Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Égypte (suite)

Les mamelouks

S’il ne reste que peu de vestiges de l’époque ayyūbide (tombeaux et citadelles du Caire), le temps de la domination mamelouke amène un profond renouveau et voit une floraison ininterrompue de constructions. Art énergique d’abord, qui, par excès de talent, arrive à un épuisement final. Sur plus de 50 tombeaux, avec coupole très surhaussée décorée en godrons ou entrelacs géométriques et floraux, le dessin ne cesse de s’amenuiser jusqu’à devenir une dentelle d’arabesques.

On crée des types architecturaux nouveaux : la mosquée-madrasa, école et lieu de prière ; la mosquée funéraire, tombe et oratoire. Avec l’une comme avec l’autre, on perd vite le sens de l’équilibre. Dans la mosquée funéraire, la tombe finit par tout envahir. Dans la mosquée-madrasa, on oublie l’école pour l’oratoire. Mais avant d’en arriver là, que d’œuvres de qualité ! La plus ancienne est la mosquée très ruinée de al-Ẓahir Baybars Ier (1266), la plus récente celle de Mu’ayyad (1420), la plus belle celle de Qalā’ūn (1285). La madrasa de Sulṭān Ḥasan (1356), à plan cruciforme, dont les quatre salles voûtées (iwān) se répartissent aux milieux des quatre côtés de la cour, est le modèle du genre, comme la mosquée de Qā’it bāy (1472), au décor élégant et précieux, est l’exemple le plus frappant de ce que ce modèle devient après l’atrophie des iwān latéraux et l’élargissement des autres.

Sous les Mamelouks, le travail du bois permet la fabrication de cénotaphes, de chaires à prêcher et des balcons grillés des maisons, les moucharabieh. Au xiiie et au xive s. triomphe une grande école de verres émaillés.


Les Ottomans

Après 1517 et la conquête du pays par les Turcs Ottomans, l’Égypte ne joue plus un rôle prépondérant. Elle conserve pourtant certaines de ses traditions : celle de la mosquée à iwān s’exprime encore à ‘Uthmān Katkhūda (1734). Plus généralement, les modes de Brousse* et d’Istanbul* donnent le ton. Les mosquées de Ḥasan Pacha (1523), de Sulaymān Pacha (1528) et, plus tardivement, celle de Méhémet-Ali, qui couronne la citadelle (1824-1857), sont des visions du Bosphore dans la vallée du Nil. Le Caire conserve des quatre derniers siècles de belles demeures privées. Le Musée arabe et islamique renferme une prestigieuse collection.

J.-P. R.

 G. Hautecœur et G. Wiet, les Mosquées du Caire (E. Leroux, 1932 ; 2 vol.). / K. A. C. Creswell, The Muslim Architecture of Egypt (Oxford, 1952-1960 ; 2 vol.).


La population et l’économie de l’Égypte contemporaine


La croissance rapide de la population

On estime à 2,5 millions la population égyptienne vers 1800. Elle atteignait 14 millions en 1930, 21,4 millions en 1952, 26 millions en 1960 et près de 40 millions en 1977. Aujourd’hui, 54 p. 100 des habitants ont moins de 20 ans, et 36 p. 100 moins de 12 ans. Le pourcentage de l’accroissement naturel se situe au-dessus de 2 p. 100 par an grâce à une natalité élevée voisine de 35 p. 1 000, et à une mortalité relativement forte, mais en voie de régression régulière (25 p. 1 000 en 1946, moins de 15 p. 1 000 en 1975).

La répartition de cette population se calque sur les conditions naturelles : dans la vallée et dans le Delta, le nombre des ruraux l’emporte sur celui des citadins, à l’exception des gouvernorats de type urbain comme Le Caire, Alexandrie, Port-Saïd, Suez. Les régions désertiques du littoral de la Méditerranée (Marsa-Matrouh) ou de la mer Rouge et du Sinaï comptent peu de ruraux. Dans les zones récemment conquises à l’irrigation comme la Nouvelle Vallée (Kharguèh, Dakhla), la population concentrée est considérée comme citadine. Au contraire, tout au long du fleuve, malgré l’importance de chefs-lieux de gouvernorats comme Minîèh (Al-Minyā), Assiout, Kénèh, Sohag (Sūhādj), la masse de la population rurale l’emporte sur les concentrations urbaines.

L’accroissement continu et rapide de la population a rendu nécessaire une utilisation judicieuse du phénomène de la crue du Nil. Dans ce pays, demeuré essentiellement agricole jusqu’au xxe s., la subsistance de la population ne pouvait être assurée que par l’extension des superficies cultivables.


L’agriculture


Les productions

Grâce à son réseau de barrages et de canaux, la vallée du Nil se présente comme une oasis traversant le désert, du tropique à la Méditerranée. Les cultures sont à la fois celles des oasis des régions tropicales (coton, riz, canne à sucre, millet, maïs) et celles de la zone méditerranéenne (blé, agrumes, légumes). Grâce à l’irrigation, les surfaces agricoles, soumises à plusieurs cultures dans l’année, permettent de lever 1,82 récolte par hectare et par an (9 récoltes tous les 5 ans). La plus grande mutation agricole a eu lieu sous le règne de Méhémet-Ali, en 1820, lorsque les plants de coton locaux ont été remplacés par des plants étrangers, dont le fameux Sea Island, susceptible d’être exporté. Le coton allait devenir la principale production commerciale du paysan égyptien, en même temps que le moteur de l’extension de l’irrigation puisque les premiers projets de barrage à la tête du Delta datent de 1835 et que leur réalisation commença en 1847 avec des améliorations successives.

En fait, la culture la plus étendue est celle du trèfle (bersim), culture d’hiver (chétoui). Elle occupe le quart des superficies ensemencées en Basse- et Moyenne-Égypte, le septième en Haute-Égypte (provinces de Kénèh et Assouan). Son importance s’explique par le besoin de nourrir les buffles, agents indispensables de l’agriculteur, mais aussi par le rôle bienfaisant dans une rotation des cultures d’une plante fixant bien l’azote du sol. L’extension de ses semis diminue dans les régions plus méridionales où la feuille de la canne à sucre peut jouer le rôle de fourrage.

Dans la quasi-totalité des provinces, le coton, culture d’été (séfi [ṣayfī]), se place parmi les trois premières cultures, parmi les quatre premières dans les autres. Que le paysan soit propriétaire, fermier ou coopérateur, il pratique toujours cette culture, source essentielle de revenu monétaire.

Le riz, culture séfi (d’été), connaît sa plus large extension dans les terres du Delta où il s’accommode d’un drainage difficile et de terres salines. Il a également conquis les terres irriguées des oasis du désert Libyque.