Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Emerson (Ralph Waldo) (suite)

Dès 1836, dans Nature, Emerson pose les principes du transcendantalisme, qu’il reprend dans deux conférences qui scandalisent les professeurs d’Harvard (The American Scholar [l’Intellectuel américain], 1837 ; Divinity School Address [Discours devant la faculté de théologie], 1838). Il invite pasteurs et professeurs à abandonner la tradition et à recycler leur théologie. Pour lui, l’homme et la nature forment un seul être mystique, que l’intuition révèle mieux que les textes. Ignorant les voix de la tradition, il faut percevoir le message de la « sur-âme » (Over-Soul), qui s’adresse à l’intuition individuelle par une démarche poétique. Le mot transcendantal n’a pas ici son sens kantien, ni même habituel. Il s’agit d’une immanence du divin qui nous prend dans sa connivence poétique et mystique.

Autour d’Emerson se rassemblent les transcendantalistes, mi-utopistes, mi-mystiques : Amos Bronson Alcott (1799-1888), Nathaniel Hawthorne*, Henry Thoreau*, Elizabeth Peabody (1804-1894), Margaret Fuller (1810-1850), George William Curtis (1824-1892), George Ripley (1802-1880), fondateur de la communauté de Brook Farm. Ils éditent un journal (The Dial [le Cadran], 1840-1844).

« Le transcendantalisme est le parti du futur », déclare Emerson. Et c’est la révolution qu’il prêche dans ses écrits (Essays, 1841 et 1844 ; Representative Men [Hommes représentatifs de l’humanité], 1850 ; English Traits [Traits du caractère anglais], 1856 ; The Conduct of Life [la Conduite de la vie], 1860 ; Society and Solitude [Société et solitude], 1870 ; Poems, 1847 et 1867) et surtout dans les textes des Journals of R. W. Emerson (1909-1914 ; 10 vol.). Pour lui, « l’humanité est divisée en deux sectes : les idéalistes et les matérialistes ». Les matérialistes sont prisonniers du déterminisme et du passé. Les idéalistes croient en l’esprit et veulent changer le monde. Pour libérer l’homme du déterminisme et « créer une relation nouvelle, originale avec l’univers », il faut abattre les institutions et démocratiser la religion.

Contre la tradition, Emerson propose une philosophie poétique de l’intuition idéaliste. Dans son Journal, un plan de ses Essays résume sa pensée : « Il y a une âme. Elle est liée au monde. L’art est son action sur le monde. La science en trouve la méthode. La littérature en dresse le bilan. La religion est le respect qu’elle inspire. La morale est la manifestation de l’âme dans la vie. La société est la découverte de l’âme par chacun en autrui. Le travail est la découverte de l’âme dans la nature. La politique est la manifestation de l’âme dans le pouvoir. Les mœurs sont l’expression silencieuse et médiatrice de l’âme. »

Cette volonté de briser le déterminisme est typiquement romantique et américaine. Radicale et optimiste, elle affirme le pouvoir, le droit et le devoir de l’esprit humain à changer les choses ; elle affirme que ce changement est bon. Emerson exprime la conviction que l’Amérique est le pays du futur, appelé à rompre perpétuellement avec le passé parce que toute rupture est quête d’idéal. L’Amérique finit par récupérer ce contestataire qui exprimait si bien le dynamisme américain, en en faisant, après sa mort, « le sage de Concord ».

J. C.

 H. D. Gray, Emerson (Stanford, Calif., 1917). / B. Perry, Emerson To-Day (Princeton, 1931). / R. L. Rusk, The Life of Ralph Waldo Emerson (New York, 1949 ; nouv. éd., 1964). / V. C. Hopkins, Spires of Form : A Study of Emerson’s Aesthetic Theory (Cambridge, Mass., 1951). / S. Paul, Emerson’s Angle of Vision (Cambridge, Mass., 1952). / F. Carpenter, Emerson Handbook (New York, 1953). / M. Gonnaud, Individu et société dans l’œuvre de Ralph Waldo Emerson (Didier, 1964).

Émilie-Romagne

En ital. Emilia-Romagna, région d’Italie au sud du Pô, sur l’Adriatique ; 22 126 km2 ; 3 936 000 hab.


Entre le Pô et l’Apennin, la région Émilie-Romagne dessine un triangle allongé débouchant sur l’Adriatique. Elle est limitée au nord par la Lombardie et la Vénétie, à l’ouest, sur une brève distance, par le Piémont et la Ligurie, au sud par la Toscane et les Marches. Elle a une très forte personnalité. Hétérogène par ses conditions naturelles, écartelée historiquement par l’opposition entre une Émilie des Duchés (actuelles provinces de Plaisance, de Parme, de Reggio, de Modène et de Bologne) et les anciennes terres pontificales de la Romagne (provinces de Forli et de Ravenne) et de Ferrare, elle a cependant une profonde unité. Celle-ci s’explique par la vive conscience régionale de ses habitants, le rôle géographique important de la via Emilia, qui la traverse d’ouest en est, et par les caractères d’une économie équilibrée et prospère, s’appuyant sur un dense réseau urbain.

Sur le plan physique, l’Émilie peut être définie comme une région de plaine avec un climat de type continental aux hivers froids et rudes, et aux étés chauds, mais secs. Mais cela doit être immédiatement nuancé, car la plaine n’occupe que 48 p. 100 de la superficie. Le quart du territoire est occupé par la montagne. Il y a ici la terminaison de l’Apennin ligure au col de la Cisa (1 041 m) et le début de l’Apennin tosco-émilien (monte Cimone 2 163 m), avec ses formes bosselées et dénudées, ses formations argileuses intensément érodées d’où surgissent des masses calcaires isolées. En avant de ces montagnes, un ensemble de collines, sur lequel s’appuient de grands glacis descendant vers la plaine, occupe un autre quart de la superficie. Il est traversé par de nombreuses rivières parallèles entre elles, au régime torrentiel, venant se jeter dans le Pô (Trébie, Parme...) ou directement dans l’Adriatique (Reno, Rubicon...). La plaine, formée de fines alluvions, s’incline doucement vers la mer, où elle se termine par une côte basse et sableuse. Le secteur nord-est de cette plaine, près du delta du Pô, est une vaste dépression où terre ferme et lagunes alternent (Valli di Comacchio), et où l’on mène des travaux de bonification.