Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Espagne (suite)

En Catalogne littorale, la saison sèche ne dure que deux mois au nord, où les précipitations sont de l’ordre de 600 à 700 mm, et augmente vers le sud pour atteindre quatre mois dans le Levant avec un total pluviométrique de l’ordre de 400 mm. Ce n’est pas tant que les vents d’ouest arrivent plus tôt au nord, car, après avoir traversé la Péninsule, ils apportent bien peu d’humidité ; mais que les dépressions très creuses naissant précocement à l’automne dans le golfe de Gênes dirigent sur la Catalogne des vents humides déversant d’énormes quantités d’eau. De plus, l’Ampurdán reçoit en été des vents pluvieux de quelques dépressions qui atteignent le golfe du Lion après avoir traversé le Bassin aquitain.

Sous ce climat, la végétation naturelle est une forêt d’arbres à feuillage permanent dont l’espèce dominante est le chêne vert ; sur les roches siliceuses, il cède la place au chêne-liège, dont on observe de beaux peuplements tant en Catalogne du Nord que dans le sud de la province de Cadix. Sur les reliefs bien arrosés, le chêne rouvre se mêle au chêne vert, et, en Catalogne, le hêtre est présent au nord de la percée de l’Èbre. Cependant, cette végétation naturelle a été très dégradée par l’homme. Malgré des reboisements récents de pins pignons (et aussi, en Andalousie, d’eucalyptus), de vastes surfaces ne sont plus occupées que par le « matorral » : c’est tantôt un maquis à petits arbres rabougris et espacés (caroubiers sauvages, olivier-lentisque), tantôt une garrigue où le chêne kermès s’associe au romarin, au ciste... Aussi, lors des averses brutales de l’automne, les sols, mal protégés par cette végétation clairsemée, sont-ils intensément ravinés, et les pentes sont lacérées en bad-lands, tandis que les torrents entraînent à la mer des masses énormes de débris avec lesquels ils construisent des deltas à progression rapide.

Pourtant, il est certain qu’une partie de ces matorrales sont originels, notamment dans les régions où la pluviosité tombe au-dessous de 400 mm.

Dans l’est des cordillères Bétiques règne un climat subaride : les précipitations sont inférieures à 300 mm à Murcie, et même à 250 mm à Almería, le record européen de la sécheresse étant détenu par le cap de Gata, avec une moyenne de 113 mm. Sans doute les vents d’ouest arrivent-ils ici desséchés après avoir traversé la Péninsule et les dépressions du golfe de Gênes n’atteignent-elles pas une latitude aussi méridionale ; mais d’autres facteurs, encore mal connus, doivent être responsables d’une telle aridité. La végétation prend ici un aspect steppique avec des buissons épineux et des touffes de graminacées (alfa). Comme dans les milieux subdésertiques, de maigres sols souvent salins sont la proie du ruissellement, et de véritables oueds étalent un lit démesuré presque toujours à sec ; les rares établissements humains font figure d’oasis, et la palmeraie d’Elchè, la seule à fructifier en Europe, n’est pas l’une des moindres curiosités de ces régions.

• Dans l’intérieur de la Péninsule, le climat méditerranéen se teinte d’une nette continentalité qui en renforce l’aridité et en accentue les contrastes thermiques. Si l’Estrémadure, que les vents d’ouest atteignent sans obstacle notable, reçoit quelque 600 mm de pluies par an, la Manche ne recueille que 300 à 400 mm ; dans la cuvette de Vieille-Castille, que ceinturent de hauts reliefs, la pluviosité tombe même au-dessous de 300 mm près de Zamora, et, au cœur du bassin de l’Èbre, elle n’est que de 325 mm. Pourtant, la saison des pluies débute plus tôt et se termine plus tard ; mais l’établissement en hiver d’un anticyclone sur la Meseta détermine un net creux hivernal dans la courbe des précipitations, le maximum se plaçant au printemps ; dans le bassin de l’Èbre, ce minimum hivernal devient même plus marqué que celui de l’été.

La présence de cet anticyclone s’explique par le fort refroidissement de l’air au contact du sol. Dans le bassin de Vieille-Castille, les températures du mois le plus froid sont en moyenne inférieures à 4 °C et Ávila a enregistré le minimum absolu de – 21 °C. L’olivier ne remonte guère au-delà du Tage, et, s’il pénètre largement dans le bassin de l’Èbre (dont l’altitude plus basse rend les hivers moins rigoureux), il y souffre parfois du gel dans le Centre et le Sud. Les étés, en revanche, sont torrides, particulièrement dans la Meseta méridionale, où le thermomètre dépasse souvent 40 °C.

La rigueur des hivers, l’indigence des précipitations et la forte aridité estivale sont des conditions bien sévères pour la vie végétale. La forêt claire de chênes verts et de chênes-lièges de l’Estrémadure, quoique notablement modifiée par l’exploitation humaine, constitue l’un des seuls témoignages de la végétation naturelle. On a tout lieu de penser que la chênaie couvrait aussi la Vieille-Castille, dont les étés relativement frais sont d’une aridité sensiblement atténuée. Mais l’homme l’a à peu près complètement détruite ; à sa place, une maigre garrigue a envahi les terres en friche. Il en est de même dans la Manche et plus encore dans le bassin de l’Èbre, où d’immenses surfaces ne sont que des steppes à touffes de graminées piquetées de loin en loin. Dans ces régions, les plus sèches de l’intérieur, il est d’ailleurs vraisemblable que la forêt originelle était discontinue et qu’elle se composait d’espèces plus xérophiles que les chênes verts, tels le pin d’Alep et le genévrier.

Ainsi, par la Manche et le bassin de l’Èbre, « l’aridité africaine... vient assiéger jusqu’aux Pyrénées centrales » (Pierre Birot), et avec elle la steppe, qui contribue à l’austérité du paysage, un paysage minéral où le drainage s’organise difficilement : une partie de la Manche est endoréique, les eaux allant se perdre dans des lagunes salées ; les efflorescences salines ne sont pas rares ; mais que survienne une averse concentrée et les eaux ruisselantes ravinent profondément les pentes.