Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Ennius (Quintus) (suite)

Sa renommée

L’influence d’Ennius fut immense. « Je cours vivant sur les lèvres des hommes », dit-il dans son épitaphe. Lucrèce se rattache à lui, Cicéron le loue avec enthousiasme, Virgile lui fait de nombreux emprunts, Tite-Live s’en inspire ; seuls les poètes augustéens seront réticents, voire dédaigneux. Ennius est véritablement un initiateur qui a su, lui un demi-grec, imposer la puissance de la langue latine et magnifier la geste de Rome.

A. M.-B.


Deux contemporains d’Ennius


Livius Andronicus

(iiie s. av. J.-C.). Auteur d’une traduction de l’Odyssée, de tragédies empruntées au cycle troyen ou à celui des Atrides, il eut une influence des plus importantes en introduisant à Rome la littérature grecque.


Cneius Naevius

(v. 270 - v. 201 av. J.-C.). Avec ses neuf tragédies, sa trentaine de comédies et surtout son Poenicum bellum, épopée qui raconte la première guerre punique, ce poète original montre qu’on peut prendre les Grecs pour modèles sans les imiter servilement.

 L. Müller, Quintus Ennius, eine Einleitung in das Studium der römische Poesie (Saint-Pétersbourg, 1884). / E. S. Duckett, Studies in Ennius (Bryn Mawr, Pennsylvanie, 1915). / M. Lenchantin de Gubernatis, Ennio, saggio critico (Turin, 1915). / E. Norden, Ennius und Vergilius (Leipzig, 1915 ; rééd., Stuttgart, 1966). / H. von Kameke, Ennius und Homer (Leipzig, 1926). / P. Grimal, le Siècle des Scipions, Rome et l’hellénisme au temps des guerres puniques (Aubier, 1953). / J. Heurgon, Ennius (C. D. U., 1960 ; 2 vol.).

enquête sociologique

Étude méthodique d’un problème social, politique, au moyen d’un rassemblement d’observations, l’objectif étant la recherche d’éléments plus précis que de simples impressions.


La recherche en sociologie implique l’exigence de rigueur, le recours à des procédures logiques ainsi qu’à des modes d’observation et d’analyse particuliers. Parmi ceux-ci, l’enquête occupe une place de choix.


Historique de la notion d’enquête

La notion même et les modalités de l’enquête sociologique ont beaucoup évolué depuis les origines de la sociologie dite « scientifique ». La première enquête connue est probablement celle qui est rapportée par Hérodote : le recensement de la population et le dénombrement des revenus dans l’Égypte ancienne trois mille ans avant notre ère. À toutes les époques de l’histoire, il a été important pour les administrateurs et les penseurs de se procurer des informations sur les questions d’intérêt public. Les intendants de l’Ancien Régime, les révolutionnaires de la Convention ont effectué de nombreuses enquêtes. Dans l’Angleterre du xviiie s., les membres des commissions royales — à propos de la réforme des prisons, par exemple — furent de grands « rassembleurs » de faits sociaux.

Charles Booth (1840-1916) et sa femme Mary étudièrent, plus tard, le prolétariat londonien. Cette enquête, connue sous le nom d’enquête sur le paupérisme, commencée en 1886, s’acheva en 1903 avec la publication du dix-septième volume (Life and Labour of the People in London). « L’idée de base avec laquelle je commençais à travailler, écrit Charles Booth, était que chaque fait dont j’avais besoin devait être connu par quelqu’un et qu’il n’y avait qu’à recueillir les informations et les mettre ensemble. » Booth et sa femme, pour mener à bien cette œuvre monumentale partagèrent la vie même des quartiers pauvres, interviewèrent les ouvriers, rassemblèrent des statistiques, analysèrent des documents. Ce travail d’observation et de documentation leur permit de décrire avec précision les conditions de vie des divers groupes de travailleurs déshérités et de rechercher des corrélations entre les niveaux de vie, la délinquance, le logement, la taille des enfants, etc.

En France, des recherches du même type se développèrent à la même époque. Louis René Villermé (1782-1863) présenta en 1840 à l’Académie des sciences morales et politiques son célèbre mémoire sur le travail des enfants dans les mines. Frédéric Le Play (1806-1882) publia en 1855 son ouvrage en six tomes les Ouvriers européens. Au début du xxe s., en Allemagne, des études sur la main-d’œuvre agricole et ouvrière furent effectuées sous la direction de Max Weber* ; l’Italien A. Niceforo publia également de nombreux travaux sur le Mezzogiorno.

Ces travaux sont caractéristiques de la première période de l’enquête en sociologie. L’enquête vise alors à éclairer les débats sur les problèmes sociaux immédiats d’un capitalisme en plein essor. Sur le plan méthodologique, elle s’efforce de recourir autant que possible à la quantification. Le Play évaluait, « mesurait » le sentiment religieux des familles ouvrières qu’il étudiait en examinant leurs budgets et en notant combien d’argent elles consacraient à l’achat de cierges...

Mais c’est aux États-Unis, dans les années 30, que le développement spectaculaire des enquêtes apparut. Cette deuxième étape vit l’élargissement du domaine d’application de l’enquête, qui devint pratiquement illimité : étude des comportements et des attitudes politiques (the people’s choice), étude des comportements sexuels (rapports Kinsey), analyse des consommateurs, des audiences radiophoniques (travaux de l’école de Columbia, sous la direction de Lazarsfeld). Cette extension était favorisée par des progrès importants des techniques d’enquête par sondages (procédés d’échantillonnage), des méthodes d’établissement des questionnaires et des mesures quantitatives des attitudes.

Grâce à ces innovations d’ordre technologique et méthodologique, les chercheurs s’enthousiasmèrent pour les enquêtes. Alors, note Lazarsfeld, la situation ne tarde pas à devenir chaotique. Aussi, vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, un effort de systématisation s’imposait-il. Au cours de cette troisième étape de l’évolution de l’enquête sociologique, les chercheurs s’interrogèrent sur la nature des concepts et des modes de raisonnement pragmatiquement utilisés. Ils codifièrent les règles de l’analyse rigoureuse des observations collectées.