Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

ensemble (suite)

Un grand nom dans la théorie des ensembles

Ernst Zermelo, mathématicien allemand (Berlin 1871 - Fribourg 1953). Il fut le disciple de Georg Cantor (1845-1918), dont il publia l’œuvre en 1932. Son nom est lié à l’« axiome du choix » qu’il explicita en 1904. Cet axiome postule que, dans tout sous-ensemble d’un ensemble donné, on peut fixer un élément distingué. Zermelo l’utilisa en 1904 et en 1908 pour démontrer que tout ensemble peut être bien ordonné. Un bon ordre est un ordre total tel que tout sous-ensemble admette un premier élément.

Déjà admis implicitement par Cantor, l’axiome de Zermelo fut l’objet de nombreuses polémiques. Attaqué par Henri Poincaré (1854-1912), refusé par Emile Borel (1871-1956), Henri Lebesgue (1875-1941), Nikolaï Nikolaïevitch Louzine (1883-1950), il fut accepté par David Hilbert (1862-1943), Jacques Hadamard (1865-1963), Wacław Sierpiński (1882-1969). En 1908, Zermelo tenta la première axiomatisation de la théorie des ensembles.

J. I.

E. S.

➙ Anneau / Application / Axiomatique (méthode) / / Combinatoire (analyse) / Continu (puissance du) / Espace / Fonction / Groupe / Logique / / Opération / Probabilités / / / Structure / Topologie / Treillis / Vectoriel (espace) / .

 P. Dubreil, Algèbre (Gauthier-Villars, 1955 ; 3e éd., 1963). / G. Choquet, Algèbre des ensembles. Algèbre (C. D. U., 1956). / L. Chambadal et J. L. Ovaert, Cours de mathématiques, t. I : Notions fondamentales d’algèbre et d’analyse (Gauthier-Villars, 1966). / M. Barbut, Mathématiques des sciences humaines, t. I : Combinatoire et algèbre (P. U. F., 1967). / A. Bouvier, la Théorie des ensembles P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1969 ; 3e éd., 1972). / N. Bourbaki, Théorie des ensembles (Hermann, 1971).

Ensor (James)

Peintre et graveur belge (Ostende 1860 - id. 1949).


Maître de l’expressionnisme* fantastique et l’un des fondateurs du groupe des Vingt, il a fait dans sa ville natale l’ensemble de sa longue carrière. D’abord incomprise, reconnue de façon éclatante à partir de 1920, son œuvre, dont le meilleur se situe de 1883 à 1900, précède celles de ses frères spirituels Van Gogh, Munch, Gauguin, Redon, car elle atteint déjà toute son originalité dans les Masques scandalisés (1883, musées royaux des Beaux-Arts, Bruxelles).

Chez lui, la volonté d’expression, constante de l’art flamand depuis Bruegel, s’allie à la fantaisie, le positivisme à l’irréalisme, l’humour noir à l’humour rose. L’invention colorée, la fraîcheur, le scintillement qui caractérisent sa grande époque sont un masque de plus jeté sur les créatures inquiétantes qui peuplent son œuvre.

Ensor est le fils d’un Anglais et d’une flamande dont la mère tenait une boutique de souvenirs à Ostende, masques et coquillages ; ce bric-à-brac poétique nourrira l’imagination du peintre et reviendra comme un leitmotiv à travers son œuvre. Élève de 1877 à 1880 à l’Académie de Bruxelles, Ensor est encouragé à ses débuts par Félicien Rops (1833-1898), car ses dons sont évidents (Femme au nez retroussé, 1879, musée royal des Beaux-Arts, Anvers). Sa première manière, réaliste et sombre, joint une technique impressionniste au goût du clair-obscur. Dans des accords de roux, de brun et de bleu, il évoque l’atmosphère des appartements fin de siècle et les névroses mises à la mode par J.-K. Huysmans et Dostoïevski : la Musique russe (1881, Bruxelles), la Femme en détresse (1882, musée national d’Art moderne, Paris). Il peint aussi des natures mortes aux harmonies sourdes grassement étalées : le Chou (1880, Bruxelles). En 1882, la Mangeuse d’huîtres (Anvers) dénote une évolution vers des valeurs plus claires. L’année suivante, Ensor au chapeau fleuri (musée des Beaux-Arts, Ostende) est le manifeste de son anticonformisme en même temps qu’un clin d’œil à Rubens.

La détresse psychologique, l’étonnement inquiet qu’il peignait dans cette période « sombre », où se déchaînait déjà sa puissance créatrice, sont brusquement parodiés dans le monde déconcertant inventé à partir de 1883, comédie parahumaine où les masques et les squelettes cherchent davantage à intriguer qu’à terroriser. La première composition importante de masques, les Masques scandalisés, prélude aux recherches expressionnistes de l’école de Sint-Martens Latem. Puis, l’insolite augmente, s’introduit à travers les objets ; ceux qui sont mis à la mode par le japonisme côtoient les coquillages que la mer abandonne sur les grèves d’Ostende comme sur les estampes d’Hokusai. Les squelettes rêvent devant ces collections comme les Goncourt ou Whistler : Squelette regardant des chinoiseries (1885, coll. privée). Le réalisme du peintre se réfugie dans des vues de sa ville et des toits sur lesquels donne son atelier : toits d’Ostende romantiques en 1884, naïfs comme un Utrillo en 1898, expressionnistes en 1906. En raison de son atavisme anglais, les critiques ont souvent cherché à rapprocher Ensor de Turner, de Hogarth ou de Rowlandson. Ces influences paraissent pourtant négligeables à côté de celle d’un certain « nonsense » cultivé par Lewis Caroll, Edward Lear ou les caricatures du Punch, mais interprété avec une truculence bien flamande.

Le griffonnage léger, le travail tout en nuances du Carnaval sur la plage (1887, en dépôt aux musées royaux des Beaux-Arts, Bruxelles), la gaieté du Carnaval (1888, Stedelijk Museum, Amsterdam) précèdent l’Entrée du Christ à Bruxelles (1888, coll. privée, Londres, en dépôt au musée des Beaux-Arts d’Anvers), œuvre magistrale par laquelle le xixe s. annonce les trouvailles irréalistes autant qu’expressionnistes du xxe s. La couleur construit la forme, un humour redoutable marque ces visages devenus masques, un symbolisme freudien anime ces masques plus vrais que des visages. Le génie d’Ensor se révèle avec une nouveauté tellement saisissante qu’il rencontre une incompréhension absolue : son grand carnaval anarchiste scandalise presque autant ses amis que ses adversaires ; ses camarades du groupe des Vingt eux-mêmes, défenseurs de l’avant-garde (mais celle-ci n’est encore que l’impressionnisme français), n’acceptent pas d’exposer « cette galéjade ». Pendant une dizaine d’années, réfugié, disait-il, « au pays de narquoisie », Ensor produit des chefs-d’œuvre où le fantastique est tantôt cocasse, tantôt angoissé : l’Étonnement du masque Wouse (1889, Anvers), les Masques singuliers (1891, Bruxelles). Squelettes se disputant un pendu (1891, Anvers), les Poissardes mélancoliques (1892, coll. privée), les Cuisiniers dangereux (1896, coll. privée). Partout, les stridences des couleurs pures éclatent sur des variations colorées d’une subtilité infinie, dont la magie s’applique aussi au réalisme des natures mortes : la Raie (1892, Bruxelles).