Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Espagne (suite)

• 1035-1248 : les États chrétiens, unissant leurs forces, deviennent plus puissants. À l’ouest, c’est la Castille qui s’impose, absorbe le León, la Galice et les Asturies et réalise d’importantes conquêtes du xie au xiiie s. (Alphonse VI*, Alphonse VII, Alphonse VIII le Noble et Ferdinand III le Saint). Les chrétiens doivent lutter contre deux nouvelles invasions arabes : celle des Almoravides à la fin du xie s., qui leur infligent la défaite de Sagrajas (1086), et celle des Almohades, à partir du milieu du xiie s., qu’ils écrasent au cours de l’éclatante victoire de las Navas de Tolosa (1212).

À l’est, on assiste à l’union de la Catalogne et de l’Aragon (1162), ce qui donne une nouvelle impulsion à la Reconquista (Alphonse II, Pierre II et Jacques Ier le Conquérant). La Navarre, enserrée entre ces deux grands blocs, reste paralysée pendant tout le reste du Moyen Âge. Le royaume du Portugal est constitué en 1143.

• 1252-1492 : au cours de cette période, qui commence avec Alphonse X* le Sage, souverain plus épris de culture que de politique, le grand royaume occidental (la Castille) se débat au milieu des difficultés politiques engendrées par les conséquences du féodalisme établi lors des grandes conquêtes. C’est, en effet, l’époque de la lutte fratricide qui oppose Pierre Ier le Cruel (roi de 1350 à 1369) à son frère bâtard Henri II de Trastamare (roi de 1369 à 1379) et de l’exécution en 1453 du favori de Jean II de Castille, don Alvaro de Luna. Hormis quelques engagements isolés, l’œuvre de la Reconquista est alors arrêtée.

Ayant achevé de jouer son rôle dans la Reconquista par le pacte d’Almizra (1244) dû à Jacques Ier le Conquérant, le grand royaume oriental (catalano-aragonais) se tourne vers la Méditerranée, où il se rend maître de la Sicile, de la Sardaigne, du duché d’Athènes, puis de Naples. Les grands noms de cette étape sont Pierre III, Jacques II, Roger de Flor, Pierre IV et Alphonse V. L’art resplendit au Moyen Âge dans de magnifiques œuvres romanes et gothiques.

L’avènement des Rois Catholiques, Ferdinand V d’Aragon et Isabelle Ier de Castille, marque le début des temps modernes. Ces deux monarques réunissent les deux grands États chrétiens : la Castille et le groupe formé par l’Aragon et la Catalogne.

En 1492, les Rois Catholiques achèvent la Reconquista par la prise de Grenade, dernier bastion maure dans la Péninsule.


La civilisation arabe

L’islām a laissé en Espagne d’innombrables vestiges qui ne se bornent pas aux joyaux architecturaux de sa période la plus florissante.

Grâce à leurs campagnes victorieuses en Europe orientale (Grèce, Byzance) et au Moyen-Orient (Égypte, Syrie, Perse), les Arabes entrent en contact avec les civilisations anciennes, qu’ils introduisent en Occident. C’est ainsi que Platon est connu par les commentaires d’ibn Masarra (883-931) et d’ibn Bādjdja (Avempace, † 1138), Aristote par ceux d’Averroès* (1126-1198), et que l’on compte un certain nombre de créations originales telles que celles d’ibn Ṭufayl (Abubacer, † 1186) et d’ibn Zuhr (Avenzoar, † 1161).

Les émirs et les califes les plus importants protègent la culture des sciences et des lettres. L’Espagne excelle dans les études scientifiques et philosophiques et encourage le développement de la poésie, de la musique, de l’histoire et de la géographie.

Dans le domaine agricole, les Arabes implantent de judicieux systèmes d’irrigation et de nouvelles cultures jusqu’alors inconnues dans la Péninsule : canne à sucre, olivier, coton et diverses plantes textiles. L’industrie et le commerce sont prospères.


Institutions et culture de l’Espagne médiévale

L’étude de la naissance et du développement des institutions médiévales en Espagne requiert une division entre les deux zones (Est et Ouest) des territoires occupés par les musulmans et attaqués au cours de la Reconquista, et entre les deux grandes phases que constituent le haut et le bas Moyen Âge.

• Du point de vue législatif, en Castille, on trouve, d’une part, les municipalités et certaines classes sociales, qui jouissent de fueros et de cartas pueblas, et, d’autre part, les monarques, qui tentent de parvenir à une unification. Les cartas pueblas sont des privilèges que le roi accorde aux premiers colonisateurs d’une région reconquise sur les Arabes. Les fueros sont des avantages donnés à certaines agglomérations en ce qui concerne leur gouvernement et leur administration. Ce terme s’emploie également plus tard pour désigner les privilèges concédés à certaines classes sociales.

En Castille, les souverains aspirent à l’unification des lois. C’est à ce souci que répondent la traduction du Forum judicum (Fuero juzgo) des Wisigoths, faite sous Ferdinand III le Saint, l’œuvre juridique d’Alphonse X le Sage (l’Espéculo, le Fuero Real [1255] et les Siete Partidas), l’ordonnance d’Alcalá, promulguée par Alphonse XI (1348), et celles de Montalvo (1484).

• La monarchie aragonaise se distingue de celle du León et de la Castille en ce qu’elle conserve une organisation féodale jusqu’au xve s. Les privilèges existent, et le code de Huesca (1247) représente l’une des tentatives de l’unification des lois.

• En Catalogne, les cartas pueblas existent également. On peut citer celles de Raimond Bérenger Ier à Barcelone et celles de Raimond Bérenger IV à Lérida et à Tortosa.

• Dans le Levant, c’est le droit coutumier qui est appliqué, comme le prouvent le Recognoverunt proceres (1284), les ordonnances de Sanctacilia (xive s.), les Usatges et le Llibre del Consolat de mar.

• En Navarre, la codification des us et coutumes de l’époque donne naissance aux privilèges (fueros) d’Estella et de Tudela, ainsi qu’au Fuero de Navarra (1330).

C’est au xiiie s. qu’est créée la première université à Palencia (1208). Puis viennent celle de Salamanque, celle de Valence (1245), due à Jacques Ier d’Aragon, celle de Séville, établie par Alphonse X en 1254, et celle de Valladolid.