Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Élam (suite)

Installé sur des buttes qui dominent d’une faible hauteur la plaine, le tell de Suse, malgré les bouleversements consécutifs à une très longue exploration archéologique, offre une masse imposante qui se divise en quatre collines distinctes : au sud-ouest, le tell de l’Acropole, noyau de l’agglomération, qui contenait les temples principaux de la ville, en particulier un temple sur haute terrasse qui donna dès l’origine sa physionomie particulière à la cité (fouilles Stève) ; au nord-ouest, l’Apadana, où s’élevait le grand palais édifié par Darios Ier et qui a fourni de nombreux et imposants restes architecturaux de la période achéménide ; au centre, le tell dit « de la ville royale », où un quartier urbain fut systématiquement dégagé sur une quinzaine de niveaux successifs, fournissant par là même un grand nombre de renseignements sur l’urbanisme et l’habitat élamites (fouilles Ghirshman) ; enfin à l’est, le tell de faible altitude dit « des artisans », où des installations achéménides furent dégagées.

Si Suse a été assez tardivement fondée, vers la fin de la période d’El-Obeïd (courant du IVe millénaire), elle prit très rapidement, comme en témoigne le temple sur haute terrasse déjà mentionné, une importance qui, en dépit de quelques éclipses, ne s’est jamais démentie durant toute l’Antiquité : et cela même lorsque la fonction de capitale lui fut retirée provisoirement, par exemple à l’époque d’Agadé (seconde moitié du IIIe millénaire), au profit d’Awan, site dont l’emplacement n’a pas été retrouvé. Quelques périodes furent marquées par une particulière grandeur : celles des Soukkalmahhou (début du IIe millénaire) et de la dynastie d’Ountash-Gal (seconde moitié du IIe millénaire), moments où la cité se couvrit de monuments. Suse ne s’éteignit que lentement pour disparaître vers le xiiie s. de notre ère. Riche en objets divers, elle n’a fourni encore que peu de renseignements relatifs à son architecture.

Mais cette faiblesse de l’archéologie élamite est partiellement compensée par la découverte et le dégagement (par Mecquenem et Ghirshman) du site de Tchoga Zanbil, au sud-est et à une cinquantaine de kilomètres de Suse. Fondée au xiiie s. av. J.-C. par le grand roi Ountash-Gal, qui lui donna son nom (Dour-Ountash), la ville ne connut qu’une vie ralentie après la mort du roi et fut détruite par le roi d’Assyrie Assourbanipal en 639.

Tchoga Zanbil est composée de trois groupes de bâtiments dans une grande enceinte fortifiée. C’est tout d’abord un grand réservoir d’eau destiné à l’alimentation de la ville, placé de part et d’autre du rempart. C’est ensuite une série de quatre palais indépendants les uns des autres à proximité de l’entrée monumentale de la ville, trois d’entre eux conçus sur le parti architectural très simple d une ou de deux rangées de pièces en longueur bordant sur ses quatre côtés une grande cour pratiquement carrée ; le palais, dont le plan est différent, n’a sans doute pas été utilisé en tant que tel, mais dans un but funéraire, car il recouvrait cinq grandes tombes à caveaux voûtés, dont certaines contenaient au moment du dégagement, sur des lits de brique, les restes incinérés de personnages certainement royaux, avec un mobilier funéraire, et certaines salles du palais étaient pourvues d’installations cultuelles. Le troisième ensemble de la ville, de loin le plus important et le plus imposant, était le centre religieux, dont le foyer était occupé par une ziggourat de plus de 50 m de haut, consacrée au dieu national élamite In-Shoushinak et édifiée à l’emplacement d’un grand temple sur plan carré, à grande cour intérieure ; de ce fait, le monument est très différent des édifices de même type connus en Mésopotamie. Outre cet édifice, le quartier sacré, compris dans une enceinte de 400 m de côté, contenait un certain nombre de temples, dont trois majeurs, à proximité de la tour, voués à Ishniqarab, à Nabou et à Kiririsha, et pourvus de nombreuses offrandes.

Aspect de l’art

L’un des paradoxes des recherches archéologiques en Élam est d’avoir permis une meilleure connaissance de la civilisation mésopotamienne en rendant au jour un certain nombre de monuments, parfois de première importance, ramenés à Suse par les troupes élamites lors de raids victorieux effectués dans le pays des Deux-Fleuves : ainsi en fut-il, par exemple, du célèbre code d’Hammourabi, dont l’emplacement primitif était Sippar. Ces découvertes permettent de différencier nettement la production originale élamite de ce qui n’est, à proprement parler, qu’importation ou prolongement par voie d’imitation de l’art mésopotamien.

Dès lors, l’art de l’Élam apparaît souvent comme dépourvu d’originalité, quand ce n’est pas simplement de valeur artistique. Néanmoins, certains domaines contredisent cette apparence première. La céramique peinte de l’époque d’El-Obeïd est en effet l’une des plus remarquables réussites de l’art oriental par l’harmonie de ses compositions et l’imagination dont témoignent ses créations animalières stylisées. Un deuxième âge d’or de la céramique peinte, au IIIe millénaire et sous influence iranienne, n’a pas atteint cependant la perfection de l’époque d’El-Obeïd. La glyptique archaïque susienne du début du IIIe millénaire présente aussi des caractères originaux par la grande variété des motifs empruntés très souvent à la vie quotidienne. Enfin, si toutes les œuvres de la statuaire ne sont pas exceptionnelles, la statue de bronze de Napir-asou, femme d’Ountash-Gal, les têtes et masques funéraires du IIe millénaire sont à ranger parmi les belles réussites d’un art souvent plus marqué par le réalisme que celui de la Mésopotamie voisine.

J. C. M.

G. L.

➙ Babylone / Iran / Mésopotamie.

 G. G. Cameron, Histoire de l’Iran antique (Payot, 1937). / W. Hinz, Persia c. 2400-1800 B.C. (Cambridge Ancient History, no 19, 1963) ; Persia c. 1800, 1550 B.C. (Cambridge Ancient History, no 21, 1964). / R. Labat, Elam c. 1600-1200 B.C. (Cambridge Ancient History, no 16, 1963) ; Elam and Western Persia c. 1200-1000 B.C. (Cambridge Ancient History, no 23, 1964). / G. Le Rider, Suse sous les Séleucides et les Parthes (Geuthner, 1965). / P. Amiet, Élam (Archée, Auvers-sur-Oise, 1966).