Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

enfant (suite)

De 1 à 2 ans

D’importantes acquisitions ont lieu alors, parmi lesquelles le début du langage (entre 18 et 20 mois), élément décisif du développement psychique. Après une période où l’enfant comprend presque tout sans parler lui-même, le langage éclate et se développe très vite par association de sons avec les situations et les objets ; mots-phrases, puis phrases sans verbes ni articles.

C’est alors aussi qu’est obtenue la maîtrise sphinctérienne (apprentissage de la propreté de jour).

La relation à autrui reste essentiellement limitée à la mère. L’enfant y puise, lorsqu’elle est normale, la sécurité affective, le sentiment du réel et la force de résister aux frustrations nécessaires. Mais on assiste progressivement à l’identification de la figure paternelle.


De 2 à 3 ans

Vers 25-30 mois, une crise commence, ou âge du « contre », période d’opposition qui traduit une affirmation du moi souvent impérieuse : l’enfant contredit et affronte son entourage à seule fin d’imposer son existence et son autonomie. L’enfant dit « non » ou « si » pour s’opposer, il cherche les « limites » qui lui vaudront des sanctions, il fait des caprices, casse, désobéit. Pendant ce même temps, il passe, sur le plan du langage, de la 3e personne à « moi », puis à « je », qui éclôt à 3 ans. Cette période, premier bourgeonnement de la volonté de puissance par la mise à l’épreuve de soi et des autres, est la crise d’émergence du « je » comme initiative, causalité et volonté. Par ailleurs, le langage se structure et s’enrichit rapidement par imitation constante et soliloques prolongés, l’attention se concentre, la manipulation des objets est constructive. Avec le « je », l’univers se structure sur le mode animiste et magique.


De 3 à 4 ans

À la crise d’opposition des 3 ans succède une période de séduction et de grâce, dominée par l’imitation des adultes et la recherche de l’accord affectif. Le père est imité de préférence. C’est la « période sensible » à la relation avec le père, et toute carence d’amour paternel aura des répercussions sérieuses sur la personnalité sociale ultérieure. En même temps (et avec la même signification) se développe l’« apprentissage du monde extérieur », avec la première vague des « pourquoi ? », les expériences motrices personnelles et dangereuses, l’intégration des règles morales, assimilées à des faits et à des choses (réalisme moral). L’univers magique, égocentrique, où tout est intentionnel et par rapport à l’enfant, se développe en même temps que l’affectivité, qui l’imprègne et l’explique. Dans cet univers, les objets n’ont pas de rapports stables entre eux ; ce sont des valeurs, et les choses sont bonnes ou méchantes. L’enfant de cet âge (et jusqu’à 6 ans) vit uniquement sur le mode affectif. La stabilité de son monde de valeurs est facteur essentiel de sa sécurité et de son « repérage » dans son monde. Tout bouleversement et toute instabilité de l’entourage ont des conséquences graves et durables (période sensible à la jalousie et à la naissance d’un cadet, sensible aussi aux déménagements et aux absences des parents). L’enfant aime « faire semblant » et il aime les récits, mais les images ont pour lui une consistance hallucinatoire ; les terreurs nocturnes ne sont pas rares.


De 4 à 5 ans

L’univers magique est à son point culminant. Le jeu se développe avec sa triple dimension d’imitation des adultes, de découverte du réel par essais expérimentaux et d’effervescence de l’imaginaire. À l’occasion du jeu, l’affectivité et la coordination motrice progressent simultanément. De plus, par le jeu, commencent les premières (et instables) relations sociales avec les autres enfants. De ce fait, d’ailleurs, l’imitation est le plus souvent une identification imaginaire avec le modèle. La découverte de la différence anatomique des sexes se fait vers 4 ans ou 4 ans 1/2, ce qui retentit directement sur les identifications. Cette découverte devient une première clé de la compréhension du monde. L’éveil de la curiosité générale vers la définition des choses incite l’enfant à questionner sans cesse. C’est dans ce contexte que peuvent se produire les premiers sentiments de culpabilité, à la suite des réactions punitives des adultes culpabilisant la curiosité. Vers 5 ans s’ouvre la période appelée œdipienne depuis Freud (complexe d’Œdipe) ; l’enfant devient hostile au parent du même sexe et souhaite la disparition de ce parent qu’il veut naïvement remplacer auprès de l’autre. De là toute une série de conséquences : sur le plan affectif, apparition de sentiments nouveaux ; sur le plan des conduites, séduction active du parent du sexe opposé (d’où le danger, si ce parent érotise la relation ou si les parents punissent ces prises de rôles). Le dénouement normal de cette crise est l’identification au parent de même sexe, d’où un nouveau progrès du moi sexué et surtout de la conscience de soi. C’est pourquoi cette période est si importante pour l’affirmation virile ou féminine de la personnalité adulte ultérieure.


De 5 à 6 ans

L’éveil de la conscience réfléchie, rendu possible par l’identification, se poursuit par la prise de conscience de soi comme « enfant ». On entend alors l’enfant dire, en dehors de toute imitation verbale des adultes, qu’il est « petit » ; il s’éprouve comme faible, désarmé, peu puissant. Ses plaintes signalent la nouvelle prise de conscience de sa réalité et, à travers elle, de la réalité. Cette révolution mentale crée d’une part l’orientation dans le temps — l’horizon temporel (« quand je serai grand »), en transformant le parent de même sexe en idéal du « moi » dans l’avenir —, d’autre part le besoin de nouveaux points de repère spatiaux et chronologiques ; elle permet aussi l’organisation de la mémoire. Le réel, l’espace, le temps l’entourent soudain comme un nouveau milieu de vie. L’univers magique s’efface (l’enfant « ne croit plus au père Noël »). Il cherche à s’orienter et à organiser son nouvel univers réaliste, distingue nettement le réel et l’imaginaire, recherche la compagnie de ses pairs et devient capable de coopération sociale dans le jeu et dans le travail. Une recrudescence de la curiosité envers le monde extérieur naturel et humain se traduit par la recherche des causes et des effets (vague de nouveaux « pourquoi ? » et expérimentation personnelle sur les choses).