Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

élection (suite)

En tout état de cause, la désignation des candidats par les instances supérieures des partis — ou par les sections de base de ceux-ci — conduit le plus souvent à préférer un militant, qu’on récompense ainsi des années qu’il a consacrées au mouvement, à une individualité douée de personnalité dont on peut craindre certaines indisciplines ; on aboutit ainsi à une certaine sclérose (et notamment à un vieillissement) des gouvernants. La limitation du choix que le procédé implique présente un inconvénient indéniable lorsqu’il s’agit de l’élection d’une assemblée législative ou de représentants d’une assemblée consultative : mais les inconvénients paraissent accrus lorsqu’il s’agit d’élire un dirigeant responsable de la politique ; ils réduisent alors les avantages qu’on prête souvent à l’élection directe du chef de l’État. La limitation apportée au choix de l’électeur par la présélection de candidats risque de détourner celui-ci du parti avec lequel il se sent certaines affinités lorsque, parmi les candidats qui se présentent à son suffrage, apparaît une personnalité de ce parti qui ne le frappe ni par son caractère ni par son prestige.


Les modalités pratiques du vote

À Sparte, l’élection s’effectuait par acclamations. Les scrutateurs étaient enfermés dans un local d’où ils ne pouvaient pas voir les candidats, dont l’ordre de présentation au public était réglé par tirage au sort. Était proclamé élu celui des candidats dont les partisans avaient fait le plus de bruit.

L’élection par acclamations a subsisté dans certaines associations ou sociétés anonymes pour des personnalités, mais il serait toujours possible à une minorité agissante de refuser un tel procédé et d’exiger un vote suivant une des procédures rationnelles connues permettant de décompter les partisans et les adversaires : mains levées, assis et debout, sortis et restants, sortants à gauche et sortants à droite, appel nominal avec énoncé du vote, bulletins écrits, machines à voter.

Les bulletins sont généralement imprimés d’avance aux noms du ou des candidats ; dans les pays où le nombre des analphabètes est important, les bulletins portent un symbole dessiné permettant de différencier les candidats ou les partis ou bien sont de couleurs différentes (ce dernier procédé est notamment utilisé pour des référendums ou des plébiscites, le parti au pouvoir se réservant la couleur considérée comme faste dans le pays et assignant aux adversaires la couleur considérée comme néfaste). Il est souvent possible pour l’électeur d’écrire lui-même le nom du candidat choisi ; quel que soit le procédé adopté, le bulletin ne peut — dans l’hypothèse la plus générale où le scrutin est secret — porter de signe ou d’indication qui permettrait à un tiers d’identifier son utilisateur.

La machine à voter est de plus en plus souvent employée aux États-Unis, où un même électeur doit émettre simultanément un grand nombre de votes : président, assemblée d’État, assemblée locale, diverses magistratures et fonctions publiques d’État et locales. Elle présente l’avantage de faciliter le dépouillement, puisqu’elle comporte un compteur pour chaque poste à pourvoir. En général, en l’absence de machine, tout scrutin secret doit être dépouillé par des scrutateurs bénévoles sous le contrôle des représentants de chaque candidat ou de chaque liste de candidats.

En France, les scrutins politiques ont toujours lieu un dimanche. Dans d’autres pays, ils ont lieu un jour de semaine, les salariés étant alors généralement autorisés à arriver plus tard au travail ou à en sortir plus tôt que de coutume. Des sections de vote sont organisées dans les immeubles publics (mairie, écoles) ou même, dans certains pays, dans des immeubles privés.


Le contentieux électoral

La régularité d’une élection est fréquemment discutée par le candidat (ou la liste de candidats) évincé par le suffrage populaire. Un contentieux doit donc être prévu.

Les tribunaux — notamment les tribunaux administratifs dans les pays où les juridictions administratives sont distinctes des juridictions de droit commun — sont-ils compétents pour assumer la charge du contentieux électoral ? Certains pays l’admettent (notamment la Grande-Bretagne — depuis 1879 — et le Japon). En France, c’est le cas pour celles des élections qu’on a longtemps considérées comme plus administratives que politiques : élections au conseil municipal ou au conseil général, notamment. Toutefois, depuis la Constituante, la tradition était de confier le contentieux des élections parlementaires au Parlement lui-même.

L’adoption de ce procédé, assez choquant, reposait sur une confusion. En effet, sous l’Ancien Régime, les états généraux vérifiaient eux-mêmes les pouvoirs de leurs membres : il s’agissait d’une assemblée de mandataires, et il était normal qu’il en soit ainsi. Cependant, il faut noter que le roi s’attribuait un certain rôle dans la vérification des pouvoirs des mandataires des trois ordres lorsque les deux tiers des membres des trois ordres contestaient une décision prise par les états. En 1789, le tiers état ayant refusé cet arbitrage royal, les assemblées révolutionnaires — et à leur suite toutes les assemblées parlementaires jusqu’en 1958 — restèrent juges de la validité de l’élection de leurs membres, alors qu’il ne s’agissait plus du tout de savoir si un élu était bien le mandataire de sa circonscription, mais de vérifier si l’élection avait lieu conformément aux dispositions légales. Les assemblées parlementaires disposaient ainsi d’un véritable pouvoir juridictionnel à propos duquel une discussion avait été ouverte : certains publicistes considéraient que, lors de la vérification des pouvoirs d’un de ses membres, l’assemblée devait seulement veiller à la stricte application de la loi (un inéligible, ainsi, devait nécessairement être invalidé), alors que d’autres estimaient que ses pouvoirs n’étaient limités en rien et qu’ainsi elle pouvait, pour des raisons politiques, « au nom du pays dont elle est l’organe » (Clemenceau), relever un candidat de tout vice qui entachait l’élection — conception dangereuse car passible d’abus.