Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

emploi (suite)

L’accord conclu le 27 mars 1972 entre le Conseil national du patronat français (C. N. P. F.), la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (C. G. P. M. E.) et les organisations syndicales de salariés institue une garantie de ressources pour les salariés de plus de 60 ans privés d’emploi. De plus, l’accord conclu le 14 octobre 1974 assure aux salariés privés d’emploi pour raisons économiques 90 p. 100 de leur salaire brut pendant un an.

R. M.

employés (les)

Catégorie ou classe sociale qui comprend l’ensemble des travailleurs salariés dont l’activité s’exerce dans les bureaux des administrations publiques ou des entreprises privées.



La montée des employés

Dans tous les pays industrialisés, les employés de bureau et de commerce augmentent avec le développement économique et technique, alors que la proportion relative d’ouvriers par rapport aux actifs tend à stagner et que le groupe des agriculteurs ne cesse de fondre depuis les dernières décennies. En France, agriculteurs et employés sont actuellement en nombre égal (autour de 20 p. 100 de la population active) ; les ouvriers continuent à eux seuls d’être deux fois plus nombreux.

Cette montée des employés, plus ancienne aux États-Unis et en Angleterre, s’est amorcée en France dans le dernier quart de siècle, et le mouvement se perpétue, sans s’accélérer néanmoins, car il rencontre la montée d’un autre groupe socio-professionnel, celui des cadres*.

Mais si la démographie peut constater sans passion, elle nous laisse perplexe quant à la signification d’un phénomène social que des visionnaires de leur temps comme Balzac, Daumier, Flaubert, Dostoïevski, Dickens et Courteline avaient dépeint en termes cruels, méprisants et d’un comique souvent blessant. Vivons-nous l’invasion de cette race de petits-bourgeois, ronds-de-cuir, arrivistes routiniers qu’ont sécrétés le monde industriel et l’État bourgeois naissant ou bien faut-il trouver une autre signification sociale et culturelle à la prolifération des employés, qui, depuis longtemps, ont dépassé le petit nombre marginal qu’ils représentaient il y a cent ans ?


Les facteurs de la croissance des emplois de bureau et de commerce

Max Weber* fondait la suprématie du mode d’organisation rationnelle des hommes au travail, qu’il appelait la bureaucratie*, sur le fait que cette dernière, vue sous l’angle d’un schéma idéal, coïncidait avec la croissance économique et la possibilité d’investir. C’est parce que le bureau représente le monde des rapports et des dossiers, c’est-à-dire la diffusion logique des compétences de chacun, qu’il devient possible d’établir des règles impersonnelles à partir desquelles la prévision des résultats du travail des hommes devient chose sérieuse.

Cette analyse générale montre clairement que la prolifération des bureaux est un facteur essentiel de la croissance de l’industrie et des affaires : elle permet de gérer la compétence. C’est ainsi que le développement du secteur tertiaire conditionne le progrès général de l’économie. L’augmentation des charges et des rouages de l’appareil d’État, obligé de développer de gigantesques administrations pour gérer la complexité de l’économie et de la vie sociale moderne, constitue évidemment une autre raison fondamentale de l’extension du secteur tertiaire.

Mais le progrès économique lui-même est également à l’origine de l’augmentation du nombre des employés de commerce. Ce qu’on appelle en effet la société de consommation est le résultat d’une certaine diffusion sociale de la richesse, de telle façon que la stimulation du commerce, et donc de l’industrie, ressorte du pouvoir d’achat attribué au plus grand nombre.

La multiplication des grands magasins et des formules nouvelles de centres d’achats, en faisant mourir les petits boutiquiers artisanaux, jette sur le marché de l’emploi de multiples postes de vendeurs sans spécialité.

Le progrès technique et scientifique est, lui aussi, responsable du gonflement du volume des emplois de bureau et de commerce. Il est certain que l’organisation rationnelle des tâches diminue le nombre des gens de métier pour les remplacer par des travailleurs à faible qualification aussi bien dans les entreprises industrielles que dans celles du commerce et des affaires. Avec l’informatique et la mécanique de bureau, on a vu naître les pools de dactylos, les services de reprographie, les petits techniciens de l’ordinateur, dont les activités, simplifiées et peu manuelles, sont à mi-chemin entre celles de l’ouvrier et de l’employé aux écritures. Le développement des postes et télécommunications a également accru le nombre d’emplois non manuels et sans grandes exigences de technicité. Citons enfin la naissance des secteurs d’études et de recherches en prévision économique, en marketing ou en organisation, qui, à côté des usines et des bureaux classiques des banques et des assurances, augmentent le nombre des auxiliaires de bureau.

L’évolution des cent dernières années est donc celle d’un rapport étroit entre la croissance économique et l’extension des activités de bureau non qualifiées. Il ne s’agit donc pas d’un phénomène marginal, mais d’un ressort indispensable au développement des sociétés industrielles.


La condition d’employé

La situation matérielle et professionnelle des employés se rapproche sensiblement de celle des ouvriers. Les salaires de ces derniers ont rattrapé ceux des employés de bureau ou des grands magasins, la mensualisation est en passe de se généraliser, l’instruction de base tend à s’égaliser et les indices de consommation de biens manufacturés ne sont guère différents. Les tâches de bureau du commerce et de l’industrie sont presque également touchées par la simplification et la répétitivité, au point de perdre toute valeur de perfectionnement. L’histoire du monde employé est, d’une certaine façon, celle de la perte du privilège du petit nombre de gens instruits, intermédiaires entre une masse de manœuvres industriels prolétarisés et l’élite « bourgeoise » de l’argent et de la connaissance.