Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Élam (suite)

Lutte contre les empires mésopotamiens (xxive-xive s.)

La première dynastie bien connue de l’Élam, qui a sa capitale à Awan (sans doute vers Shushtar, à l’est de Suse), date du milieu du IIIe millénaire ; comme celles qui lui succéderont, elle pratique un système de succession d’une complication extraordinaire et donne une grande importance aux reines. À partir du xxive s., elle est attaquée par les rois d’Akkad, qui ont créé un empire en Mésopotamie et vont exercer une domination durable en Susiane, où on commence à employer l’akkadien écrit en cunéiforme et à honorer les dieux mésopotamiens. Mais, quel que soit leur degré de dépendance à l’égard des souverains du pays des Deux-Fleuves, les Élamites gardent, tout au long de leur histoire, une profonde originalité en matière de religion et d’art. Leur panthéon est longtemps dominé par des déesses, comme Kiririsha (« Grande Déesse ») ; si, à partir du IIe millénaire, les dieux Houmban (« Qui commande au Ciel ») et In-Shoushinak (« Seigneur de Suse ») passent au premier rang, les Élamites manifestent un goût persistant à la fois pour les hauts lieux, la magie, le culte du serpent et le recours au monde souterrain. Les temples, sur haute ou basse terrasse, sont ornés de paires de cornes géantes (symbolisant la force divine). De leur art, nous avons surtout conservé des sceaux ; mais c’est là une spécialité de l’artisanat élamite, qui y manifeste un goût et une imagination remarquables.

À la fin du xxiiie s., l’Élamite Koutik-In-Shoushinak, qui avait été gouverneur de Suse pour le compte des rois d’Akkad, impose sa domination dans les hautes vallées du Zagros ; puis il devient indépendant et se déclare roi d’Awan et maître des Quatre-Régions (du monde). Pour certaines de ses inscriptions, on emploie une écriture syllabique (« protoélamite linéaire »), qui dérive à la fois du cunéiforme et de la première écriture de l’Élam, et qui est, pour le temps, un modèle de simplicité ; les scribes élamites n’ont cessé en effet depuis le milieu du IIIe millénaire et ne cesseront plus de simplifier les écritures de la Mésopotamie. Mais le syllabaire du règne de Koutik-In-Sboushinak disparaît avec ce roi et sa dynastie, détruite par les Gouti, peuple barbare du centre du Zagros.

Lorsque la IIIe dynastie d’Our constitue un nouvel Empire mésopotamien (v. 2133-2025), ses rois attaquent l’Élam, morcelé en principautés indépendantes, et en contrôlent une bonne partie ; Suse emploie alors, avec un cunéiforme de son cru, la langue sumérienne de ses maîtres. Mais le roitelet de Simash (peut-être Khurramābād au Luristān), profitant de la poussée des Amorrites (Sémites occidentaux), qui affaiblit l’empire, coalise les peuples du Zagros, s’empare d’Our et emmène en captivité son dernier roi, Ibbi-Souen (2025).

L’Élam retourne très vite au morcellement politique ; certains des royaumes mésopotamiens qui ont succédé à l’empire d’Our tentent de dominer les pays élamites, et l’on n’emploie plus que l’akkadien dans les textes de Suse. Le maître de Simash peut se dire roi de Simash et d’Élam, et même dieu, mais son pouvoir n’en est pas moins limité. Sa dynastie, qui s’éteint obscurément, est remplacée, vers 1860, par celle des « Grands Gouverneurs », dont les fondateurs portent le titre, souvent repris par la suite, de « roi d’Anshan (quelque part dans la montagne) et de Suse » ; ils inaugurent également un partage des gouvernements régionaux entre les princes de la famille, qui les exercent l’un après l’autre dans un ordre hiérarchique. Ces souverains, qui ont laissé très peu de textes, ont beaucoup de mal à défendre leur indépendance contre la Ire dynastie de Babylone (1894-1595). Cependant, les fouilles de Suse ont révélé une grande richesse pour les xviiie et xviie s. L’Élam est ensuite englobé dans l’affaiblissement économique et les déplacements de population qui frappent l’Orient vers le milieu du IIe millénaire, et nous ignorons même qui exerce le pouvoir en Élam entre 1500 et 1330.


L’apogée de la royauté élamite (xiiie - xiie s.)

Une campagne victorieuse d’un roi kassite de Babylone à travers l’Élam provoque un sursaut national des Élamites ; celui-ci est exploité par une nouvelle dynastie d’Anshan, fondée vers la fin du xive s. L’élamite concurrence désormais l’akkadien dans les textes officiels ; mais les renseignements que l’historien en tire sont bien limités, car on traduit difficilement cette langue sans parenté connue. Les rois multiplient, surtout à Suse, les sanctuaires pour les dieux mésopotamiens comme pour ceux de l’Élam. Mais les vestiges les plus importants sont ceux de Dour-Ountash, « Ville d’Ountash » (-Houmban ou -Gal) : Ountash-Houmban a bâti vers 1250, sur le site actuel de Tchoga Zanbil, à 40 km au sud-est de Suse, une cité sainte dominée par une ziggourat, mieux conservée que celles de Mésopotamie et qui paraît avoir servi à des rites différents. À partir de son règne, les rois d’Élam profitent du long conflit qui oppose Assour et Babylone, et limite leur expansion dans le Zagros, pour opérer des raids de pillage en basse Mésopotamie, d’où ils vont rapporter les fameuses stèles conservées au Louvre (comme celle du code d’Hammourabi).

Vers 1210, la lignée royale d’Anshan est remplacée par une autre dynastie, qui a des liens étroits avec Suse. L’économie et la civilisation élamites, rénovées au xiiie s., connaissent alors un véritable apogée : les artisans de Suse sont les premiers du temps, qu’il s’agisse des bas-reliefs de brique (sanctuaire d’In-Shoushinak, v. 1150) ou du bronze (la statue mutilée de la reine Napir-asou [v. 1240] pèse encore 1 750 kg). De leur côté, les rois constituent un véritable empire : Shoutrouk-Nahhounté Ier (v. 1190-1150) provoque, par sa grande offensive de 1156, la chute de la dynastie kassite de Babylone (1153). Son fils, Shilhak-In-Shoushinak (v. 1140-1125), étend son domaine en Iran et écrase l’armée d’Assour. Mais, vers 1120, son successeur est battu et tué par le roi de Babylone Nabou-koudour-outsour Ier (Nabuchodonosor Ier), et l’Élam retombe dans l’obscurité qui accompagne chacun de ses retours au morcellement politique.