Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Empire colonial portugais (suite)

Contrairement aux Espagnols, les Portugais ont abordé un pays pratiquement vide d’hommes. Sur les quelque 60 000 habitants que compte la colonie à la fin du xvie s., plus de la moitié sont des Blancs ou des métis. Rares sont les familles portugaises qui émigrent, hormis le cas des Açoriens au xviiie s. Aussi, la femme indigène est, comme épouse ou comme concubine, l’auxiliaire indispensable de la colonisation.

L’arrivée massive d’esclaves noirs, Soudanais ou Angolais, va introduire une nouvelle strate dans la population, mais aussi dans la civilisation brésilienne. Traditions indigènes, apport portugais, influences africaines s’interpénètrent et se juxtaposent sous un vernis de catholicisme. Dans cette « conquête spirituelle », le rôle essentiel est tenu par les Jésuites, arrivés dès 1549 avec le P. Manuel da Nóbrega (1517-1570). Devenus une puissance par trop redoutable, même sur le plan politique en Amazonie ou dans les missions du haut Paraguay, ils seront brisés au xviiie s. par Pombal*.


Évolution économique et politique

Au début, les Européens ont recherché essentiellement ce bois de teinture qui a donné son nom au pays. Au xviie s., le commerce du bois est encore si avantageux que la Couronne doit réglementer une exploitation devenue forcenée. Mais, depuis 1570, la culture de la canne à sucre est devenue l’activité dominante. Les conditions naturelles étant favorables, elle s’étend à un rythme rapide, entraînant la colonisation, mais aussi le grand domaine esclavagiste... Les colons ont recours tout d’abord aux indigènes, puis, de plus en plus, il leur faut faire appel à une main-d’œuvre servile importée d’Afrique. Guinée et Angola deviennent les compléments de l’économie brésilienne. À l’Empire indo-malais succède un empire atlantique fondé sur le sucre brésilien et l’esclave noir. Les liaisons avec la métropole redonnent momentanément vie à différents petits ports : Viana, Setúbal, Sines, écrasés par Lisbonne durant la phase orientale de l’expansion. Mais, après 1620, la menace hollandaise contraignant à organiser des convois, Lisbonne retrouve son quasi-monopole. La zone sucrière se déplace progressivement de la région de Bahia vers le nord. L’occupation hollandaise n’a nullement ralenti la production : seuls les clients ont changé. Mais, cette culture, trop orientée vers le marché extérieur, va être durement atteinte par l’effondrement des prix dans les années 1670-1680, lorsqu’elle se heurte sur les marchés européens à la concurrence antillaise.

C’est une crise du sucre, mais aussi des autres produits, car la prépondérance de la canne à sucre (54 p. 100 de la valeur globale du commerce pendant la période coloniale) ne doit pas faire oublier les autres cultures de plantation : tabac, gingembre et, déjà, cacao. Dès la fin du xviie s., cette crise est surmontée et la prospérité retrouvée, d’autant plus qu’est venue s’ajouter une nouvelle source de richesse : les mines. Le xviiie s. est le grand siècle de l’or brésilien, les arrivages à Lisbonne atteignant même 25 t en 1720, chiffre record. Quant aux diamants, les arrivages sont si importants qu’ils suscitent un effondrement des cours en Europe. Ces richesses stimulent les échanges commerciaux, et vers Lisbonne convergent les flottes de Rio avec l’or et les diamants du Minas Gérais, les cuirs et l’argent de La Plata, les flottes de Bahia avec du tabac et du sucre, celles de Pernambouc avec des bois et du sucre, et enfin celles du Pará avec du cacao et du coton.

La baisse de la production minière dans les années 1760 n’entraîne pas la ruine de l’économie brésilienne. Un moment gênée par la concurrence du secteur minier, l’agriculture connaît un nouvel essor ; l’élevage se développe dans les régions méridionales, où s’implante déjà toute une population de gauchos. Le Brésil s’oriente vers ce qui avait été sa fonction première : l’agriculture spéculative.

Pays atlantique, qui vit essentiellement du grand commerce, il ne peut se développer dans le cadre étroit de l’exclusif colonial. Il est vrai que la contrebande anglaise offre un exutoire, mais restreint, parce qu’illégal et, partant, menacé. Pour répondre à cette économie en plein essor, qui dépasse et de beaucoup les possibilités de la métropole, il faudra ouvrir le pays au grand commerce international.

Au fur et à mesure que le gouvernement prend conscience de la richesse prodigieuse de la colonie, il renforce son emprise. Cette politique est poussée au maximum au xviiie s. par Pombal, suscitant de vifs sursauts de mécontentement, comme le complot de Tiradentes (Joaquim José da Silva Xavier [1746-1792]). Or, en 1808, la cour de Lisbonne doit se réfugier à Rio de Janeiro, devenue ainsi la capitale d’un État double, dans lequel la colonie tient à tous points de vue plus de place que la métropole : richesses, population, activité. Quand, en 1821, les Cortes portugaises exigent le retour du roi dans la métropole et le rétablissement des structures coloniales, Jean VI s’incline ; mais le Brésil refuse de se soumettre, et c’est le prince héritier lui-même qui, le 7 septembre 1822, proclame l’indépendance. Trois ans plus tard, la métropole reconnaît le fait accompli.


L’empire africain

Au xixe s., sous l’impulsion du ministre Bernardo Sá da Bandeira (1795-1876), le Portugal s’efforce de mettre en valeur les colonies qui lui restent. Toutefois, ce n’est qu’à l’aube du xxe s. que le Portugal crée véritablement son empire africain.

Le succès de l’empire oriental, puis du Brésil a rejeté dans l’ombre les premiers établissements africains. Durant le xvie s., le monopole portugais s’est maintenu, mais, dès 1600, les Portugais sont progressivement refoulés par leurs concurrents européens. Les îles du golfe de Guinée ont perdu leur ancienne prospérité, et, en 1778, le Portugal abandonne à l’Espagne Fernando Poo et Annobón. Les colonies équatoriales périclitent. Le protectorat sur le Congo a été de brève durée, au plus le xvie s. Sur les côtes d’Angola, les Portugais occupent Luanda, la vallée de la Cuanza et, depuis 1617, Benguela. Malgré les efforts d’un Sousa Coutinho au xviiie s., la colonisation portugaise ne réussit pas à s’implanter dans l’arrière-pays. L’Angola ne vit que de la traite, et, jusqu’à la fin du xixe s., la domination portugaise se réduit à quelques escales et de vagues droits de suzeraineté.