Image imprimée après avoir été gravée sur métal, sur bois, etc.
Introduction
Le mot vient de l’italien stampare (imprimer) et désigne, depuis le xviie s. au moins, les images gravées — plus souvent appelées gravures aujourd’hui. L’usage du mot estampe a été étendu par la suite à la lithographie. Pendant longtemps, l’estampe fut surtout considérée comme un moyen de reproduire des œuvres d’art préexistantes à de multiples exemplaires.
« La gravure est aux beaux-arts ce que l’imprimerie est aux belles-lettres », disait-on au xviiie s. Si le rôle de vulgarisation joué par l’estampe n’est plus à démontrer — elle fut, pendant cinq siècles de la civilisation occidentale, un instrument de formation, de documentation et de combat —, cette définition paraît cependant bien étroite. À strictement parler, un timbre-poste, un jeu de cartes, un billet de banque sont des estampes. Qui les logerait à la même enseigne que les Misères de la guerre de Callot ou les lithographies de Daumier ? Qui, par ailleurs, refuserait à ces dernières œuvres l’originalité d’un moyen d’expression majeur ?
L’étude de ses procédés techniques, comme celle de son histoire, conduit à lier l’évolution de l’estampe à celle du livre : la part de l’illustration — on parle alors de gravure d’illustration — est immense dans la production des estampes.
La gravure sur bois — un des procédés de l’estampe — était connue en Europe vers le milieu du xive s. On a voulu qu’elle fût importée d’Asie, mais le procédé semble s’imposer à l’esprit et peut fort bien avoir été découvert sur place. La réalisation est intervenue à un moment où certaines autres conditions techniques y concouraient. Ainsi, à la fin du xive s., le prix du papier était devenu six fois moins élevé que celui du parchemin.
C’est sans doute à la même époque que la production des estampes prit de l’extension, devenant un procédé de multiplication systématique de l’image.
La taille d’épargne
Ce procédé consiste à tracer le dessin sur une surface lisse — bois, rarement plomb ou cuivre, depuis peu linoléum — et à creuser dans l’épaisseur les parties destinées à représenter les vides, en laissant intacts (en « épargnant ») les traits et les surfaces destinés à être imprimés. On encre les reliefs à l’aide d’un rouleau ou d’un tampon et l’on applique la surface travaillée à l’aide d’une presse, sur un support qui en reçoit la contrepartie.
L’origine de cette gravure en relief doit être recherchée en Extrême-Orient — elle y était, en tout cas, certainement utilisée au viiie s. Mais l’idée de reproduire des signes à l’aide d’une matrice-relief est bien plus ancienne. De nombreux exemples — entre autres — en sont fournis par les sceaux mésopotamiens, dont beaucoup remontent au iiie millénaire. Un pas est franchi lorsque d’un support malléable — cire ou plâtre — on passe à un support plan comme le tissu : la taille d’épargne sert à l’impression sur étoffes. Mais l’histoire de l’estampe est aussi et surtout celle du papier, dont l’usage se généralisa au xve s. Aux xviiie et xixe s., la longue tradition extrême-orientale aboutit à l’estampe japonaise (v. ukiyo-e), en noir, puis en couleurs, dont les audaces et les simplifications (cadrages, perspective...) eurent une influence certaine sur l’art moderne en Occident.
Le travail de la matrice — une planche de bois le plus souvent — est délicat : afin de n’être pas écrasés par la presse, les reliefs doivent être taillés en talus s’évasant vers les creux ; plusieurs opérations, ou coupes, sont nécessaires. On travailla d’abord le bois dans le sens des fibres : d’où l’expression bois de fil. Au xviiie s. apparut le bois de bout, procédé lancé par l’Anglais Thomas Bewick (1753-1828) : choisissant un bois au grain fin, on grave au burin sur un plan perpendiculaire aux fibres. Le bois de bout fut très employé au xixe s. dans l’édition populaire.
Le bois de fil se prête également à la gravure en couleurs : on superpose les empreintes de différentes couleurs en plaçant des repères pour limiter l’emplacement de chacune. Le xvie s. se servit du camaïeu, moyen de reproduire par la taille d’épargne des dessins gouaches et des lavis. Un papier de couleur sert de fond, qui passe successivement sous deux planches, une de trait, une de teinte claire. Cranach et Baldung-Grien furent parmi les premiers à graver des camaïeux. Un procédé semblable, mais plus complexe, le chiaroscuro, fut pratiqué en Italie : il requiert trois ou quatre passages successifs. Ugo da Carpi (v. 1480-1532) en fut l’initiateur. Goltzius, notamment, reprend ces techniques aux Pays-Bas.
La taille du bois fut longtemps considérée comme un travail purement manuel : le maître faisait graver son dessin par un praticien spécialisé, ce qui explique la gaucherie de certaines estampes du xvie s. attribuées à de grands noms.