Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

érotisme (suite)

Immédiat, différé

Il n’en est pas moins vrai que l’art érotique le plus élevé conserve quelque chose du sacré : il y a comme un tremblement secret dans l’approche de la sexualité telle que l’opèrent Sade ou Bellmer, Georges Bataille ou Jean Benoît, Pierre Louÿs ou Max Walter Svanberg. D’ailleurs, la Sainte Thérèse du Bernin nous rappellerait, s’il en était besoin, combien l’extase mystique est proche de l’extase érotique. Est-ce à dire que l’expression d’érotisme profane, avancée plus haut, ne doit, à aucun moment, se confondre avec une profanation de l’érotisme ? « Toute licence en amour, sauf contre l’amour », disait Maurice Barrès, ce qui pourrait passer pour la juste réponse à la question précédente. Une attitude de célébration serait en somme commune à l’érotisme sacré et à cet érotisme profane : célébration divine (ou civique) d’une part, célébration humaine (des êtres et de leurs relations amoureuses) d’autre part, ce qui accuse assez les différences. Cette attitude de célébration autorise également l’artiste à transcender la représentation immédiate des faits et gestes de l’érotisme ordinaire. À côté, par exemple, des belles peintures et gravures japonaises de l’ukiyo-e*, qui multiplient ingénieusement et même gracieusement les aspects de la conjonction amoureuse, l’œuvre érotique numéro un du xxe s., la Mariée mise à nu par ses célibataires, même (Marcel Duchamp*), implique tout un rituel mental qui l’apparente à l’érotisme sacré de l’art tantrique indien, dans lequel la représentation des gestes de l’amour signifie quelque chose de plus que ces gestes eux-mêmes. Dans un cas comme dans l’autre, l’érotisme devient le modèle d’une démarche spirituelle impliquant un débordement des cadres étroits de la vie quotidienne. De même, la Poupée de Hans Bellmer, qui propose une mineure entièrement démontable — et remontable selon de multiples solutions —, va très au-delà des postures répertoriées par le Kāma-Sūtra ou des recherches empiriques menées par des assassins inspirés tels que Jack l’Éventreur : nous sommes ici dans une spéculation de type métaphorique qui, par là, se détache de la plupart des dessins érotiques, extrêmement brillants cependant, du même artiste. Dans une version très différente (1936), la Poupée devient le fantasme d’une dilatation organique exaspérée.


Dévoilé, voilé

Il n’en est pas moins vrai que, si la référence aux faits et gestes amoureux cesse d’être perceptible, on sort de l’érotisme pour entrer dans le domaine de la sublimation, lequel n’a pas de limites puisqu’il comprend aussi bien les hauts faits militaires ou les œuvres d’art que les découvertes de la science ou l’ascétisme mystique. L’art érotique perdrait en effet son pouvoir de choc si sa dimension charnelle était par trop voilée. Il faut que celle-ci soit, selon le vœu d’André Breton, à la fois voilée et dévoilée. Lorsque le peintre suédois Max Walter Svanberg (né en 1912) célèbre la femme en associant à des éléments de son anatomie d’autres éléments empruntés à la faune ou à la flore, il est en effet indispensable que les yeux, les lèvres, les seins ou les cuisses disent la séduction charnelle de la femme, faute de quoi nous resterions dans la décoration. Dans l’Exécution du testament du marquis de Sade ou le Nécrophile (en hommage au sergent Bertrand) de Jean Benoît (né au Canada en 1922), il importe que soit célébrée la violence érotique des héros choisis, mais également que soient restitués tout l’arrière-plan mythique de leur activité et les profondes résonances que celle-ci éveille encore en nous. Avec Roberto Matta*, selon le titre d’un de ses plus célèbres tableaux, le Vertige d’Éros prend une ampleur cosmique comme s’il s’agissait de faire l’amour avec l’ensemble de l’univers. Comparées à ces sommets, où l’art érotique se confond avec l’imagination créatrice portée à son plus haut degré, les représentations les plus scabreuses des comportements sexuels (ce serait le cas, parmi tant d’autres, des scènes pédérastiques chères à Francis Bacon*) prennent une signification bien différente. Selon que ces représentations se situent plus volontiers du côté de l’euphorie ou du côté de la difficulté d’être (par exemple du côté de Boucher* ou du côté de Bacon), ni leur valeur de témoignage ni leur contribution à la prise de conscience d’une époque par elle-même ne pèsent du même poids. Il ne faut pourtant pas s’aveugler : les artistes commerciaux qui contribuèrent à la diffusion internationale de la « pin-up girl » au cours et au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ont apporté, eux aussi, à notre civilisation une contribution artistique et érotique qu’il serait vain de nier.

J. P.

erreur

Différence entre la valeur vraie d’une grandeur et la valeur qui résulte d’une mesure de cette grandeur.


La mesure a pour objet la détermination d’une valeur numérique que l’on assigne à une grandeur attachée à un objet physique ; le résultat de cette mesure, exprimé par le produit de deux facteurs, un nombre et l’unité, c’est-à-dire la grandeur de même nature qui a par convention la valeur 1, est toujours entaché d’une erreur, dite erreur absolue. On se sert aussi de l’erreur relative, qui est le rapport de l’erreur absolue à la grandeur mesurée.

Une mesure est exacte si l’erreur est petite. L’exactitude est l’étroitesse de l’accord entre la valeur vraie et la valeur qui résulte de la mesure. Ce serait un gaspillage de chercher une exactitude surabondante, mais il faut s’assurer que l’exactitude nécessaire est obtenue, ce qui oblige à étudier les erreurs, à les classer, à les évaluer. Une telle étude manque nécessairement de rigueur, car la valeur vraie — donc aussi l’erreur — n’est jamais connue rigoureusement ; d’où la diversité des théories qui tentent de tourner cette difficulté.


Classes d’erreurs

On distingue deux grandes classes d’erreurs ; les erreurs systématiques et les erreurs aléatoires, qu’on qualifie aussi d’accidentelles ou de fortuites.