Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

élasticité (suite)

L’étude de la photo-élasticité et la méthode expérimentale de mesure des contraintes qui en découle, ou photo-élasticimétrie, sont, à ce titre, particulièrement utiles à l’ingénieur. La photo-élasticimétrie ne s’applique d’une manière courante qu’à des pièces planes, limitées par des plans parallèles et soumises à des efforts s’exerçant dans leur plan de symétrie. C’est une méthode optique de détermination des contraintes élastiques aux différents points d’un ouvrage chargé. On procède à l’examen d’un modèle réduit en matière transparente et isotrope à l’aide de lumière polarisée ; on peut d’ailleurs simplifier le modèle en adaptant des sections rectangulaires de même surface, de même moment d’inertie et de même situation de fibre neutre que le modèle homothétique réduit dans le rapport voulu.

En élasticité plane, la répartition des contraintes associées aux diverses directions d’éléments de surface se fait suivant les diamètres de l’ellipse de Lamé. Si ν1 et ν2 sont les contraintes principales, dirigées suivant les axes, l’ellipse a pour équation

Les contraintes et les directions d’éléments associés sont conjuguées par rapport à la conique indicatrice

ν1 et ν2 étant comptés comme positifs en tension et négatifs en compression.

Si l’on connaît ν1 et ν2, on connaît l’ellipse et la conique indicatrice (ellipse ou hyperbole) ; donc, toutes les contraintes sont connues autour du point, et, par suite, l’état élastique du solide est déterminé.

Dans les études modernes, au lieu de faire appel à l’ellipse de Lamé, on se sert du cercle de Mohr. Sur l’axe Oν, on porte OA = ν1 et OB = ν2. Le segment OM représente une contrainte relative à un certain élément de trace OS ; P étant le pied de la perpendiculaire abaissée de M sur OB, le vecteur OP représente la tension normale, et le vecteur PM l’effort tranchant ; l’angle MAB = θ est l’angle que fait la normale à l’élément avec la plus grande tension principale ; par suite, la direction ON, qui fait avec l’axe Oν l’angle θ, représente la normale à l’élément auquel la contrainte OM est appliquée ; on obtient la trace OS de cet élément en élevant en O la perpendiculaire à ON.

L’effort tranchant τ a pour valeur

et l’effort normal ν est égal à

Une contrainte quelconque est ainsi déterminée en fonction des contraintes principales et de l’angle θ, que l’on peut faire varier entre 0 et 2 π.


Fondement de la photo-élasticité

Dans ce domaine, si l’on considère un ouvrage plan soumis à des efforts dans son plan, la valeur des contraintes en chaque point est indépendante de la matière, c’est-à-dire de son module d’élasticité, à la seule condition, en général toujours réalisée, que les forces extérieures appliquées soient elles-mêmes indépendantes de ce module (théorème de Maurice Lévy). En réduisant l’ouvrage dans le rapport linéaire les contraintes sont exactement celles de l’ouvrage réel, si les forces appliquées sont elles-mêmes réduites dans le rapport

La méthode photo-élastique consiste à déterminer les lignes isostatiques, c’est-à-dire le double réseau des trajectoires, à la fois tangentes et orthogonales, en chaque point, aux directions principales, c’est-à-dire aux axes des ellipses de Lamé. On détermine d’autre part les différences de contraintes principales (ν1 – ν2) en chaque point, ainsi que ν1 et ν2 à partir de ν1 – ν2 par une intégration graphique de proche en proche.

L’étude se complète par la détermination des directions de cisaillement maximal (lignes inclinées à 45° sur les directions principales et aussi lignes de tension maximales).


Principe de la méthode photo-élasticimétrique

Un rayon lumineux traversant un Polaroïd donne un rayon émergent vibrant dans un plan ; s’il est dirigé sur un second Polaroïd coaxial de plan polarisateur croisé à angle droit, le rayon s’éteint dans le cas de lumière monochromatique. Mais si, entre les deux Polaroïds, on oblige le rayon à traverser une lame parallèle à ceux-ci, le rayon, à sa deuxième émergence, c’est-à-dire à la sortie du Polaroïd analyseur, ne sera éteint que si la lame interposée n’est le siège d’aucun effort appliqué. En effet, si la lame est, par exemple, soumise à une traction, son isotropie cesse et la lumière polarisée par le premier Polaroïd sort de la lame polarisée en subissant une double polarisation, suivant les axes de l’ellipse de Lamé de la plaque tendue (donc dans deux plans orthogonaux). En traversant le second Polaroïd, la lumière vibre hors du plan de polarisation de ce Polaroïd ; d’où rétablissement de la lumière à l’émergence du système (sauf dans les cas singuliers où ν1 = ν2 et où ν1 = ν2 = 0).

Si l’on fait tourner le système des deux Polaroïds autour de leur axe commun et si, au lieu d’un rayon lumineux, on utilise un faisceau de lumière parallèle, on voit apparaître sur un écran à la sortie, pour chaque station, une ligne noire, appelée isocline, qui est le lieu des points où les directions principales sont parallèles aux axes de polarisation des niçois croisés à angle droit. En traçant les isoclines pour un certain nombre de stations entre 0 et π/2 comme champ de rotation, on obtient le réseau des isoclines à partir desquelles on peut tracer les isostatiques. On a donc les directions principales en chaque point du modèle, que l’on a pris soin de « charger » au préalable.

On détermine ensuite en chaque point la différence ν1 – ν2 au moyen des lignes isochromatiques, qui sont des lignes d’égale coloration, étant d’égales différences des contraintes principales. Au lieu d’opérer en lumière blanche, on opère en lumière monochromatique. En faisant croître dans un même rapport toutes les forces extérieures appliquées, on voit se déplacer des lignes isochromes en lumière blanche et des lignes noires en lumière monochromatique. Pour effacer les isoclines gênantes, la lumière monochromatique est polarisée circulairement au moyen de lames « quart d’onde ». Il suffit de connaître ν1 – ν2 en un point pour l’avoir sur toute la ligne isochromatique. Pour mesurer cette différence en un point déterminé, on peut se servir du compensateur Babinet-Jamin, que l’on étalonne en valeurs de ν1 – ν2. La dernière phase consiste à calculer ν1 et ν2 à partir de ν1 – ν2. On peut utiliser un procédé goniométrique (Tardy) ou réaliser une intégration graphique de proche en proche. En coordonnées intrinsèques, ν1 et ν2 satisfont les équations différentielles suivantes :

ds1 étant un élément d’arc isostatique, ρ1 et ρ2 les rayons de courbure des arcs Γ1 et Γ2 des lignes isostatiques orthogonales en A. Du système d’équations (VII) on tire :

En définitive, on peut donc connaître en chaque point la direction et la valeur des axes des ellipses de Lamé et, par suite, toutes les contraintes du solide.

M. D.

➙ Résistance des matériaux.