Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Égypte (suite)

Le 18 mai, l’Égypte demande et obtient le retrait des troupes de l’O. N. U., qui, depuis 1956, stationnent sur son territoire à la frontière israélo-égyptienne. Le 22 mai, elle annonce l’interdiction du golfe d’‘Aqaba à la navigation israélienne, enlevant ainsi à l’État hébreu le seul avantage qu’il avait gardé de la campagne de Suez. Deux semaines plus tard, le 5 juin 1967, Israël attaque, détruit au sol l’aviation égyptienne et gagne virtuellement la guerre, qui va durer six jours.

Dès lors, une partie du territoire égyptien est occupée par les forces israéliennes, qui paralysent le fonctionnement du canal de Suez et privent le pays d’une importante source de revenus. Certes, ces pertes sont compensées par les États arabes producteurs de pétrole, mais le gouvernement égyptien doit en échange ménager des régimes considérés auparavant comme des adversaires. La disparition subite de Nasser vint aggraver une situation déjà fort critique. Très populaire dans le monde arabe, le leader égyptien, dont la dimension dépassait largement le cadre de son pays, disposait de grands moyens de pression sur les puissances occidentales, qui conservent encore des intérêts considérables au Moyen-Orient. Il était en outre le seul homme politique capable de faire admettre à l’opinion arabe un accord avec l’État hébreu. Nasser constituait au surplus dans son propre pays un grand facteur de cohésion et groupait autour de lui la majorité de la population, particulièrement attachée à sa personne. Sa mort, le 28 septembre 1970, créa un grand vide. Les contradictions entre des tendances aussi opposées que le libéralisme, le marxisme et l’islām, que Nasser savait fondre dans son régime, vont éclater.

Le nouveau président de la République arabe unie, Anouar el-Sadate (Anwar al-Sādāt), plus marqué par le courant musulman, semble incarner la politique de compromis entre la droite et la gauche, revenant d’ailleurs à un certain libéralisme économique. Ce sont probablement des raisons d’équilibre politique qui l’amènent, en 1971, à écarter les nassériens de gauche. Parallèlement, pour marquer sa fidélité au nassérisme, qui préconise l’unité du monde arabe, el-Sadate engage le pays dans une fédération assez souple avec la Syrie et la Libye. Un référendum, organisé le 1er septembre 1971 simultanément dans les trois pays, approuve la constitution de l’Union des républiques arabes. La République arabe unie, qui conserve dans le cadre de cette Union l’essentiel de sa souveraineté, devient alors la République arabe d’Égypte. En octobre 1973, un nouveau conflit avec Israël, déclenché par l’Égypte, a de très grandes conséquences : en premier lieu, sur le plan militaire, l’armée égyptienne réussit à reprendre pied sur toute la rive orientale du canal de Suez, succès considérable qui a un très grand retentissement dans le monde arabe et qui n’est pas effacé par la contre-offensive israélienne sur une partie de la rive occidentale du canal. Sous la pression des États-Unis, Israël doit accepter un cessez-le-feu, et, en décembre, un accord militaire entre Le Caire et Tel-Aviv aboutit à la reprise du contrôle égyptien sur la rive est du canal, qui sera réouvert en juin 1975. Ce conflit provoque un rapprochement avec Washington, couronné par la visite au Caire de Nixon en juin 1974. En 1976, le traité d’amitié et de coopération entre l’U. R. S. S. et l’Égypte est abrogé.

M. A.

➙ ‘Abbāssides / Afrique / Arabes / Ayyūbides / Bagdad / Empire britannique / Fāṭimides / Israël (État d’) / Israélo-arabes (guerres) / Mamelouks / Méhémet-Ali / Nasser / Omeyyades / Suez / Ṭūlūnides. — Pour la littérature arabe d’Égypte, v. arabes.

 C. H. Becker, Beiträge zur Geschichte Ägyptens unter der Islam (Strasbourg, 1902). / G. Wiet, Précis de l’histoire d’Égypte, t. II : l’Égypte byzantine et musulmane (Le Caire, 1932). / M. Colombe, l’Évolution de l’Égypte, 1924-1950 (G. P. Maisonneuve, 1951). / J. et S. Lacouture, l’Égypte en mouvement (Éd. du Seuil, 1957). / H. A. Rivlin, The Agricultural Policy of Muhạmmad ‘Ali in Egypt (Cambridge, Mass., 1961). / H. Riad, l’Égypte nassérienne (Payot, 1964). / N. Tomiche, l’Égypte moderne (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1966). / J. Berque, l’Égypte. Impérialisme et révolution (Gallimard, 1967). / T. Little, Modern Egypt (Londres, 1967). / A. Abdel-Malek, Idéologie et renaissance nationale. L’Égypte moderne (Anthropos, 1969).

L’égyptologie

Avec l’expansion du christianisme, l’antique civilisation pharaonique mourut, ne pouvant survivre à ses dieux. Temples et palais désormais inutiles, tombeaux privés de desservants, innombrables objets de pierre ou de bois, papyrus, tous inscrits ou imagés, s’offraient en vain à la curiosité, l’usage des hiéroglyphes (qui avait déjà subi de profondes modifications à la Basse Époque) s’étant complètement perdu depuis le ive s. apr. J.-C.

L’Égypte, dès lors, apparut mystérieuse et secrète, et, jusqu’au xixe s., l’« énigme » ne fut pas résolue. La connaissance des architectures et des objets demeurerait muette, stérile, tant que la lecture des textes ne les replacerait pas dans une évolution idéologique attestée, ne permettrait pas de connaître les hommes, leur pensée, et ne rendrait pas à l’histoire son déroulement vrai fondé sur des sources écrites précises.

Les Anciens, déjà, subirent l’attirance de la vieille Égypte. Au ve s. av. J.-C., Hérodote d’Halicarnasse inaugura l’ère des voyages-reportages ; son Enquête, qui le mena jusqu’à Éléphantine, décrit la géographie de l’Égypte, sa faune, mais son histoire mêle renseignements précieux, légendes populaires, récits méridionaux d’âniers, et son étude de la religion consiste trop à rechercher partout les prototypes des dieux grecs. Strabon, Diodore, Sénèque, Pline, Tacite — notamment — rassemblèrent aussi informations géographiques et historiques (mais celles-ci relevaient trop souvent de sources orales déformées). La langue (clé de la connaissance) demeurait obscure : car on recherchait aux hiéroglyphes anciens une signification purement symbolique ; le sommet, en ce genre, est atteint par Horapollon, originaire de Haute-Égypte (seconde moitié du ve s.) et son traité Hieroglyphica ; si le sens attribué à certains signes est correct, les raisons qui en sont données sont d’une allégorie délirante (le signe représentant une oie signifie « fils », à cause de l’amour particulier de ce volatile pour sa progéniture ; l’image du lièvre sert à écrire le verbe « ouvrir », car les yeux de cet animal demeurent constamment vigilants, etc.). Ces efforts ne pouvaient aboutir.