Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Allemagne (suite)

Mise en cause des anciennes valeurs, réalisme sans détour et sans compromis définissaient l’attitude des prosateurs du « Groupe 47 » durant ses premières années. Beaucoup ont collaboré aux journaux, à la radio, et défendu l’originalité de leur situation d’intellectuels dans une société industrielle qui retrouvait sa prospérité. Mais une autre tendance s’est rapidement développée parmi eux, surtout à partir de 1952 autour de Paul Celan, vers la recherche d’un style poétique plus personnel, renouant avec des auteurs plus âgés mais découverts après 1945, comme Hermann Broch*.

L’Allemagne divisée depuis 1945 n’est pas seulement un fait politique ; les lettres allemandes en ont exprimé progressivement les conséquences.

Au retour de l’émigration, plusieurs écrivains « engagés » se sont établis à Berlin-Est : Bertolt Brecht, Anna Seghers, Arnold Zweig, Friedrich Wolf. Anna Seghers (née en 1900) trouve la matière de ses romans dans l’histoire contemporaine ; elle a retracé le destin d’un détenu politique évadé d’un camp de concentration durant la période hitlérienne dans la Septième Croix. Pendant plus de vingt ans, Arnold Zweig (1887-1968) a poursuivi la composition d’une vaste fresque sur l’Allemagne durant la première moitié de notre siècle, sous le titre la Grande Guerre des hommes blancs. Des auteurs plus jeunes se sont essayés, dans le cadre du « réalisme socialiste », à une typologie de la société de l’Allemagne de l’Est. La vie déchirée dans un pays divisé apparaît dans les ouvrages de Christa Wolf (le Ciel partagé).

En Allemagne de l’Ouest, après les récits de guerre, les romans se sont multipliés, avec des intentions très diverses sur des sujets souvent tirés de l’histoire contemporaine. Le succès durable de Heinrich Böll*, qui, parmi les auteurs de la génération « moyenne » (il est né en 1917), a été le plus traduit hors d’Allemagne et consacré en 1972 par le prix Nobel, tient à une écriture sans prétention, à un sens réaliste qui n’exclut pas le goût des symboles. La guerre et les vingt ans d’après guerre, en particulier dans les pays du Rhin, revivent à travers ses personnages.

Venu de la Vistule et de Dantzig, Günter Grass* (né en 1927) montre une imagination vigoureuse, rabelaisienne, dans le récit fantastique, lancinant et massif qu’il a intitulé le Tambour (1959).

Le plus jeune des écrivains allemands « reconnus », Uwe Johnson* (né en 1934), a évoqué le premier, s’aidant de souvenirs personnels, le destin « double » de ceux qui ont vécu ou tenté de vivre dans l’une et l’autre Allemagne successivement. En même temps, il affichait un mépris savant des formes traditionnelles, usant et abusant du monologue intérieur, des procédés scéniques du cinéma, des ruptures de rythme et de langage.

Vingt-cinq ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans une Europe qui cherche les voies difficiles de son unité, la littérature allemande a retrouvé sa place. En Europe occidentale, l’Allemagne est le pays où l’on traduit le plus d’œuvres littéraires et théâtrales étrangères. Cette ouverture d’esprit favorise l’accueil des essais, des expériences de style et de mise en scène. Mais la nuance propre aux œuvres de langue allemande reste celle de l’inquiétude, d’une interrogation passionnée sur un avenir que le passé aide mal à éclairer.

P. G.

 F. Vogt et M. Koch. Geschichte der deutschen Literatur (Leipzig, 1897 ; 5e éd., 1934 ; 2 vol.). / R. M. Meyer, Geschichte der deutschen Literatur (Berlin, 1912-1916 ; 2 vol.). / J. Nadler, Literaturgeschichte der deutschen Stämme und Landschaften (Ratisbonne, 1912-1928 ; 4e éd., 1934-1938 ; 4 vol.). / G. Ehrismann, Geschichte der deutschen Literatur bis zum Ausgang des Mittelalters (Munich, 1918-1933 ; 4 vol.). / O. Walzel (sous la dir. de), Handbuch der Literaturwissenschaft (Darmstadt, 1923). / W. Scherer et O. Walzel, Geschichte der deutschen Literatur (avec une bibliographie de J. Körner) [Berlin, 4e éd., 1928]. / A. Eloesser, Die deutsche Literatur vom Barock bis zur Gegenwart (Berlin, 1930-1931 ; 2 vol.). / G. Bianquis, Histoire de la littérature allemande (A. Colin, 1936 ; 6e éd., 1969). / J. F. Angelloz, la Littérature allemande (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1944 ; 9e éd., 1971). / H. de Boor et R. Newald, Geschichte der deutschen Literatur von den Anfängen bit zur Gegenwart (Munich, 1949). / G. Lukacs, Brève Histoire de la littérature allemande (trad. de l’all., Nagel, 1949). / F. Martini, Deutsche Literaturgeschichte (Stuttgart, 1949 ; 10e éd., 1960). / H. O. Burger, Annalen der deutschen Literatur (Stuttgart, 1952). / F. Mossé, G. Zink, M. Gravier, P. Grappin, H. Plard et I. David, Histoire de la littérature allemande (Aubier, 1960). / A. Soergel et C. Hohoff, Dichtung und Dichter der Zeit (Düsseldorf, 1961 ; 2 vol.). / J.-B. Neveux, Anthologie de la pensée germanique, 1850-1914 (Didier, 1972).


L’école musicale allemande

Il règne parfois une certaine confusion entre musique proprement allemande et musique autrichienne — confusion rendue inévitable et singulièrement renforcée par des cas aussi extrêmes que ceux de Beethoven ou de Brahms, Allemands à carrières viennoises, et ceux de Mozart ou de Schönberg, Autrichiens de rayonnement européen.


Des origines à la fin du Moyen Âge

Historiquement, c’est la période « impériale », celle dont la société mouvante et parfois chaotique se développe de l’époque carolingienne jusqu’à Luther. Les premiers produits musicaux (ixe à xie s.) proviennent des chanteurs populaires ou jongleurs (« Heldenlieder », chants chrétiens, chant saxons, chants saliens, chansons précourtoises).

Aux xiie et xiiie s., c’est l’époque florissante des Minnesänger qui, pendant la période des Hohenstaufen, suscitent un art à la fois lyrique et savant. L’auteur est généralement poète et compositeur. C’est un chevalier qui chante sa soumission à la femme aimée. À côté de Wolfram von Eschenbach ou de l’empereur Henri VI lui-même, la personnalité la plus représentative est Walther von der Vogelweide, dont l’inspiration souple et naturelle combat les excès du maniérisme et de la soumission à la « Dame ».