Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Espagne (suite)

Les Barbares

À la mort de Théodose Ier le Grand (395), les Barbares déferlent sur les territoires de l’Empire. L’Espagne est envahie successivement par les Vandales, les Suèves et les Alains (409). Les premiers occupent la Bétique, qui prend le nom de Vandalusía, d’où est tiré celui d’Andalucía (Andalousie) ; les seconds s’installent en Galice et les derniers en Lusitanie et dans la région de Carthagène.


Les Wisigoths*

Au lendemain de ces premières invasions barbares, les Wisigoths entrent en Espagne.

• Athaulf (410-415), instigateur de cette invasion, avance jusqu’à Barcelone où il est assassiné.

• Wallia (415-418) défait les Vandales et ne laisse aux Suèves que le nord-ouest de la Péninsule (416).

• Euric (466-484) secoue le joug romain et codifie les coutumes de son peuple.

• Alaric II (484-507), au cours de sa lutte contre les Francs marquée par la défaite de Vouillé, perd ce qu’il possédait en Gaule, hormis la Septimanie.

• Léovigild (573-586), monarque absolu, réforme l’administration, réorganise la cour et unifie le pays. C’est sous son règne que commencent à se manifester les controverses religieuses entre les catholiques et les ariens, dont l’une des victimes est précisément le fils du roi, saint Herménégild, qui est exécuté parce qu’il refuse de recevoir la communion des mains d’un évêque arien.

• Reccared Ier (586-601), frère d’Herménégild, se convertit au catholicisme après avoir abjuré l’arianisme au IIIe concile de Tolède (589) et essaie de réaliser l’unité religieuse de son peuple.

• Receswinthe (649-672) parvient à unifier les législations des Wisigoths et des Hispano-Romains dans le Forum judicum, ou Liber judiciorum (654), le premier des fueros connus.

• Wamba (672-680) repousse la première tentative de débarquement des Arabes en Espagne.

• Rodrigue (710-711) est le dernier monarque wisigoth. Son élection suscite le mécontentement des enfants et de la famille de son prédécesseur Wittiza. Ceux-ci, avec l’aide des Arabes, le battent (et lui donnent probablement la mort) au cours de la bataille dite « du Guadalete » (711).

Les grandes figures de la civilisation wisigothique en Espagne sont : Hidacio († 470), historien des Barbares, saint Isidore de Séville (v. 560-636), auteur des Origines (ou Étymologies), véritable encyclopédie, saint Léandre († v. 600), son frère, conseiller d’Herménégild, saint Braulio (v. 590-651), écrivain remarquable, saint Ildefonse (v. 607-667), ardent défenseur du dogme. Tolède et Séville sont alors d’intenses foyers de culture chrétienne.


Les Arabes

Appelé à l’aide par les adversaires du roi wisigoth Rodrigue, Mūsā ibn Nuṣayr, gouverneur de l’Ifrīqiya, envoie en Espagne une expédition militaire commandée par Ṭāriq ibn Ziyād. Celui-ci se retranche sur la montagne de Calpe (qui prend alors le nom de Djabal Ṭāriq, plus tard Gibraltar), s’empare d’Algésiras et se dirige vers Cordoue. Après la défaite de Rodrigue à la bataille dite « du Guadalete », en 711, Ṭāriq poursuit ses conquêtes et pénètre plus avant dans la Péninsule ; Ecija, Tolède, Alcalá de Henares et Cordoue tombent entre ses mains. Mūsā ibn Nuṣayr, jaloux des succès remportés par son lieutenant, débarque à son tour (712) et conquiert Séville, Mérida (713) et Saragosse (714).

Les partisans de Rodrigue se réfugient dans les montagnes du Nord, et Pélage, cousin du dernier roi wisigoth, organise la résistance contre les Arabes, qui ont déjà occupé presque toute la Péninsule, et qu’il bat à Covadonga (prov. d’Oviedo) en 718.

‘Abd al-‘Azīz, fils de Mūsā ibn Nuṣayr, est le premier gouverneur d’al-Andalus pour le compte des califes de Damas (714-716).

Quelques années plus tard, les Arabes atteignent la Gaule, mais ils sont arrêtés à Poitiers par Charles Martel, vainqueur de l’émir ‘Abd al-Raḥmān al-Rhāfiqī (732).

En 750, à Damas, les ‘Abbāssides* détrônent les Omeyyades* ; l’un des membres de cette dynastie, ‘Abd al-Raḥmān Ier, cherche asile en Espagne et fonde à Cordoue un émirat indépendant (756). Il entreprend la construction de la mosquée de cette ville vers 785 et gouverne jusqu’en 788.

Plusieurs émirs indépendants se succèdent, puis ‘Abd al-Raḥmān III (912-961) se proclame calife de Cordoue (929) et rompt tous les liens avec Bagdad. Il lutte contre les rois chrétiens : vainqueur à Valdejunquera (920), il s’empare de Pampelune (924), mais il est battu par Ramire II de León à Simancas et à Alhandega (939).

Pendant le califat de son petit-fils Hichām II (976-1013), fils d’al-Ḥakam II (961-976), l’intervention d’al-Manṣūr permet aux Arabes de remporter d’importantes victoires.

La mort d’al-Manṣūr en 1002 annonce la décadence du califat de Cordoue, qui disparaît définitivement en 1031 avec la déposition de Hichām III († 1036). Les possessions musulmanes sont divisées en de nombreux États, appelés royaumes de taifas* (taifa = parti), qui, ne pouvant résister aux attaques des chrétiens, sollicitent l’aide des Almoravides* et des Almohades*. Ceux-ci quittent l’Afrique pour venir à leur secours.


La Reconquista

On donne le nom de Reconquista à la période qui s’étend sur les huit siècles pendant lesquels les chrétiens d’Espagne luttent contre les Arabes pour se libérer de leur domination. Le premier soulèvement contre l’envahisseur est conduit par Pélage, réfugié dans les monts Cantabriques avec quelques troupes restées fidèles. En 718, les chrétiens remportent leur première victoire à Covadonga, dans la province d’Oviedo, victoire qui est à l’origine du royaume des Asturies*.

On peut diviser la Reconquista (711-1492) en trois périodes :

• 711-1035 : formation de petits noyaux indépendants au nord du pays. On voit tout d’abord apparaître le royaume des Asturies (dont le premier roi est Pelage lui-même), qui va donner naissance à celui du León* (910), d’où sortira la Castille*, passée en 931 sous la seule domination du comte Fernán González, qui, en obtenant l’autonomie vers 951, devient pratiquement indépendant. La Navarre* (née v. 840) atteint sa plénitude au xie s. sous Sanche III* Garcés. La Catalogne*, après avoir fait partie intégrante de l’empire franc sous le nom de Marche d’Espagne pendant le règne de Charlemagne, s’en sépare à partir de 985, et le royaume d’Aragon* est créé en 1035 conformément aux dispositions du testament de Sanche III Garcés.