Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

État (suite)

Les différences entre les régimes tiennent beaucoup plus au fait que tout ou partie de la population adulte d’un État participe, ou ne participe pas, directement ou indirectement, à la prise des décisions politiques, au choix des agents chargés de prendre ces décisions et de ceux qui sont chargés de veiller à leur application, au contrôle, et, éventuellement, à la révocation de ces agents. On peut distinguer alors trois types de systèmes de gouvernement, trois types d’État.

• La démocratie directe, dans laquelle la souveraineté est exercée par le peuple tout entier, réuni périodiquement en assemblée plénière ; le système, largement pratiqué dans l’Antiquité, supprimait apparemment la distinction entre gouvernants et gouvernés puisque les gouvernés décidaient eux-mêmes. Mais la réalité était bien différente : d’une part, il existait des fonctions gouvernementales assurées par des citoyens chargés de veiller à l’exécution des décisions prises et de prendre des mesures d’urgence entre deux assemblées du peuple ; d’autre part, de nombreux éléments de la population restaient en dehors des assemblées du peuple : femmes, enfants et adolescents, esclaves, populations colonisées, etc. Aujourd’hui, on rencontre une survivance de démocratie directe dans trois cantons suisses (c’est-à-dire des collectivités locales et non pas des États souverains) de population réduite (Glaris, Unterwald et Appenzell ne représentant pas 3 p. 100 de la population totale de la Suisse) et l’existence, dans la constitution de quelques États (les uns étant souverains, les autres fédérés), de certaines pratiques se rattachant à la démocratie directe : référendum*, veto et initiative populaire, recall (révocation des élus par leur électorat), etc.

• L’aristocratie représentative, dans laquelle une fraction seulement de la population adulte participe, en les confisquant aux autres, au choix et au contrôle des gouvernants. Cette aristocratie peut être constituée par l’armée, l’administration, une classe sociale, un parti.

On peut rattacher à ce système : a) les régimes dictatoriaux de fait, dans lesquels les formes constitutionnelles importent peu, soit qu’elles ne soient pas respectées, soit que leur fonctionnement soit faussé, ou encore que leur application soit suspendue ; b) les régimes dictatoriaux légaux, reposant sur une constitution ne comportant aucun contrôle véritable du peuple sur les gouvernants ; c) les régimes reposant sur l’existence d’un parti unique dont les dirigeants s’identifient aux gouvernants : dans la mesure où le fonctionnement du parti prévoit un contrôle effectif des membres du parti sur les dirigeants, nous sommes en face d’un système d’aristocratie élargie, auquel il semble difficile de refuser tout caractère démocratique.

• La démocratie représentative, dans laquelle la totalité de la population adulte peut participer à la désignation et au contrôle des gouvernants. Certains publicistes nient l’existence de véritables démocraties représentatives en s’appuyant sur trois constatations : 1o une fraction importante de la population manque de sens civique ou se désintéresse de la vie publique, ainsi que le prouvent le nombre des abstentionnistes réguliers dans les consultations électorales et, plus encore, le grand nombre de citoyens non inscrits sur les listes électorales (le petit nombre des militants des partis politiques — notamment dans les pays latins — peut également être souligné) ; 2o les divers systèmes électoraux camoufleraient en fait sous une apparence démocratique le choix des gouvernants, les comités des partis politiques assurant pratiquement seuls ce choix ; 3o dans la plupart des pays, la haute administration détient en fait le pouvoir (parfois avec des politiques de rechange), quelle que soit la majorité parlementaire.

On rattache à ce système : a) les régimes présidentiels, dans lesquels un chef élu par le peuple exerce seul — avec le concours de ses ministres — le pouvoir gouvernemental, tout en partageant souvent le pouvoir législatif avec le Parlement ; b) les régimes parlementaires, caractérisés par l’équilibre entre le gouvernement et le Parlement, le second exerçant un contrôle effectif sur le premier et détenant le pouvoir législatif (en général, gouvernement et parlementaires disposent concurremment de l’initiative législative), le premier décidant — dans la limite de la durée du mandat des représentants — de la date des consultations électorales : le régime britannique constitue le type même du système parlementaire, bien que la tendance actuelle au renforcement du pouvoir exécutif ait conduit certains publicistes contemporains à qualifier de présidentiel le pouvoir du Premier ministre (lequel est traditionnellement le leader du parti ayant remporté les élections législatives) ; c) le régime d’assemblée, caractérisé par la suprématie affirmée du Parlement sur le gouvernement, accompagnée souvent de l’inorganisation et de la multiplication des partis politiques ou de leurs fractions ; ce système aboutit à l’alternance des périodes de crises ministérielles et des périodes de délégation par le Parlement au gouvernement de son pouvoir législatif (lois-cadres et surtout décrets-lois) : si l’histoire de la Convention constitue une caricature du régime d’assemblée, il faut rappeler qu’il a été durablement pratiqué en France pendant la seconde moitié de la IIIe République et pendant toute la IVe République ainsi qu’en Allemagne sous la république de Weimar, et qu’il est encore pratiqué en Italie.


L’État en droit international

Tous les États souverains sont juridiquement égaux entre eux, mais certaines puissances (États-Unis, Union soviétique, Chine, Grande-Bretagne, France), appelées « Grands », bénéficient d’un statut particulier et privilégié au sein de l’Organisation* des Nations unies (O. N. U.). On estime généralement que la création — en 1945 — de cet organisme, qui a établi des liens en fait très lâches entre les États membres, constitue une tentative pour limiter en quelque sorte les souverainetés nationales ; mais, dans la pratique, il s’agit là d’une limitation purement théorique. En fait, les seules limitations effectives de la souveraineté résultent des traités bilatéraux ou multilatéraux contractés par les États entre eux.