Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Allemagne (République fédérale d’) (suite)

La Loi fondamentale, qui entre alors en vigueur, est une Constitution fédérale, mais elle laisse au pouvoir fédéral des prérogatives considérables. Le texte paraît avec l’approbation des Alliés : l’Allemagne est devenue un État indépendant mais toujours occupé, et un statut d’occupation, entré en vigueur le 21 septembre 1949, délègue à la France, au Royaume-Uni et aux États-Unis des droits importants en matière militaire et diplomatique. Les Affaires étrangères et le Commerce extérieur sont de la compétence des Alliés. En 1951, l’Allemagne bénéficie d’un allégement de ce statut et on l’autorise à avoir un ministère des Affaires étrangères. Il est en effet difficile de faire participer à part entière aux diverses instances européennes un État qui ne jouit pas de la liberté diplomatique. Mais ce n’est qu’en 1955 que la R. F. A. reçoit la plénitude de ses responsabilités diplomatiques, au moment de l’entrée en vigueur des accords de Paris du 23 octobre 1954. Même à ce moment-là, la R. F. A. ne jouit pas de la même liberté que les autres pays. L’article 2 prévoit que tout ce qui concerne la réunification de l’Allemagne et le règlement de paix est de la compétence des Alliés, et l’article 6 spécifie que ces derniers conservent tous leurs droits antérieurs à Berlin.

La Loi fondamentale précise les droits fondamentaux des individus (Grundrechte). On précise que « la dignité de la personne humaine est intangible », que « nul ne peut être avantagé ou défavorisé en raison de... son ascendance et de sa race ». Mais, pour éviter les abus que l’on a connus entre 1929 et 1933, l’article 18 de la Loi fondamentale prévoit que le Tribunal constitutionnel fédéral (Bundesverfassungsgericht) de Karlsruhe peut déchoir des droits fondamentaux « quiconque abuse de la liberté d’expression... pour combattre l’ordre constitutionnel libéral et démocratique ». Le Tribunal fédéral peut donc statuer sur l’interprétation de la loi et les conflits entre la fédération et les États.

La Constitution est fédérale, mais l’article 31 précise : « droit fédéral brise droit de pays ». Bien que les Länder soient antérieurs à la Constitution, leurs pouvoirs propres sont relativement limités.

Les frontières des Länder ne coïncident pas toujours avec celles des anciens États. Dans la Constitution de 1949, il y avait 11 Länder ; en 1951, trois d’entre eux, Wurtemberg-Bade, Bade-Hohenzollern et Bade, constituent le Bade-Wurtemberg. En 1957, la Sarre était intégrée à l’Allemagne fédérale, portant à 10 le nombre des Länder. Chaque Land a sa Constitution avec généralement une assemblée élue, le Landtag, et un gouvernement dirigé par le ministre président. Ainsi, en Allemagne, il y a plus de 100 ministres et presque 2 000 députes. L’indépendance des Länder est totale en matière culturelle, scolaire, universitaire et religieuse. Il n’y a pas de ministre fédéral de l’Éducation nationale. Il n’existe que la Conférence des ministres et la Conférence des recteurs. En matière religieuse, certains Länder concluront des concordats avec le Saint-Siège. En matière économique, les Länder conservent des prérogatives importantes, mais ils s’endettent dans des proportions considérables ; au total, le Bund dispose de 55 p. 100 des recettes fiscales, les Länder de 33 p. 100 et les communes de 12 p. 100. Pendant longtemps, le gouvernement fédéral n’aura aucun moyen d’action sur la politique financière de chaque Land, ce qui le gênera dans les périodes difficiles. Aussi, depuis la crise de 1966, a-t-il obtenu du Bundestag le renforcement de ses compétences. À ces institutions s’ajoute le Tribunal constitutionnel fédéral de Karlsruhe, dont le rôle est important, car il peut intervenir dans la vie politique non seulement en servant d’arbitre entre le Land et le Bund, mais aussi en intervenant dans la vie des partis, puisqu’il a le pouvoir d’interdire tel ou tel parti. C’est ainsi que furent prohibés un parti d’extrême droite, la Sozialistische Reichspartei (SRP), en 1952 et le parti communiste en 1956.


La vie politique

La vie politique de l’Allemagne est dominée par un nombre restreint de partis, deux très grands — la CDU-CSU et la SPD — et quelques petits dont le plus important est la FDP. La CDU-CSU réunit deux formations, la Christlich-Demokratische Union (CDU), Union chrétienne démocrate, et la Christlich-Soziale Union (CSU), Union chrétienne sociale, qui est la CDU bavaroise. La CDU est née de la Résistance, à laquelle ont participé un certain nombre de militants chrétiens, catholiques issus de l’ancien Zentrum et protestants formés dans l’Église confessante ou rattachés au vieux parti national allemand. Leur idée est alors de constituer dans l’Allemagne libérée du nazisme un parti qui ne serait plus confessionnel comme le Zentrum, mais réellement interconfessionnel. À certains moments, on envisagea même la constitution d’un parti travailliste groupant chrétiens et sociaux-démocrates, mais l’épiscopat allemand y fut foncièrement hostile. À ses origines, le parti chrétien démocrate est un parti bourgeois qui ne rejette pas une certaine idéologie de gauche. Son premier programme, celui d’Ahlen (févr. 1947), proclame la faillite du capitalisme, réclame des nationalisations, critique les monopoles et souhaite une direction de l’économie assurée par le Plan et des conseils économiques. Mais, dès juillet 1949, le programme de Düsseldorf transforme le précédent, rejette la planification et se contente de prévoir une action de l’État sur l’économie par une politique fiscale. C’est en quelque sorte le programme du professeur Ludwig Erhard (1897-1977) et la description de la soziale Marktwirtschaft. Cette évolution est tout à fait conforme à la composition de l’électorat du parti. Si certains chefs de la CDU peuvent passer pour des hommes de gauche, leur parti est d’abord celui de la bonne bourgeoisie, catholique en Rhénanie, protestante en Allemagne du Nord et en Wurtemberg. La CSU est un parti indépendant, situé plus à droite et lié à l’autonomisme bavarois, au point qu’en 1949 il refusera la Loi fondamentale jugée par lui trop fédéraliste. Son poids à l’intérieur de l’ensemble CDU-CSU se fait souvent nettement sentir, surtout à partir du moment où son leader Franz Josef Strauss (né en 1915) deviendra un personnage d’envergure nationale. À plusieurs reprises, la CSU infléchira l’orientation de la CDU ou du gouvernement fédéral. En 1966, c’est elle qui forgera la victoire de Kurt Georg Kiesinger.