Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Espagne (suite)

La guerre civile et ses retombées (1936-1950) arrêtent pratiquement l’activité littéraire ; la propagande plus ou moins dissimulée tient tout son domaine. Aussi bien, aucun roman ne pouvait rendre compte de la confusion des esprits pendant ce cauchemar et encore moins projeter une image plausible de l’homme de demain dans un monde apaisé. José Camilo Cela* a trouvé la meilleure formule pour dire le désespoir de sa génération, l’absurdité de l’existence ; la monstrueuse sottise de nos dérèglements est exposée avec le cynisme, amusé plus que contempteur, d’un artiste épris de son langage.


La poésie

Elle est d’abord un moyen d’expression pour Juan Ramón Jiménez*. Son exquise sensibilité, la rigoureuse discipline de son langage, les exigences sans compromis de ce maître sans défaut l’isolent parmi ses nombreux admirateurs et le laissent sans école. Antonio Machado* ne vit et n’écrit que dans le don de soi, l’amour, l’amitié ; même les ferveurs et les indignations de son temps trouvent un écho tremblant dans sa poésie à la fois passionnée et contenue.

En 1927 s’amorce une nouvelle génération. Pedro Salinas (1892-1951) analyse le sentiment amoureux avec une volupté proustienne. Jorge Guillén (né en 1893) traduit dans ses poèmes longuement travaillés et toujours inspirés l’aurore et les saisons, les éléments et la lumière tels qu’ils se révèlent directement à la sensibilité ; mais il dit aussi que la société politique vient douloureusement troubler ce jeu essentiel de l’homme, la poésie. Rafael Alberti* chante la joie de vivre, de combattre et de mourir pour des camarades, quand on est jeune et généreux. Federico García Lorca*, graphique lui aussi mais en plus musical, transpose admirablement dans son Romancero gitan la vie libre, insoucieuse et dramatique des nomades, contrebandiers ou forgerons ; et il retrouve les accents de la tragédie grecque dans les drames où il expose les malédictions qui pèsent sur les femmes de la bourgeoisie campagnarde andalouse, victimes des tabous puritains (la Maison de Bernarda Alba).

Les lettres espagnoles se relèvent difficilement du choc de la guerre civile. En vase clos, elles végètent ; à l’étranger, elles perdent contact avec la terre nourricière. Aujourd’hui, théâtre et poésie sont revendicatifs et atteignent surtout un public politisé. Quant au roman, il tâtonne ou se disperse. Pour un temps, le génie de la langue espagnole trouve en Amérique latine un terrain plus favorable.

C. V. A.

➙ Alberti (R.) / Auto sacramental / Baroja (P.) / Baroque / Benavente (J.) / Blasco Ibáñez (V.) / Calderón de la Barca (P.) / Catalogne [littérature catalane] / Cela (C. J.) / Cervantès / García Lorca (F.) / Góngora (L. de) / Gracian (R.) / Jean de la Croix (saint) / Jiménez (J. J.) / Machado (A.) / Matute (A. M.) / Ors (E. d’) / Ortega y Gasset (J.) / Pérez Galdós (B.) / Quevedo (F.) / Romancero (le) / Thérèse d’Ávila (sainte) / Tirso de Molina / Unamuno (M. de) / Valle Inclán (R. de) / Vega (Lope de).

 J. Cejador y Franca, Historia de la lengua y literatura castellana (Madrid, 1915-1922 ; 14 vol.). / M. Bataillon, Érasme et l’Espagne (Droz, 1937) ; Varia lección de clásicos españoles (Madrid, 1964). / A. del Río, Historia de la literatura española (New York, 1948 ; nouv. éd., 1967 ; 2 vol.) ; Estudios sobre literatura contemporánea española (Madrid, 1966). / G. Díaz-Plaja (sous la dir. de), Historia general de las literaturas hispánicas (Barcelone, 1949-1952 ; 6 vol.). / J. Camp, la Littérature espagnole des origines à nos jours (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1950 ; 8e éd., 1965). / A. Millares Carlo, Literatura española hasta finales del siglo xv. (Mexico, 1950). / J. Sarrailh, l’Espagne éclairée de la seconde moitié du xviiie siècle (Klincksieck, 1954). / J. Supervielle et J. Vauthier, l’Âge d’or espagnol (Julliard, 1955). / G. Cirot et M. Darbord, Littérature espagnole européenne (A. Colin, 1956). / La Littérature de l’Espagne, numéro spécial de la revue Europe (1958). / R. Menéndez Pidal, La epopeya castellana a través de la literatura española (Madrid, 1959). / E. González López, Historia de la literatura española (New York, 1962-1965 ; 2 vol.). / L. Pfandl, Historia de la literatura española en la Edad de Oro (Barcelone, 1962). / R. M. Ragucci, Literatura española de los últimos 100 años (Buenos Aires, 1962). / P. Darmangeat, la Poésie espagnole (Seghers, 1963). / M. Nuñez de Arenas, l’Espagne, des Lumières au Romantisme (Institut d’études hispaniques, 1963). / J. Simón Díaz, Manual de bibliografía de la literatura española (Barcelone, 1963-1966 ; 2 vol.). / E. Vandercammen et F. Verhesen, Poésie espagnole d’aujourd’hui (Silvaire, 1963). / G. Bleiberg et J. Marías, Diccionario de literatura española (Madrid, 1964). / C. V. Aubrun, Histoire du théâtre espagnol (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1965) ; la Comédie espagnole, 1600-1680 (C. D. U., 1966) ; la Littérature espagnole (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1976). / A. Nougué et J. L. Flecniakoska, Romanciers espagnols d’aujourd’hui (Privat, Toulouse, 1965). / J. L. Alborg, Historia de la literatura española (Madrid, 1966-1968 ; 2 vol.). / J. Descola, Histoire littéraire de l’Espagne (Fayard, 1966). / E. Allison Pears, Historia del movimiento romántico español (Madrid, 1967). / R. Lapesa, De la Edad Media a nuestros días. Estudios de historia literaria (Madrid, 1967). / F. López Estrada, Introducción a la literatura medieval española (Madrid, 1967). / G. Torrente Ballester, Panorama de la literatura española contemporánea (Madrid, 1967). / Á. Valbuena Prat, Historia de la literatura española (Barcelone, 1968-69 ; 4 vol.). / L. Clare et J.-C. Chevalier, le Moyen Âge espagnol (A. Colin, 1972).


La musique espagnole


Le Moyen Âge

Nombreuses et diverses furent les influences musicales qui s’exercèrent en Espagne au Moyen Âge, notamment grâce au pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Jusqu’à la première moitié du xie s., cependant, le rite dit « mozarabe » — en réalité hispanique ou wisigothique — se maintient dans presque toute la Péninsule. Ensuite, la liturgie romaine est imposée par le roi de León et de Castille Alphonse VI (1065-1109). Plus tard, les Cantigas de Santa María, en galicien, sont réunies par Alphonse X le Sage (1252-1284), tandis que l’on chante à Elche (prov. d’Alicante) un Mystère en langue limousine. Ajoutons que le Codex musical du monastère de Las Huelgas (prov. de Burgos) contient des pages polyphoniques des xiiie et xive s. souvent inspirées de l’école de Notre-Dame de Paris.