Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

États-Unis (suite)

• La guerre de Sécession, 1861-1865. Le principal but de guerre de Lincoln est la sauvegarde de l’Union. Il le dit dans son discours d’inauguration et le répète. La première proclamation d’émancipation des esclaves date de 1862 et doit prendre effet à partir de 1863 dans les États qui n’ont pas fait sécession. Pour Lincoln, l’Union est le symbole et la garantie d’un gouvernement populaire. Pour les sudistes, qui songent avant tout à préserver un genre de vie face au Nord industriel, il s’agit d’acquérir le droit de former une nation souveraine. Les besoins de l’Europe en coton leur donnent une arme diplomatique : il suffira de ne pas perdre la guerre.

Mais le combat est inégal. Certes, le Sud possède de meilleurs officiers, parmi lesquels le commandant en chef Robert Edward Lee (1807-1870) et le général Stonewall Jackson (1824-1863) ; ses troupes savent se battre et remportent des victoires près de Washington, où se déroulent la plupart des batailles. Quant au Nord, il lui faudra deux ans pour trouver, en la personne du général Ulysses Simpson Grant (1822-1885), le chef énergique ; la levée des volontaires, puis la mobilisation se sont faites difficilement ; le blocus des côtes du Sud n’est pas hermétique ; enfin, les rapports entre le président et le Congrès manquent d’aménité et de confiance.

Mais, à partir de 1862-63, le Nord commence à manifester sa puissance. Il porte la guerre à l’ouest des Appalaches : La Nouvelle-Orléans est prise. L’armée sudiste, qui s’est aventurée jusqu’en Pennsylvanie, subit une défaite à Gettysburg. Le Nord s’appuie sur ses ressources économiques et obtient de l’Europe qu’elle ne reconnaisse pas la Confédération. En 1864, William Tecumseh Sherman (1820-1891) traverse la Géorgie d’ouest en est, détruisant tout sur son passage. En 1865, la cause est entendue : à Appomattox, en Virginie, Lee se rend à Grant.

Dans cette guerre civile, 360 000 soldats du Nord disparurent, dont 110 000 au cours des combats ; du côté sudiste, il y eut 260 000 morts, dont 94 000 dans les combats. En tout, un million d’Américains furent tués ou blessés. L’assassinat du président Lincoln, le 14 avril 1865, dans un théâtre de Washington, montre à quel point les passions s’étaient déchaînées. Par les innovations techniques et tactiques, par la présence des journalistes et des photographes, la guerre civile fut aussi la première des guerres modernes.

Après ce conflit, il n’est plus possible d’imaginer la sécession d’un ou de plusieurs États. L’Union est solidement cimentée. La victoire du Nord est celle du nationalisme, force contraire au fractionnement. Plus que la Déclaration d’indépendance de 1776, elle fonde véritablement l’existence d’une nation américaine.


L’industrialisation de l’Amérique, 1865-1917


La reconstruction

Après la guerre civile, il faut procéder à la reconstruction de l’Union. En 1865, le treizième amendement à la Constitution proclame l’abolition de l’esclavage. L’année suivante, le quatorzième amendement accorde aux Noirs les droits civiques. En 1870, le quinzième amendement précise qu’il s’agit aussi des droits politiques.

L’application de ces mesures donne lieu à des tensions fort vives. Dans le Nord, les politiques se divisent. Un conflit éclate entre le pouvoir exécutif, qui a étendu ses prérogatives du fait de la guerre, et le Congrès, qui cherche à retrouver sa suprématie. Le successeur du président Lincoln, Andrew Johnson (1808-1875), est maladroit et ne bénéficie même pas du prestige de la victoire. En 1868, le Congrès manque, à une voix près, de le mettre en accusation. Il faut plusieurs décennies pour que la fonction présidentielle se relève de cet affront. Autre conflit : celui qui oppose les radicaux et les modérés. Les uns, comme Thaddeus Stevens (1792-1868) et Charles Sumner (1811-1874), considèrent qu’en faisant sécession les États « rebelles » ont cessé d’exister : pour retrouver leur rang d’États, ils doivent être d’abord assimilés à des territoires (donc sous l’autorité du Congrès), puis dotés de gouvernements dans lesquels n’entrera aucun rebelle. Les modérés s’inspirent de la politique de Lincoln. Certes, disent-ils, la sécession est illégale, mais elle n’entraîne aucun changement dans le statut des États sudistes ; il suffit que quelques « rebelles » prêtent serment à l’Union pour que les États reprennent leur place.

Les élections législatives de 1866 donnent la victoire aux radicaux. Les États sudistes sont alors répartis en cinq districts militaires ; des gouverneurs militaires sont chargés de réunir des conventions pour faire adopter de nouvelles Constitutions et ratifier le quatorzième amendement. En 1869, le président Grant apaise les esprits, et le calme revient peu à peu dans le Nord — qui se désintéresse de plus en plus des affaires du Sud.

Dans le Sud, la reconstruction radicale met au pouvoir les carpet-baggers (ce sont des nordistes qui tirent leur nom du sac en tapisserie qu’ils portaient pour tout bagage), les scalawags (sudistes favorables à la cause du Nord) et les Noirs. Les uns et les autres sont victimes d’une réputation détestable. De fait, les Noirs ont souvent cherché à s’instruire et, en 1867-68, n’ont été en majorité dans les conventions que dans deux États sur onze. Les scalawags sont les héritiers de la minorité unioniste, qui n’acceptait pas la domination des planteurs ; les carpet-baggers sont des aventuriers de la même famille que les pionniers de l’Ouest. Mais tous empêchent le retour au pouvoir des planteurs. Aussi voit-on apparaître l’empire du Ku Klux Klan* avec son grand sorcier, ses dragons et ses titans : l’ennemi, c’est le Noir, le nordiste. On fait peur, on brûle des croix ou des maisons, on lynche. Tous les milieux sociaux participent à l’activité du K. K. K. : la répression est lente et le Klan ne disparaît qu’après 1871.

Pourtant, les radicaux ont réalisé une œuvre durable. Les Constitutions qu’ils ont élaborées sont restées en vigueur pendant de longues années. Avec les fonds publics, ils ont fait bâtir des écoles, des hôpitaux, des routes, des ponts. Certains se sont laissé corrompre, mais c’est alors un mal endémique dans la vie politique.