Empire (style du second) (suite)
Une autre évolution se dessine : c’est l’intervention de la machine dans la fabrication du meuble. Les premiers équipements mécaniques des ateliers peuvent être datés de 1855. Les manufacturiers français avaient découvert les machines à bois à l’Exposition de Londres en 1851 ; ils suivirent l’exemple britannique : « Les Anglais nous mènent vers l’utile », note Michel Chevalier dans son rapport. Mais il eût fallu concevoir un style qui tînt compte de l’implacable impersonnalité de l’exécution mécanique. En fait, l’industrie reproduisit à la machine des ouvrages qui n’ont de prix que par le travail manuel.
Artistes et critiques déploraient l’inexistence d’un style « moderne ». On essaya de le susciter. En 1863, sous la présidence de l’architecte Guichard, se constituait à Paris la société qui, devenue l’Union centrale des arts décoratifs, allait créer un enseignement du dessin, fonder un musée, multiplier les expositions. En 1869, elle ouvrait un congrès international que présida le peintre Jacques Louvrier de Lajolais (1829-1908), à qui sera confié, en 1877, le directorat de la nouvelle École nationale des arts décoratifs. La première manifestation de l’Union, en 1863, n’en avait pas moins déçu. « L’art, écrivait Guichard, est trop souvent dirigé par la mode aveugle, par l’amour du faux luxe et, d’un autre côté, par la nécessité de vendre, qui entraîne et violente le fabricant. » Dans les revues d’art qui se créent — autre novation —, la critique exhorte les artistes à rejeter le pastiche. L’un des animateurs du mouvement « moderne », le maître ébéniste Henri Fourdinois (né en 1830 et actif jusqu’en 1887), va jusqu’à frapper d’interdit, dans les expositions, toute inspiration venue de l’« ancien ». Il rejoint ainsi les esthéticiens anglais, John Ruskin, Walter Crane, William Morris. Mais Fourdinois lui-même ne peut s’affranchir des obsessions du passé : ses meubles, d’une parfaite exécution, relèvent du même esprit dont sont animés les devanciers, les Chenavard et les Denière. L’écroulement du régime impérial allait délivrer la production officielle d’une exemplarité qui se répercutait sur l’ameublement courant. C’est au lendemain de sa chute qu’on verra, dans les arts qui ne relèvent pas par nature du sentiment personnel, se manifester les recherches d’un style aux intentions rationalistes.
G. J.
➙ Décoratifs modernes (arts) / Éclectisme / Réalisme.
H. Clouzot, Des Tuileries à Saint-Cloud, l’art décoratif du second Empire (Payot, 1925) ; le Style Louis-Philippe - Napoléon III (Larousse, 1939). / C. Kunstler, l’Art au xixe siècle, époques Restauration, Romantique, Napoléon III, 1815-1870 (Le Prat, 1954). / P. Jullian, le Style second Empire (Baschet, 1976).