Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

emploi (suite)

Cette tendance est renforcée par l’accélération du progrès technique et par la demande croissante de qualifications (il faut souligner la pénurie relative de main-d’œuvre qualifiée dont souffrent les économies développées) toujours plus élevées et parfois nouvelles. Pour conserver une main-d’œuvre spécialisée relativement rare, les entreprises sont prêtes à faire des sacrifices et à se livrer à des surenchères, qui, pour être localisées, n’en exercent pas moins à la longue leurs effets sur l’ensemble des salaires et sur l’équilibre économique général. La hausse des salaires entraîne celle des prix.

Si le gouvernement se préoccupe alors de lutter contre l’inflation, le risque est, à travers l’application d’une politique restrictive, celui d’un ralentissement de l’expansion, voire d’une récession. Une baisse de l’activité peut se produire sans que les prix diminuent. Au bout d’un certain temps, les pouvoirs publics cherchent à relancer l’expansion ; celle-ci ne tarde pas à dégénérer de nouveau en inflation. Le processus économique se déroule donc par à-coups, et le résultat en moyenne période s’analyse à la fois en une croissance freinée et en une dépréciation de la monnaie.


Emploi et croissance

Il est maintenant admis qu’une société moderne se doit d’assurer un niveau élevé de l’emploi. Mais, à l’usage, on a découvert que la réalisation de cet objectif comportait, par ses conséquences, des risques. En effet, pour que cet objectif soit obtenu dans les faits, il faut que soit créé concrètement un nombre suffisant d’emplois, ce qui suppose — l’expérience l’a confirmé — que l’économie soit orientée vers la croissance*. En d’autres termes, la politique de l’emploi est liée à celle de la croissance de l’économie.

C’est dès lors qu’apparaissent les risques découlant de la réalisation de l’objectif de plein-emploi.

La politique de plein-emploi place, en ce qui concerne les rémunérations, les travailleurs en position de force ; ceux-ci vont réclamer des hausses de salaires alors qu’un relèvement de la productivité n’est pas toujours intervenu. À ce stade, la politique de plein-emploi comporte un risque inflationniste : la mise au travail de la presque totalité de la main-d’œuvre ne manquera pas de se traduire par l’accroissement de la masse salariale, et par un accroissement de la demande globale. Or il n’est pas sûr, pour des raisons structurelles, que cette dernière puisse être entièrement satisfaite, si bien que des tensions inflationnistes peuvent naître et s’amplifier, soit à cause d’une insuffisance de réponse de la production, soit à cause — ce qui est plus fréquent — de l’inadaptation partielle d’un certain nombre de secteurs d’activité.

La conciliation des différents objectifs est souvent difficile. On a pu observer que, du jour où le plein-emploi des ressources productives a été pratiquement réalisé, il est devenu beaucoup plus difficile d’atteindre simultanément les autres objectifs que lorsqu’il existait encore d’amples réserves de ressources inemployées. On ne manque pas, dans ces moments, de souligner que, pour maintenir l’économie à ce niveau, les autorités publiques ne disposent que d’une marge de manœuvre désormais étroite, car elles sont prises entre le danger d’un niveau d’emploi trop faible pour être socialement supporté et celui d’une pression de la demande qui soumettrait l’économie à des tensions inflationnistes.

Par les répercussions qu’elle peut exercer sur le niveau des prix et aussi sur l’équilibre des comptes extérieurs, la politique de plein-emploi peut ainsi mettre en péril l’équilibre économique général et compromettre la croissance économique.

Cependant, l’analyse économique a montré que les objectifs de plein-emploi, de croissance et de stabilité monétaire (à laquelle se rattache l’équilibre des échanges extérieurs), loin d’être incompatibles, sont, au contraire, étroitement liés et peuvent même se renforcer mutuellement : c’est ainsi qu’en cas de structure convenable de l’économie et de l’emploi la pleine utilisation des facteurs de production, y compris la main-d’œuvre, peut être à l’origine, en réalité, d’une expansion optimale et du maintien de la stabilité des prix et de la monnaie ; un taux d’expansion suffisant atténue à son tour les dangers de l’inflation et favorise le plein-emploi ; quant à la stabilité monétaire, elle facilite la croissance et le plein-emploi en évitant notamment les déficits de la balance des paiements que finissent par engendrer les hausses de prix sur le marché intérieur.

Pour parer aux conséquences de la situation, les pouvoirs publics se sont efforcés de mettre en œuvre des politiques économiques spécifiques (comme la politique des revenus) et une politique d’organisation réelle du marché du travail, afin que la population active soit utilisée le mieux possible, non seulement pour fournir les meilleures possibilités de travail à ceux qui sont en quête d’un emploi, mais encore pour améliorer la productivité de l’économie. Aussi, ils ont cherché à réorganiser le service public de placement, pour que les travailleurs perdent le minimum de temps entre deux emplois et que les employeurs puissent pourvoir très rapidement les postes vacants.

On tente aussi d’améliorer l’information auprès des jeunes et la formation de ceux qui se trouvent engagés dans la vie active, afin de pouvoir les placer dans de nouveaux emplois. Enfin, à une époque plus récente, les pouvoirs publics ont mené une politique spécifique de prévision en matière d’emploi, non seulement sur le plan quantitatif (confrontation de l’offre et de la demande globale de main-d’œuvre), mais aussi et surtout sur le plan qualitatif (notamment recherche sur l’évolution des professions et des qualifications). Dans certains pays, des organismes spécialisés se mettent en place pour rechercher et obtenir une adaptation entre les offres et les demandes de main-d’œuvre, entre l’évolution prévisible de la structure de la population et les sorties des jeunes du système d’éducation et de formation professionnelle.

G. R.

➙ Formation professionnelle / Travail (droit du).