Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

États-Unis (suite)

La Maison-Blanche est devenue la principale source de l’initiative législative. Le président apparaît en personne devant le Congrès pour défendre ses projets de loi. Si les parlementaires ont adopté un bill qui ne satisfait pas le président, celui-ci n’hésite pas à faire usage de son droit de veto. Roosevelt ne cherche pas à abaisser le pouvoir législatif ; son objectif est d’adapter la Constitution aux besoins nouveaux de l’Amérique.

S’il est une leçon que Roosevelt a tirée de l’échec de son prédécesseur, c’est que les Américains attendent une intervention des pouvoirs publics dans la vie économique. Héritier des progressistes, secrétaire adjoint à la Marine lors de la mobilisation des énergies nationales en 1917-18, Roosevelt tâche de moderniser le capitalisme américain. Les new dealers ne cherchent pas à résoudre la crise dans un cadre international ; les États-Unis se replient sur eux-mêmes.

Au cours du premier New Deal (1933-34), Roosevelt reste très prudent. Il refuse de lancer le gouvernement fédéral dans une politique de grands travaux qui mènerait à l’inflation. Il commence par remettre de l’ordre dans le système bancaire, puis, pour faire remonter les prix, dévalue le dollar de 40 p. 100 en janvier 1934 ; les États-Unis s’engagent à acheter l’once d’or à 35 dollars. En mai 1933, Roosevelt fait adopter par le Congrès l’Agricultural Adjustment Act (l’AAA). Cette loi vise à l’amélioration du sort des fermiers : des récoltes sont en partie détruites aux frais du gouvernement ; des cultures sont limitées à des superficies plus réduites ; 6 millions de porcs sont abattus : le gouvernement fédéral intervient dans la commercialisation des produits. Un mois plus tard, le National Industrial Recovery Act (NIRA) se préoccupe du secteur secondaire. Dans chaque branche industrielle, les patrons sont encouragés à élaborer un code de concurrence loyale ; les travailleurs obtiennent la reconnaissance du droit syndical ; les entreprises qui ont accepté les stipulations du NIRA mettront un aigle bleu sur leurs bâtiments et leurs produits. En un an, 576 codes sont élaborés, mais bon nombre d’entreprises n’ont pas adhéré spontanément au NIRA.

La mise en place de la Tennessee Valley Authority en 1933 est une expérience franchement dirigiste. Il s’agit de produire de l’électricité moins chère que celle qui est fournie par les compagnies privées, de contrôler le Tennessee et ses affluents, et d’irriguer plusieurs États du Sud. Vingt barrages sont construits de 1933 à 1954 ; une voie fluviale de plus de 1 000 km améliore les communications entre les Grands Lacs et le Sud. En même temps, un véritable aménagement régional, reposant sur la planification, permet de lutter contre la malaria, de construire des lacs de divertissement, de faire circuler des bibliobus.

Pourtant, cet arsenal législatif ne diminue guère le nombre des chômeurs — auxquels la Public Works Administration et la Federal Emergency Relief Administration viennent en aide. Pour l’hiver 1933-34, Roosevelt crée la Civil Works Administration (CWA), dont il confie la direction à Harry Lloyd Hopkins (1890-1946) : les chômeurs sont invités à construire des routes, des écoles, des aéroports, des parcs ; les artistes sont chargés de la décoration ; 18 millions de personnes, dont 7 millions d’enfants de moins de seize ans, sont ainsi secourues. Le droit au travail est désormais reconnu par le gouvernement fédéral.

Les élections législatives de 1934 montrent que les Américains réclament une action plus énergique contre la crise. Le second New Deal commence alors. Les partisans de grosses dépenses fédérales reçoivent complète satisfaction.

La Works Progress Administration, qui succède à la CWA en 1935, dépense allégrement 11 milliards de dollars en six ans, mais elle offre du travail, parfois inutile, à des millions de chômeurs. Une stricte législation s’efforce de briser les trusts. Les ouvriers obtiennent des mesures plus favorables que celles qui sont contenues dans le NIRA. Un second AAA est adopté en 1938. La sécurité sociale (assurance contre le chômage et la vieillesse, et non contre la maladie) est adoptée en 1935.

Dès lors, Roosevelt doit faire face à une double opposition. À droite, les républicains orthodoxes, parmi lesquels figurent Hoover et ses amis de la Liberty League, l’accusent de conduire le pays vers le socialisme ; la loi de 1935 qui augmente les impôts sur les sociétés et les hauts revenus leur paraît justifier les pires craintes. Ils trouvent des appuis chez les juges de la Cour suprême, qui déclarent le NIRA (1935) et l’AAA (janv. 1936) contraires à la Constitution. Le président mène contre eux une campagne d’opinion qui porte ses fruits : la Cour amorce un virage à partir de 1937.

Des mouvements d’inspiration fasciste, voire nazie, se manifestent de manière spectaculaire, mais leur influence est limitée. Huey Pierce Long (1893-1935), sénateur de la Louisiane, le père Charles Edward Coughlin (né en 1891), dont les chroniques radiodiffusées attirent des millions d’auditeurs, Francis Everett Townsend (1867-1960) sont surtout des démagogues qui proposent des solutions radicales et impraticables, comme le partage des richesses.

Enfin, la vieille American Federation of Labor cède du terrain devant une nouvelle confédération, le Congress of Industrial Organizations (CIO), qui rassemble, dans des syndicats d’industries, des ouvriers qualifiés et non qualifiés, des Noirs et des Blancs. Le président du CIO, John Llewellyn Lewis (1880-1969), organise en 1936-37 des grèves victorieuses et finit par se brouiller avec la Maison-Blanche en 1940.

Cette agitation politique n’empêche pas le président de se faire réélire triomphalement en 1936. Par contre, en 1938, celui-ci affronte quelques résistances au sein de son propre parti, après qu’une petite récession frappe le pays en 1937.

Finalement, les effets du New Deal sur les plans moral, social et politique sont incontestables. Mais, en 1939, les États-Unis comptent encore 9 millions de chômeurs ; en 1940, ils sont plus de 8 millions. Le produit national brut, en dollars 1929, atteignait 104,4 milliards avant la crise, 74 milliards en 1933, 109 milliards en 1937, 103 milliards en 1938 et 111 milliards en 1939. L’indice des prix, calculé sur la base 100 pour 1929, ne dépasse ce chiffre qu’à partir de 1942. La moyenne des gains annuels des ouvriers est de 1 405 dollars en 1929 et de 1 264 dollars en 1939.