Empire colonial espagnol (suite)
Le vice-roi et le gouverneur assument les fonctions d’intendant dans la ville où ils résident et contrôlent directement les autres intendants, qui sont également désignés par le souverain. Le premier intendant est nommé à Cuba en 1764, puis le régime est étendu au continent malgré l’opposition de la bureaucratie coloniale. L’intendance de Caracas est fondée en 1776 ; celles de la Nouvelle-Espagne, officiellement constituées dès 1769, ne jouent un rôle important qu’à partir de 1786 ; celle du Río de La Plata est créée en 1777, six ans avant celles du Chili. Ces intendances sont subdivisées en circonscriptions encore plus petites, les subdélégations, dont les responsables jouissent de pouvoirs semblables à ceux des anciens corregidores. Dans certains pays, les intendants restent en fonctions après l’indépendance.
Les « cabildos »
Ce sont les municipalités, ou conseils municipaux.
Pendant la période coloniale, les conseils municipaux ont une grande importance. Fondés par les conquistadores pour ainsi dire en même temps que les villes elles-mêmes, ils représentent le transfert en Amérique du régime en vigueur en Castille au Moyen Âge, auquel sont apportés quelques aménagements avec le temps. Les premiers sont créés par les conquistadores et les fonctionnaires royaux : au Guatemala (1524), à Lima (1535), à Santiago du Chili (1541) et à Santa Fe de la Vera Cruz (1573).
Les conseils municipaux, présidés par deux alcades, ou maires (l’un pour les questions civiles, l’autre pour les affaires judiciaires), peuvent être de deux types : fermé, lorsqu’ils tiennent leurs séances à huis clos en présence uniquement des conseillers et d’autres magistrats municipaux, ou bien ouvert, quand il s’agit de séances extraordinaires et publiques convoquées afin de prendre une décision sur un problème grave. Leurs fonctions sont surtout d’ordre administratif (approvisionnements, prix, poids et mesures, travaux publics, salubrité, etc.) et judiciaire (lorsqu’ils doivent prononcer un jugement en seconde instance). En cas d’absence ou de vacance du capitaine général, ce sont les alcades qui gouvernent.
Leur rôle diminue légèrement au xviiie s. avec l’apparition des intendants, qui limitent et contrôlent de près leurs agissements. Ils auront toutefois une grande importance dans le processus qui va mener à l’émancipation des pays latino-américains, puisque ce sont eux qui remplacent les autorités supérieures le cas échéant. C’est ce qui se passe pour le conseil municipal ouvert de Buenos Aires convoqué le 22 mai 1810 par le dernier vice-roi du Río de La Plata, qui le dépose le 25 au profit d’une junte révolutionnaire.
R. G.-P. et P. P.
➙ Amérique / Amérique latine / Bolívar (S.) / Charles V ou Charles Quint / Colomb (C.) / Cortés (H.) / Espagne / Las Casas (B.) / Philippines / Pizarro (F.). V. également au nom des différents pays issus de l’Empire espagnol.
R. Altamira, La huella de España en América (Madrid, 1924). / G. Hardy, Géographie et colonisation (Gallimard, 1933). / M. Ballesteros Gaibrois, La labor cultural de los misioneros españoles en América (Madrid, 1936). / H. et F. M. Gescher, l’Espagne dans le monde (Payot, 1937). / F. Cereceda, Historia del Imperio Español y de la Hispanidad (Madrid, 1940). / J. M. Ots Capdequi, El Estado español en las Indias (Mexico, 1941 ; nouv. éd., 1957). / A. Bermejo de la Rica, Los ideales del Imperio Español (Madrid, 1943). / R. D. Carbia, Historia de la leyenda negra hispanoamericana (Madrid, 1944). / D. Ramos Pérez, Historia de la colonización española de América (Madrid, 1947). / S. de Madariaga, The Rise of the Spanish American Empire (Oxford, 1947 ; trad. fr. l’Essor de l’empire espagnol d’Amérique, A. Michel, 1955) ; The Fall of the Spanish American Empire (Oxford, 1948 ; trad. fr. le Déclin de l’empire espagnol d’Amérique, A. Michel, 1958) ; Cuadro histórico de las Indias (Buenos Aires, 1955). / P. Chaunu, Histoire de l’Amérique latine (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1949 ; 5e éd., 1970) ; l’Expansion européenne du xiiie au xve s. (P. U. F., coll. « Nouvelle Clio », 1969) ; Conquête et exploitation des nouveaux mondes (P. U. F., coll. « Nouvelle Clio », 1969). / A. Sánchez, Historia general de América (Santiago du Chili, 1956 ; 2 vol.). / J. Vicens Vives, Historia social y económica de España y América (Barcelone, 1957-1959 ; 5 vol.).
L’Empire espagnol : jalons chronologiques
1479Réunion des Canaries à la Couronne (traité d’Alcáçovas).
1492Colomb à Hispaniola (Haïti).
1493-1494Les bulles Inter caetera et le traité de Tordesillas consacrent le partage des terres nouvelles entre l’Espagne et le Portugal.
1497Cession de Melilla par les Portugais.
1503Création, à Séville, de la Casa de Contrataciόn.
1508Occupation de Porto Rico.
1509-1534Installation dans les présides d’Afrique.
1511Création du Conseil des Indes. Installation à Cuba et premiers contingents de Noirs d’Afrique.
1513Découverte du Pacifique par Balboa.
1514Occupation complète de Cuba.
1521Cortés à Mexico.
Charles Quint, « roi des Indes et des terres fermes de la mer océane ».
Conquête de l’Amérique centrale.
1532Victoire de Pizarro sur les Incas du Pérou.
1535Arrivée du premier vice-roi à Mexico ; entrée des conquistadores à Cuzco.
1536Fondation de Buenos Aires.
1538Fondation de Bogotá, sous le nom de Santa Fe.
1541Fondation de Santiago du Chili.
1543Nomination du premier vice-roi du Pérou.
1545-1546Découverte des mines d’argent au Mexique et au Pérou.
1546Installation au Venezuela.
1565Les Espagnols évincent les Français de Floride.
1571Fondation de Manille.
1581Conquête du Nouveau-Mexique.
1630Début de l’effondrement de la production d’argent au Mexique et au Pérou.
1655-1670La Jamaïque passe aux Anglais.
1668Occupation des îles Mariannes.
1697Traité de Ryswick : la France s’installe à Haïti.
1719J. de Villalonga, vice-roi de la Nouvelle-Grenade, occupe son poste.
1721Première révolte créole au Paraguay.
1726Fondation de Montevideo.
1732Les Espagnols reprennent Oran, qu’ils avaient perdue en 1708.
1749Révolte des Indiens et des métis au Venezuela.
1763Déclin du trafic du « galion de Manille ».
1764Le premier intendant est nommé à Cuba.
1776Création de la vice-royauté du Río de La Plata.
1777Le traité de San Ildefonso avec le Portugal renforce l’Empire.
1778Installation en Guinée (Fernando Poo).
1795Le traité de Bâle donne toute l’île d’Haïti à la France.
1802La Trinité est donnée à l’Angleterre (traité d’Amiens).
1808L’Espagne réoccupe Saint-Domingue ; première junte autonome au Mexique.
1809L’abdication de Charles IV (1808) favorise la première vague révolutionnaire en Amérique espagnole.
1810Indépendance de l’Argentine.
1817San Martín libère le Chili. Installation de Bolívar au Venezuela.
1821San Martín proclame l’indépendance du Pérou, qui ne sera effectivement libéré qu’en 1826. Bolívar fonde la « Grande Colombie ». Indépendance du Mexique et de Saint-Domingue.
1822Le général Sucre libère l’Équateur.
1824Formation des Provinces unies d’Amérique centrale (Guatemala).
1868Révolte de C. M. de Céspedes à Cuba.
1878Cession de l’Ifni par le Maroc.
1884Début de l’occupation du Río de Oro.
1898Guerre hispano-américaine. Traité de Paris : perte des Philippines, Porto Rico et Cuba.
1903Le Panamá se sépare de la république de Colombie.
1904Zone d’influence au Maroc.
1912Protectorat sur le Rif.
1921-1926Lutte contre Abd el-Krim.
1936L’Afrique espagnole sert de base de départ à la révolution espagnole.
1940-1945Occupation de Tanger.
1956L’Espagne renonce à son protectorat sur le Maroc septentrional, mais garde cinq places de souveraineté (Ceuta, Melilla, Alhucemas, Peñón de Vélez, îles Zaffarines).
1958L’Espagne renonce à son protectorat sur le Maroc méridional.
1958-1959Le Sahara espagnol et la Guinée espagnole sont constitués en « provinces ».
1968Indépendance de la Guinée espagnole (république de la Guinée équatoriale).
1976Après l’accord de 1975 avec le Maroc et la Mauritanie, l’Espagne évacue le Sahara occidental.

