Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Essen

V. d’Allemagne occidentale. Située sur la rivière qui a donné son nom à toute la région, Essen est, avec environ 700 000 habitants, la plus grande ville de la Ruhr.


Elle s’est développée à partir de l’abbaye de Werden, fondée en 796, et du chapitre-cathédrale, créé au ixe s. Le territoire urbain est issu du regroupement des possessions de ces deux établissements. Au xie s., le périmètre urbain correspond à celui de l’actuelle city. La bourgeoisie urbaine se libère de la tutelle de l’abbesse au xive s., Essen devenant en même temps ville impériale. Celle-ci ne compte encore que 3 000 habitants. Mais elle est déjà célèbre à partir du xviie s. pour la fabrication de fusils. Lors du Recez de l’Empire, en 1803, elle est attribuée à la Prusse. Sous l’Empire napoléonien, elle fait partie du grand-duché de Berg, avant de revenir en 1815 de nouveau à la Prusse.

Sa prospérité date du début de l’extraction de la houille. Le territoire d’Essen correspond à la terminaison septentrionale du Massif schisteux rhénan dans sa partie sud et à la plaine lœssique du Hellweg dans sa partie nord. Aussi la topographie s’élève-t-elle, en conformité avec la nature géologique, du nord au sud, passant de 30 à 200 m, à l’exception de la vallée de la Ruhr, qui entaille la partie méridionale. Le soubassement est constitué par les couches houillères qui affleurent dans la partie sud de la ville. La structure géologique explique qu’on ait « gratté » la houille dès le xive s. et que, dès le xixe s., l’extraction prenne un caractère intensif. La révolution houillère est responsable de l’essor rapide de la population. Celle-ci passe de 22 700 habitants en 1816 à 39 900 en 1846. Ce n’est, cependant, que dans la seconde moitié du xixe s. que l’accroissement démographique connaît une accélération : 290 000 en 1890, 395 000 en 1900, 552 000 en 1910 et 664 000 en 1939. La ville passe alors pour l’un des tout premiers centres de l’extraction houillère et de l’industrie sidérurgique. Krupp y développe son gigantesque konzern. Les quarante-sept arrondissements urbains constituant la ville en 1968 correspondent essentiellement aux noyaux villageois anciens absorbés par l’urbanisation envahissante. En 1970, la commune d’Altendorf (616 ha et 7 400 hab.) a été annexée, formant le 48e arrondissement et portant la population totale à 710 000 hab.

Essen couvre 194 km2. La densité est d’environ 3 700 hab. au kilomètre carré, ce qui est relativement faible pour une ville réputée industrielle. Les espaces verts, les terrains de sports, les cimetières et les surfaces agricoles couvrent environ 40 p. 100 de la superficie totale. Essen n’est plus du tout la ville noire décrite au siècle passé. Les destructions consécutives aux bombardements de la Seconde Guerre mondiale avaient ramené la population à 285 000 en 1945. Les démolitions furent mises à profit pour réaménager la vieille ville. En 1963, la reconstruction étant achevée, la population atteignit 732 000 habitants. Mais la crise houillère posa de graves problèmes de reconversion. L’exode de la population du centre vers les communes périphériques accentua la baisse de population. Celle-ci compte 100 000 expulsés des territoires de l’Est et 50 000 réfugiés originaires de la R. D. A. De ce fait, la composition religieuse a changé : 51 p. 100 de catholiques et 44 p. 100 de protestants contre, respectivement, 66 p. 100 et 32 p. 100 au xixe s. Si le taux de natalité a encore été de 40 p. 1 000 en 1900, il n’a cessé de décliner : 16,9 p. 1 000 en 1930 et 13,5 p. 1 000 en 1968. La baisse de la mortalité étant moins rapide, il s’ensuit un vieillissement de la population. À cela s’ajoute l’évolution dans la répartition spatiale de cette population. Les six arrondissements qui constituent la Altstadt (centre) renfermaient 4 778 habitants en 1822 et 51 500 en 1871, ce qui montre la densification du noyau primitif. Celle-ci s’accélère, le centre comptant 130 000 habitants en 1910. À partir de cette date, on assiste à un véritable renversement de la situation : de 120 000 personnes en 1939 la population de la Altstadt tombe à 62 100 en 1968. Cette évolution traduit la « tertiairisation » de la ville. Ces changements sont rendus possibles grâce à la reconstruction. De 1950 à 1968, on construit 136 513 logements, améliorant ainsi la situation d’avant 1939. En 1939, on comptait 3,3 personnes par logement et 1,04 par pièce ; en 1968, les chiffres sont respectivement 2,75 et 0,83. Essen est très loin de présenter les caractéristiques d’une ville industrielle aux logements vieux et surpeuplés. Pendant la même période, on a construit 8 289 immeubles industriels, commerciaux et administratifs d’une surface utile de 4 millions de mètres carrés. Ces constructions ont permis à la ville d’offrir en 1961 73 000 emplois de plus qu’en 1939.

Sur le plan des activités économiques, l’après-guerre posa de graves problèmes du fait de la prédominance du konzern Krupp et de l’extraction de la houille. Entre 1956 et 1970, l’effectif des mineurs tombe de 54 200 à 20 300. Aujourd’hui, ce secteur est dépassé par l’industrie de transformation, qui caractérise l’industrie d’Essen. La construction d’équipements et de machines l’emporte. Le konzern Krupp fait travailler 83 000 salariés en 1968. Ses activités se répartissent désormais dans toute l’Allemagne fédérale, mais c’est incontestablement cette dynastie de capitaines d’industrie qui a provoqué l’essor de la ville. Sur 340 000 emplois, l’industrie en assure un peu plus de 50 p. 100. Toutefois l’évolution du secteur tertiaire a aussi été remarquable. Des douze plus grandes entreprises industrielles de la R. F. A., quatre ont leur siège social à Essen ; il faut y ajouter celui de la plus grande chaîne de grands magasins et les sièges de quelques organisations régionales (Ruhrkohle A. G., Siedlungsverband Ruhrkohlenbezirk, Emscher- und Lippegenossenschaft). La Chambre de commerce et d’industrie d’Essen exerce une grande influence. La ville, qui est aujourd’hui la véritable métropole de la Ruhr, vient d’obtenir sa consécration par l’implantation d’une université.

F. R.

➙ Rhénanie-du-Nord-Westphalie / Ruhr.