Un mois plus tard, le gouvernement impérial signe l’armistice.

Dès le 14 août 1941, Roosevelt adopte, lors de la Conférence de l’Atlantique avec Churchill, le principe de la sécurité collective. Au cours de la guerre, plusieurs conférences interalliées ont lieu, dont deux avec Staline (Téhéran en 1943, Yalta en février 1945). Les États-Unis y imposent leur projet d’Organisation des Nations unies. Roosevelt s’emploie alors à assurer pour l’après-guerre la collaboration des Alliés. L’opposition à un tel dessein n’existe pas aux États-Unis : l’isolationnisme est mort à Pearl Harbor ; et même les républicains, par la bouche du sénateur Arthur Hendrick Vanderberg (1884-1951), soutiennent la politique du président. Avec l’Union soviétique, la discussion est plus tendue : Staline obtient le droit de veto pour chaque Grand dans le futur Conseil de sécurité ; il réclame seize voix (une par république fédérée) pour l’U. R. S. S. et en obtient trois. À Dumbarton Oaks (août-oct. 1944), puis à Yalta s’établit l’accord qui permettra à San Francisco, en juin 1945, la fondation de l’O. N. U.

Roosevelt a consenti d’autres concessions à Staline, notamment sur le sort de la Pologne, sur la répartition des zones alliées en Allemagne, dans les affaires d’Extrême-Orient. A-t-il mal jugé les dirigeants soviétiques ? A-t-il surestimé leur volonté de conciliation ? A-t-il brusquement vieilli ? A-t-il poursuivi une chimère ? Avant même la fin de la guerre, le 12 avril 1945, il meurt, au début de son quatrième mandat.

Les États-Unis de 1945 sont la première puissance du monde. Aux autres pays capitalistes, ils imposent leur domination monétaire par les accords de Bretton Woods (juill. 1944). Par la procédure du prêt-bail, ils ont alloué à leurs alliés plus de 50 milliards de dollars (dont 11 à l’U. R. S. S.). Seuls dans le monde, ils possèdent la bombe atomique.


Les grandeurs et les vicissitudes d’une puissance mondiale : les États-Unis depuis 1945


Les États-Unis et le monde

En 1945, les États-Unis n’éprouvent pas, comme en 1919, le désir d’un « retour à la normale ». D’après un sondage d’opinion de juillet 1944, 72 p. 100 des Américains interrogés souhaitent que leur pays adhère aux Nations unies. Il avait fallu huit mois de débats en 1919 et en 1920 pour que le Sénat détruise l’œuvre de Wilson ; il suffit de six jours en 1945 pour que 89 sénateurs sur 91 votants ratifient la Charte de l’O. N. U. L’heure des responsabilités mondiales a sonné.

D’ailleurs, les États-Unis sont, parmi les vainqueurs des puissances de l’Axe, les seuls qui ne sortent pas épuisés du conflit. Leurs pertes en vies humaines sont relativement faibles ; leur économie s’est considérablement développée pendant la guerre. Entre 1945 et 1949, ils donnent près de 3 milliards de dollars à l’UNRRA (United Nations Relief and Rehabilitation Administration) pour approvisionner la Chine, l’Europe centrale et orientale, l’Allemagne et le Japon : ils dépensent un peu moins de 5 milliards de dollars pour remettre sur pied l’économie de l’Europe occidentale.

Sans parler de la France épuisée et de la Chine divisée, la Grande-Bretagne subit un tel déclin que les Alliés sont devenus des clients. Reste l’Union soviétique. Le successeur du président Roosevelt, Harry S. Truman, espère que l’aide économique des États-Unis assurera avec l’U. R. S. S. le maintien de la « grande alliance ». Bien plus, en juin 1946, Bernard Mannes Baruch (1870-1965), au nom des États-Unis, présente à la Commission atomique de l’O. N. U. un plan de désarmement nucléaire : un organisme international posséderait et contrôlerait les mines d’uranium et de thorium. Les Russes jugent que ce contrôle renforcera la suprématie américaine.

D’ailleurs, du côté américain, à l’espoir succèdent rapidement les désillusions. Certes, sous l’énergique commandement du général MacArthur, le Japon se transforme profondément : la Constitution est démocratisée ; les grands trusts familiaux perdent leur prépondérance ; des réparations sont prélevées. Mais la rivalité russo-américaine apparaît en Chine. Malgré les efforts du général Marshall, la réconciliation entre Mao Zedong (Mao Tsö-tong) et Jiang Jieshi (Tchang Kaï-chek) n’a pas lieu ; et les Américains se lamentent de la corruption qui règne dans les rangs des nationalistes. Ils laissent agir la force des choses, et les communistes prennent le pouvoir en 1949 en Chine continentale.

En Europe, le problème allemand n’est pas résolu. Les Alliés ont procédé à une certaine dénazification, dont le procès de Nuremberg est la plus frappante illustration (nov. 1945 - oct. 1946). Mais les Américains cherchent à reconstruire plus qu’à punir ; ils veulent faire de l’Allemagne une démocratie à l’américaine. Ils s’aperçoivent aussi que limiter strictement la production d’acier, empêcher le fonctionnement d’usines qui disposent d’un potentiel de guerre, démonter à titre de réparations les installations industrielles, c’est accroître la misère du peuple allemand, le rendre encore plus dépendant de l’aide américaine et provoquer une renaissance du nationalisme. Dans leur zone, les Soviétiques mettent sur pied une « démocratie populaire » : la réunification de l’Allemagne et de Berlin ne les intéresse que si elle aboutit à la généralisation du régime communiste. En Pologne, en Bulgarie, en Roumanie, en Hongrie et en Yougoslavie, les communistes ont pris le pouvoir, avec l’aide ou la complicité de l’armée soviétique.

Le 5 mars 1946, dans le Missouri, Churchill avait dit qu’un rideau de fer séparait deux Europes. Le gouvernement américain fait sienne cette conception des relations internationales à partir de 1947.