Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Empire colonial espagnol (suite)

Les Ibériques entrent en scène dès le milieu du xive s., avec la découverte et l’occupation des archipels atlantiques et l’installation en Afrique du Nord. Pour les Espagnols, cette mainmise sur le Maghreb exprime la permanence des rapports historiques hispano-maghrébins. L’Afrique fournit de l’or, du sel, du cuivre. De plus, dans l’esprit des Espagnols, l’Afrique du Nord constitue le prolongement naturel d’une Reconquista qui a libéré la Péninsule. De 1400 à 1490, la conquête espagnole outre-mer est d’environ 4 000 km2.

Mais voici qu’à partir de 1470 le projet d’atteindre l’Inde par le sud se superpose à la simple exploitation de la côte africaine, exploitation qui, d’ailleurs, a surtout été le fait des Portugais (v. Empire colonial portugais). C’est alors qu’intervient Christophe Colomb*, ce Génois qui a été « fait » au Portugal mais qui, ayant essuyé du roi portugais Jean II un refus définitif (1485), se tourne vers la Castille : elle va le prendre à son service. En 1492, Colomb découvre Hispaniola (Haïti) ; la saisie de l’île par les Espagnols se fait à vive allure (78 000 km2 en dix ans). Dès 1495, la fondation de l’Empire espagnol est commencée, l’exploration appelant la colonisation et la colonisation la conquête.

De 1493 à 1510, 30 000 km2 sont conquis ; de 1520 à 1540 : 2 millions ; il y en aura encore 500 000 de 1540 à 1600. La rivalité de la Castille et du Portugal au sujet de la possession des îles situées dans l’Atlantique entraîne l’intervention des papes. Après le retour de Colomb de son premier voyage, les Rois Catholiques font part de la découverte à Alexandre VI, qui, soulignant le caractère religieux de l’entreprise, promulgue deux bulles (les 3 mai et 28 juin 1493), intitulées Inter caetera, qui accordent à l’Espagne « les terres fermes découvertes et à découvrir vers l’occident et le midi, suivant une ligne allant du pôle arctique, qui est septentrional, au pôle antarctique, qui est au sud », c’est-à-dire les terres situées à 100 lieues à l’ouest d’une ligne qui passerait par les îles des Açores et du Cap-Vert.

Le 7 juin 1494 est signé le traité de Tordesillas, qui adopte une ligne imaginaire allant du nord au sud à 370 lieues à l’ouest des îles du Cap-Vert, indiquant que tout ce qui se trouve plus à l’ouest revient à la Couronne d’Espagne et que ce qui est à l’est est réservé aux Portugais.

Le traité de Tordesillas, s’il ouvre la voie à la pénétration espagnole en Amérique centrale et méridionale (sauf le Brésil, aux Portugais), ne résout pas le problème de l’accès aux épices et à l’or de l’Inde et de l’Insulinde, problème reposé avec acuité quand la découverte de l’océan Pacifique (1513) confirme aux Espagnols la spécificité du continent américain. L’approche de l’Inde, que convoitent encore les Espagnols, exige le franchissement d’un second océan. Le voyage de Miguel López Legazpi (1571) et l’installation des Espagnols à Manille — en violation des accords de Saragosse avec les Portugais (1529) — les font pénétrer dans le domaine portugais.

Désormais, par le « galion de Manille » (Manille-Acapulco), l’Espagne est en contact indirect avec les Indes orientales ; ce qui explique son installation aux Philippines*. L’implantation espagnole en Amérique et dans l’océan Pacifique fait du continent américain la pièce maîtresse de l’édifice colonial espagnol.

L’éclatement de cet empire américain au début du xixe s. (indépendance des États d’Amérique méridionale et centrale) et à la fin de ce siècle (perte de Cuba, de Porto Rico et des Philippines à la suite de la guerre hispano-américaine, 1898) ne laisse pratiquement à l’Espagne que ses possessions et ses zones d’influence les plus anciennes : celles de l’Afrique du Nord.

L’Espagne en Afrique

L’expansion castillane dans l’Atlantique commence par la conquête des Canaries, réalisée en 1402 par le Français Jean de Béthencourt (v. 1360-1425), alors au service d’Henri III d’Espagne. Mais elle se développe considérablement à la fin du xve et au cours du xvie s., lors de l’occupation de Melilla (1497), Peñόn de Vélez de la Gomera (1508) et Ceuta (1640). En outre, l’Espagne possède pendant quelque temps Mers el-Kébir (de 1505 à 1792), Bougie et Tripoli (en 1510). Oran, conquise par une expédition espagnole financée par le cardinal Cisneros (17 mai 1509), doit résister à plusieurs reprises aux assauts des troupes du dey d’Alger, qui s’en empare finalement le 20 janvier 1708. Les Espagnols reprennent la ville au mois de juillet 1732 et y restent jusqu’en 1792, date à laquelle ils la restituent au dey d’Alger. Mais ce ne sont là que des faits isolés, tout comme l’occupation de Santa Cruz de Mar Pequeña (1478). En 1778, l’Espagne acquiert les îles portugaises de Fernando Poo et Annobόn. Ces territoires sont des présides administrés par des gouverneurs relevant directement de la métropole.

Ce n’est qu’à partir de la fin du xixe s. que l’on peut parler d’une véritable politique coloniale en Afrique. C’est alors que l’Espagne obtient la cession du territoire d’Ifni (anc. Santa Cruz de Mar Pequeña), qu’elle occupe à partir de 1878 et dont la possession lui sera reconnue en 1902 par le traité franco-espagnol. En 1884-1886, elle occupe le Río de Oro. En 1859, Fernando Poo et Annobόn obtiennent le statut de colonie. L’élément le plus important de cette expansion en Afrique est le protectorat situé au nord du Maroc, le Rif, institué en 1902 et divisé entre la France et l’Espagne (traité secret du 3 oct. 1904 et convention de Madrid du 27 nov. 1912).

Ce protectorat disparaît à la suite de la signature des traités de 1956 et de 1957, après l’indépendance du Maroc. L’Espagne ne conserve que Ceuta, Melilla, les îles Zaffarines et les îlots de Vélez de la Gomera et d’Alhucemas. En 1958, l’Espagne perd la zone septentrionale du Río de Oro, au profit du Maroc, le reste constituant la « province » du Sahara espagnol.

Les possessions du golfe de Guinée, qui, en 1959, avaient été constituées en provinces, puis étaient devenues autonomes le 1er janvier 1964, accèdent à l’indépendance en 1968 et forment la république de la Guinée équatoriale.