Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

États-Unis (suite)

De toute évidence, c’est la production de guerre qui, à partir de 1940, permet à l’économie américaine de repartir vers d’autres sommets. Mais l’œuvre de Roosevelt ne perd rien de son efficacité : celui-ci a redonné à ses concitoyens confiance dans le système capitaliste — alors que, chez certains, la tentation du fascisme et chez d’autres, celle du socialisme exerçaient une nette attirance ; il a adapté les structures économiques, sociales et politiques de son pays à l’époque moderne. Il a ainsi permis aux États-Unis de tenir le rôle principal dans la Seconde Guerre mondiale.


La Seconde Guerre mondiale

Depuis 1933, les États-Unis assistaient de loin à la montée des périls en Europe. Instruits et déçus par l’expérience de 1917-1919, ils s’efforçaient de rester à l’écart. Certes, cette attitude ne les privait pas complètement de politique extérieure. En Amérique latine, par exemple, ils renonçaient au big stick pour adopter la politique de bon voisinage. La situation en Extrême-Orient les préoccupait, mais ils hésitaient, notamment à la suite de l’invasion japonaise de la Mandchourie, entre une politique de force et le recours à d’interminables négociations. Vis-à-vis de l’Europe, ils manifestaient une grande prudence.

Il est vrai qu’en 1933 ils ont renoué des liens diplomatiques avec l’U. R. S. S. Mais, dans l’ensemble, l’isolationnisme l’emporte. S’isoler des affaires européennes, c’est le vieux conseil du président Washington. Jefferson l’a complété en donnant aux États-Unis la mission de porter les plus nobles espoirs du monde : leur devoir est de ne pas se conduire comme les nations cyniques de l’Ancien Monde. Enfin, les concitoyens de Roosevelt observent que leur pays ne dispose pas de la force suffisante pour imposer ses solutions : le mieux est de s’abstenir. Pacifistes soucieux des problèmes intérieurs des États-Unis, nationalistes prêts à tout ou disposés à des concessions pour défendre le droit de leur pays de rester neutre, les isolationnistes ont, de 1935 à 1937, fait voter des lois de neutralité dont l’application empêchera les États-Unis de glisser dans la prochaine guerre.

À partir de 1937, Roosevelt engage très prudemment son pays dans une participation plus active aux affaires internationales. Il recommande un effort concerté des nations pacifiques et la mise en quarantaine des agresseurs. Lorsque la guerre éclate en Europe, il fait assouplir la législation neutraliste. Après la défaite de l’armée française, beaucoup d’Américains comprennent que l’isolationnisme n’est possible que si les démocraties occidentales forment un rempart pour protéger le Nouveau Monde. Un comité d’aide aux Anglais se constitue, mais se heurte au mouvement America First Committee, dernier et solide gardien de l’isolationnisme. Roosevelt se fait élire, une troisième fois, avec la promesse de ne point engager les boys dans une guerre étrangère. Mais, en décembre 1940, il annonce que son pays deviendra « le grand arsenal de la Démocratie » ; en mars 1941, il fait adopter la loi du prêt-bail, qui supprime d’éventuelles dettes de guerre. Ses experts mettent en place un vaste programme d’armements (le programme de la Victoire). L’invasion de l’Union soviétique, l’attaque japonaise sur Pearl Harbor (7 déc.) font le reste : le 8 décembre, les États-Unis entrent en guerre contre le Japon et l’Allemagne.

Dès lors, ils vont accomplir un formidable effort économique et militaire. Sans doute l’expérience de la Grande Guerre permet-elle d’aller plus vite, mais l’on va aussi beaucoup plus loin. Volontaires et conscrits donnent aux armées une force de plus de 15 millions d’hommes et de femmes (presque autant que l’Allemagne, moins que l’U. R. S. S.). Loger, nourrir et équiper ces soldats, fournir 35 p. 100 des armes utilisées contre l’Allemagne et 86 p. 100 des armes utilisées contre le Japon, fabriquer des avions, construire des navires et des arsenaux, approvisionner le secteur civil, développer la production tout en contrôlant le mouvement des prix, tout cela ne peut se faire sans une vaste mobilisation des énergies nationales.

Roosevelt crée de multiples organismes, dont les compétences se chevauchent parfois, et fait appel à des hommes venus de tous les horizons. Le pouvoir fédéral se charge d’acheter les produits nécessaires aux armées américaines et alliées, répartit main-d’œuvre et matières premières, agit sur les salaires et les prix, punit les récalcitrants, contrôle l’utilisation de l’acier, du cuivre et de l’aluminium. En établissant un maximum des prix, des salaires et des loyers, en suivant une stricte politique fiscale et monétaire, en rationnant les consommateurs, le gouvernement lutte victorieusement contre l’inflation.

Sur le plan militaire, la collaboration avec les Alliés ne va pas sans quelques nuages. Avec les Soviétiques, le principal problème est celui de l’ouverture du second front : quand le débarquement américain en Europe aura-t-il lieu ? Prévu en 1942, reporté à 1943, il se produira finalement le 6 juin 1944 sur les côtes de Normandie. Avec les Anglais, l’entente est plus facile : les états-majors tiennent à Washington des réunions communes, que préside le général Marshall*, chef d’état-major des armées américaines. Mais deux conceptions se heurtent. Les Britanniques, qui songent à la défense de leur empire, recommandent une stratégie périphérique : les Alliés attaqueraient l’Allemagne par une série de sideshows, et Churchill parlera, à la fin de la guerre, du « ventre mou de l’Axe », donc d’une percée par les Balkans et l’Italie, qui pourrait même arrêter une trop grande avance des armées soviétiques. Les Américains jugent préférable d’attaquer l’ennemi le plus fort, donc l’Allemagne, là où il est le plus fort, donc sur les côtes franco-belges. En novembre 1942, l’opération Torch (le débarquement en Afrique du Nord) fait suite à une victoire de la stratégie britannique ; la campagne de Sicile et d’Italie en constitue le prolongement. Mais 1944 voit le triomphe de la stratégie frontale, sous le commandement du général Eisenhower, la marche victorieuse vers le Rhin, le coup d’arrêt momentané dans les Ardennes au cours de l’hiver 1944-45, enfin l’invasion de l’Allemagne jusqu’à l’Elbe — suivant la promesse faite par Roosevelt à Staline.