Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Empire colonial français

Ensemble des pays d’outre-mer qui étaient gouvernés par la France.


La formation de l’Empire colonial français ne fut pas une création continue, et, avant 1815 ou après 1830, on distingue traditionnellement deux empires : l’un à l’époque moderne, s’étendant essentiellement en Amérique et en Inde ; l’autre correspondant à la période contemporaine, avec pour bases majeures l’Indochine et surtout l’Afrique. En réalité, il s’agit de deux constructions très différentes, dont la première constitua durant trois siècles un domaine mouvant d’étendue très variable, tandis que la seconde, méritant seule la dénomination d’empire, forma un ensemble étroitement soudé à la métropole, en extension constante pendant un siècle et atteignant son apogée en 1930-31. Commença alors une décolonisation dont les effets allaient se précipiter et au terme de laquelle, des deux grandes épopées d’outre-mer qui avaient établi la souveraineté de la France sur plus de 20 millions de kilomètres carrés, il ne resta que quelques territoires totalisant, sans la terre Adélie, environ 160 000 km2 : vestiges de plus de quatre siècles d’une grande histoire.


L’évolution territoriale

S’il faut trouver un ancêtre à la colonisation française des Temps modernes, on choisira François Ier. Devant les conquêtes portugaises et espagnoles, celui-ci « se sentit chatouiller le cœur d’avoir part au gâteau » (Monchrétien) et envoya Jacques Cartier* vers l’Ouest (trois voyages de 1534 à 1542) pour « descouvrir certaines ysles et pays où l’on dit qu’il se doit trouver grant quantité d’or et autres riches choses ». Jacques Cartier ne rapporta pas les richesses espérées, mais remonta le Saint-Laurent, qui allait devenir la grande voie de pénétration française en Amérique.

Cependant, après quelques années d’effacement, les projets de Coligny visent à fonder des établissements dans d’autres régions de l’Amérique : la baie de Rio de Janeiro et la Floride, où les Français ne parviennent pas à s’implanter. Ceux-ci sont plus heureux sur les côtes d’Afrique du Nord, qui voient naître les futures « concessions d’Afrique ».

N’écoutant pas Sully*, qui affirmait que les conquêtes lointaines « sont disproportionnées au naturel et à la cervelle des Français », Henri IV revient vers le Canada : Samuel de Champlain* fonde Québec (1608), jetant les bases de la Nouvelle-France.

Après une éclipse correspondant à la régence de Marie de Médicis, Richelieu* se lance dans la politique coloniale avec l’espoir de menacer les richesses de l’Espagne, de l’Angleterre, des Provinces-Unies. D’où une installation solide aux Antilles et d’autres, plus instables ou même éphémères, sur la côte barbaresque, à l’embouchure du Sénégal et de Madagascar (Fort-Dauphin).

Nouvelle éclipse après la disparition du cardinal, jusqu’au moment où Colbert*, voulant assurer à la France les produits qui lui manquaient, donnera une impulsion décisive aux entreprises lointaines. Ce sera alors : l’exploration de l’Amérique du Nord par René Robert Cavelier de La Salle (1643-1687), qui fera de la Louisiane une terre française (1682) ; la mise en valeur des Antilles par le développement de la canne à sucre ; l’implantation sur les côtes du Sénégal (surtout pour intensifier la traite) ; diverses tentatives pour fonder des établissements à Madagascar, à l’île Bourbon et en Inde. Dans cette dernière région, l’œuvre sera poursuivie après la mort de Colbert (1683) grâce à l’action de François Martin (v. 1640-1706), directeur de la Compagnie des Indes orientales, qui, en s’appuyant sur certains souverains indigènes, étendra considérablement l’influence française.

Ainsi, jusqu’à la fin du règne de Louis XIV, bien que très irrégulière, l’expansion avait été à peu près constante, mais elle aboutissait à créer un domaine colonial ayant ses assises principales en Amérique du Nord et en Inde, c’est-à-dire dans les deux parties du monde où se manifestait le plus vigoureusement l’expansion britannique. D’où, à partir de 1688 (début de la guerre de la ligue d’Augsbourg), un long conflit, véritable seconde guerre de Cent Ans (John Seeley) dans laquelle l’Angleterre jette l’essentiel de ses forces, tandis que, pour la France, menacée en Europe, les rivalités maritimes ne sont que des luttes périphériques d’importance secondaire. Aussi, en 1713, par le traité d’Utrecht, la France doit abandonner la baie d’Hudson, l’Acadie, Terre-Neuve et, aux Antilles, Saint-Christophe.

Si, dès ce moment, « le ver était dans le fruit », celui-ci, cependant, continue à se développer. La Louisiane* profite de la tentative de Law*. Des Français explorent la Prairie canadienne jusqu’aux montagnes Rocheuses (1731-1743). L’île Sainte-Lucie est acquise aux Antilles. L’implantation se renforce au Sénégal. L’île de France (île Maurice) est occupée dès 1715. Surtout dans l’Inde, avec Dupleix*, l’autorité de la Compagnie finit par s’étendre sur environ 1 300 000 km2. C’est à ce moment, vers 1754, que se situe l’apogée du premier domaine colonial français avec un territoire de plus de 10 millions de kilomètres carrés et, peut-être, 30 millions d’habitants (la France en comptait alors environ 22 millions).

Apogée de faible durée, car la guerre de Sept* Ans (1756-1763) permettait à l’Angleterre de s’emparer de presque toutes nos possessions, et, au traité de Paris (1763), la France conservait seulement quelques territoires aux Antilles (Martinique, Guadeloupe, partie de Saint-Domingue, Sainte-Lucie), la Guyane, l’îlot de Gorée au Sénégal, les îles de France et Bourbon, cinq comptoirs en Inde (Pondichéry, Chandernagor, Yanaon, Kārikāl et Mahé) : moins de 40 000 km2 et environ 400 000 habitants.

En reconstruisant une flotte et en créant un « corps royal d’infanterie et artillerie de marine » (future armée coloniale), Choiseul* prépare le redressement. Dans la seconde moitié du xviiie s., les grands voyages d’exploration dans le Pacifique ouvrent des voies nouvelles et permettent d’établir l’autorité française sur la Nouvelle-Cythère (Tahiti), où Bougainville* aborde en 1768. Par le traité de Versailles, qui met fin à la guerre d’Amérique (1783), la France obtient aux Antilles l’île de Tobago et recouvre les comptoirs du Sénégal.