Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

électro-encéphalographie

Enregistrement graphique des potentiels électriques produits par le cerveau.


C’est en 1875 qu’un physiologiste anglais, Richard Caton (1842-1926), démontra l’existence d’une activité électrique cérébrale. Mais il fallut attendre cinquante ans pour que Hans Berger (1873-1941) obtienne des variations permanentes de potentiel avec des électrodes appliquées sur le cuir chevelu.


Matériel d’enregistrement

L’enregistrement de l’activité cérébrale se fait à travers la voûte crânienne et le cuir chevelu au moyen d’électrodes entourées d’un coton imbibé d’une solution saline et directement appliquées sur la peau. La première difficulté provient de l’extrême faiblesse des tensions électriques à enregistrer. Les appareils utilisés doivent être capables de déceler des variations de potentiel d’une amplitude aussi réduite que 5 à 10 μV (le microvolt est le millionième du volt). La seconde difficulté tient au fait que la bande des fréquences des ondes cérébrales occupe la partie basse du spectre. La troisième difficulté est d’obtenir un isolement complet et permanent : on doit enregistrer des différences de potentiel existant entre deux points du scalp, cela en restant insensible aux variations de potentiel concomitantes de ces deux points par rapport à la terre. C’est ce qui est réalisé dans l’amplification différentielle. La plupart des appareils actuels utilisent le principe du galvanomètre enregistreur à faible inertie qui anime un stylo à encre inscrivant le tracé sur un papier se déroulant à vitesse constante. La différence de potentiel, sans cesse oscillante, est captée par les électrodes, qui sont reliées à l’entrée d’amplificateurs électroniques équilibrés (type push-pull). On obtient à la sortie de ces amplificateurs des variations de courant de l’ordre de plusieurs dizaines de milliampères. Ces courants passent dans la bobine d’un galvanomètre enregistreur dont l’équipage mobile porte le stylet inscripteur. En pratique courante, il est utile de voir s’enregistrer simultanément plusieurs points du cortex, aussi associe-t-on un amplificateur à chaque groupe de deux électrodes. Chaque ensemble amplificateur est appelé voie. Pour 16 électrodes, on aura donc 8 voies ou 8 dérivations. Les électrodes sont disposées sur le cuir chevelu en des points équidistants et déterminés avec précision grâce à des repères standards. Leur répartition permet l’enregistrement de l’activité des lobes des deux hémisphères. Les montages les plus couramment utilisés sont dits « bipolaires ». C’est-à-dire que l’on étudie la différence de potentiel entre deux électrodes jumelées du scalp. Les montages peuvent être transversaux et longitudinaux. Il est parfois intéressant d’étudier l’activité propre à chaque électrode : on utilise alors un montage dit « monopolaire » par rapport à une électrode « inactive ». Pour enregistrer les courants issus de la base du cerveau, on utilise des électrodes introduites dans le pharynx ou les fosses nasales. Dans certains cas très particuliers, les électrodes sont placées directement à la surface du cortex cérébral à travers un orifice de trépanation du crâne (électrocorticographie). Un certain nombre de conditions sont requises du sujet : repos sensoriel, repos mental, relâchement musculaire complet (les mouvements des globes oculaires, par exemple, peuvent interférer et modifier le tracé).


Le tracé électro-encéphalographique normal

Chez un adulte au repos complet, l’électro-encéphalogramme (E. E. G.) pris en dérivation bipolaire fronto-occipitale montre deux ordres d’ondes : les ondes α et les ondes β. La fréquence des ondes α varie entre 7 et 13 Hz (Hertz) ; leur amplitude varie entre 5 et 50 μV, mais les modifications individuelles de l’amplitude sont considérables. Ces modifications sont parfois marquées par une modulation périodique responsable de fuseaux de 0,5 à 3 s. On peut provoquer la disparition des ondes α par des réactions d’arrêt : activité sensorielle, mentale, ouverture des yeux. Ces ondes α sont diffusées à l’ensemble du cortex, mais avec cependant une nette prédominance pour la région occipitale. La fréquence des ondes β est plus grande, allant de 17 à 30-50 Hz, voire plus. Leur amplitude est plus faible que le rythme α. L’irrégularité des ondes β, tant dans leur fréquence que dans leur amplitude et leur continuité, s’oppose à la régularité des ondes α. Les ondes δ appartiennent surtout à l’E. E. G. pathologique, mais elles s’observent à l’état normal au cours du sommeil. Leur fréquence est de 3 à 4 Hz, et leur amplitude est supérieure à celle des ondes α.

On a décrit enfin des ondes θ, intermédiaires entre le rythme α et le rythme β, soit 4 à 7 Hz.

L’aspect des tracés se modifie au fur et à mesure de la maturation. Les enfants possèdent des rythmes lents et amples qui évoluent stade après stade jusqu’au rythme de l’adulte. Cette évolution peut se poursuivre jusqu’à l’âge de 19-20 ans. À l’âge adulte, le tracé de base est assez stable, et la vieillesse ne paraît pas le modifier. La stabilité des E. E. G. chez un même individu permet de considérer les ondes cérébrales comme une véritable constante individuelle. Cette notion est corroborée par l’enregistrement de jumeaux univitellins, dont les E. E. G. sont similaires.


Applications pratiques

Les modifications de l’E. E. G. sous l’influence de facteurs psychiques, physiques, chimiques, pharmacodynamiques sont d’une grande importance pour caractériser un type d’E. E. G. Les principales concernent les modifications de l’activité électrique du cerveau dans l’activité psychosensorielle, l’effort mental et l’émotion. Les changements du milieu physique, tels que l’altitude et les basses pressions atmosphériques, et du milieu chimique, par exemple l’hypoglycémie, l’hypercapnie, l’hypoxémie (v. anoxie), altèrent les tracés. Du point de vue pratique, on utilise très souvent les variations électro-encéphalographiques consécutives à l’alcalose (v. acido-basique [équilibre]), qui peut être obtenue par l’épreuve d’hyperpnée. Les variations sous les influences pharmacodynamiques les plus diverses ont permis chez l’animal des expérimentations fécondes. Non seulement on peut étudier l’action de certains médicaments sur les ondes cérébrales, mais on peut aussi éprouver la stabilité d’un tracé en l’ « activant » par l’administration de substances susceptibles de faire apparaître sur le tracé des anomalies qui seraient restées latentes en l’absence d’épreuves d’activation.