Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

entreprise (suite)

Statut de la représentation du personnel dans l’entreprise (dispositions communes [suite])

Les représentants sont, d’un côté, dans une dépendance assez grande vis-à-vis de leurs mandants (leur mandat serait presque un mandat impératif), mais doivent être l’objet, par ailleurs, d’une protection toute particulière vis-à-vis de l’employeur, qui peut les tenir, à raison de leurs fonctions, sous une menace particulière.

Les représentants (délégués du personnel ou membres du comité d’entreprise) peuvent se voir révoquer par leurs électeurs en cours de mandat ; l’initiative appartient au syndicat qui a présenté (au premier tour) la liste sur laquelle figurait l’élu. La majorité des électeurs du collège intéressé doit approuver la proposition de révocation.

La protection vis-à-vis de l’employeur apparaît comme une nécessité : un délégué du personnel, chargé de formuler au nom des travailleurs qu’il représente des réclamations, pourrait être une proie tentante, aux yeux de la direction, pour une mise à pied ou un congédiement. Pour que cette protection soit assurée, les représentants sont exclus du droit commun de la résiliation unilatérale du contrat de travail.

L’article 22 de l’ordonnance du 2 février 1945 et l’article 16 de la loi du 16 avril 1946, complétés par le décret du 7 janvier 1959, précisent que leur révocation, contrairement au droit commun de la résiliation unilatérale prévue au profit de l’entrepreneur (article 23, livre premier, du Code du travail), doit être soumise à l’assentiment du comité d’entreprise : celui-ci entend l’intéressé, puis statue au scrutin secret. En cas de veto du comité, le conflit est porté devant l’inspecteur du travail : la décision, désormais, appartient à ce dernier. Celle-ci peut faire l’objet d’un recours hiérarchique porté devant le ministre du Travail et également d’un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif.

Le congédiement prononcé sans que cette procédure ait été suivie est frappé de nullité. Le représentant du personnel irrégulièrement congédié à droit à sa réintégration. Un arrêt de la Cour de cassation du 14 juin 1972 affirme qu’un tel licenciement illégal constitue une « voie de fait », obligeant à la « remise des parties dans leur état antérieur », c’est-à-dire à la réintégration. (Si cette jurisprudence s’étendait à l’ensemble des salariés, une révolution dans le droit du travail s’ensuivrait, une partie des pouvoirs du chef d’entreprise se trouvant amputée de ce fait.)


Fonctionnement de la représentation du personnel

• Les délégués du personnel. Ils voient leur rôle se situer au niveau de l’établissement et non de l’entreprise, celle-ci pouvant comprendre de nombreux établissements. Les dispositions légales s’appliquent à toutes les entreprises (et à leurs établissements) de quelque nature qu’elles soient (même aux associations ou aux syndicats employant un personnel salarié). Toutes les entreprises (ou établissements) doivent avoir des délégués du personnel, dans la mesure où ils emploient au moins 10 salariés.

Le nombre des délégués varie de 1 délégué (établissements de 10 à 25 salariés) à 9 délégués (établissements employant de 501 à 1 000 salariés) ; pour les établissements au-dessus de ce chiffre, il n’y a plus que 1 délégué complémentaire (en sus des 9) par tranche de 500 salariés. Chaque délégué a un remplaçant, le délégué suppléant.

Le mandat du délégué est d’une durée d’une année ; il y a rééligibilité à l’expiration du mandat.

Les attributions des délégués du personnel portent essentiellement sur la présentation à la direction des réclamations du personnel, exprimées soit pour un travailleur en particulier, soit pour la collectivité. Le « domaine » des réclamations recouvre tout ce qui a trait au travail lui-même, à l’exclusion de la modification des régimes du travail en vigueur (qui relève, quant à elle, de l’action politique ou syndicale). Les délégués informent le comité d’entreprise. Dans les entreprises de moins de 50 salariés n’ayant pas de comité d’entreprise, les délégués assument la gestion des œuvres sociales avec la direction.

Les délégués doivent disposer d’un local pour leurs réunions. Une réunion des délégués et de la direction au moins mensuelle doit permettre d’assurer la présentation des réclamations : en cas d’urgence, la direction, sur demande des délégués, reçoit ceux-ci. Après la réunion mensuelle, les réclamations et les réponses données par la direction sont transcrites sur un registre tenu à la disposition du personnel. Un tableau d’affichage est également réservé, permettant au personnel de suivre l’action des délégués.

En cas d’échec des démarches des délégués, l’inspection du travail peut être saisie.

• Le comité d’entreprise. L’institution a un rôle foncièrement différent dans la mesure où elle tend, quant à elle, à la collaboration, alors que l’institution des délégués du personnel a pour rôle essentiel la revendication : il y a coopération du comité avec la direction, ce trait étant souligné par la composition mixte du comité, présidé, en effet, par le chef d’entreprise ou son représentant. L’obligation de constituer des comités d’entreprise s’applique à toutes les professions, industrielles, commerciales, libérales, ainsi qu’aux associations et syndicats : seule l’agriculture reste en dehors de son champ d’application, les entreprises publiques demeurant, quant à elles, soumises à des textes particuliers.

Les entreprises employant plus de 50 salariés doivent avoir un comité d’entreprise. Contrairement aux délégués du personnel, les comités ont pour cadre non pas l’établissement, mais l’entreprise, qui déborde en dimension celui-ci. Si l’entreprise comprend de nombreux établissements (de plus de 50 salariés chacun), des comités d’établissement sont prévus, élus directement dans le cadre de chaque établissement de plus de 50 salariés ; ces comités sont coiffés par un comité central d’entreprise, composé de délégués élus par les comités de base que sont les comités d’établissement.