Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Égypte (suite)

Les dirigeants du nome de l’Oryx ont laissé à Beni-Hassan des sépultures intéressantes (détails architecturaux taillés dans le roc ; peintures aux détails pittoresques). Les fouilles des pyramides royales de Illahoun et de Dahchour ont révélé le haut degré de perfection atteint par l’orfèvrerie. Des tombeaux inviolés de deux filles d’Amenemhat II, les princesses Ita et Khnoumit, près de la pyramide de leur père, furent exhumées des pièces magnifiques (musée du Caire).


L’art du nouvel empire jusqu’au règne d’Aménophis III (env. 1580 - 1380 av. J.-C.)

L’invasion des Hyksos mit fin au Moyen Empire. Comme toujours en Égypte, la renaissance ne vint qu’après la reprise des destinées du pays par un pouvoir central fort, en l’occurrence celui des princes de Thèbes, et après le retour aux valeurs culturelles fondamentales. Au début de la XVIIIe dynastie, l’Égypte est à l’apogée de sa puissance, sa domination s’étend jusqu’à l’Euphrate et, au sud, dans le pays de Couch (Koush). Les tributs affluent, et cette opulence est fort propice aux arts.

L’architecture bénéficie en particulier de l’abondance générale ; elle vise au monumental, voire au grandiose. Des temples nombreux et immenses sont édifiés à la gloire des dieux et des pharaons. Avant tout, c’est à Karnak que les constructions s’ajoutent les unes aux autres, dans le grand sanctuaire du dieu impérial Amon. À l’édifice qui existait déjà sous le Moyen Empire, les premiers souverains de la XVIIIe dynastie apportèrent de notables compléments, ajoutant une suite de pylônes vers l’ouest. Hatshepsout consacra une splendide petite chapelle en quartzite rouge. En arrière du sanctuaire, Thoutmosis III édifia la célèbre « salle des fêtes ». À Louqsor s’élève le plus beau temple divin de la XVIIIe dynastie, dédié à la triade thébaine par Aménophis III et bâti par l’illustre Amenhotep. Il était précédé d’une magnifique colonnade aboutissant à une vaste cour bordée, sur trois côtés, de portiques. Loin vers le sud, dans les solitudes désertiques du Soudan, le grand temple jubilaire de Soleb est consacré par Aménophis III au dieu Amon et à sa propre image divinisée : à l’arrière d’un premier pylône, un dromos flanqué de statues de béliers donnait accès au temple proprement dit ; par un vestibule et deux grandes cours à portiques, puis par une salle hypostyle aux colonnes décorées des écussons des peuples « envoûtés » d’Asie et d’Afrique, on pénétrait dans les trois salles du sanctuaire, aujourd’hui disparu.

Les rois du Nouvel Empire abandonnèrent la sépulture surmontée d’une pyramide construite et le vaste complexe funéraire qui s’y rattachait. En plein ouest, sous la Cime thébaine, sorte de gigantesque pyramide naturelle, au fond d’un défilé rocheux, les souverains se font creuser les hypogées de la fameuse « Vallée des Rois » ; les autres membres de la famille royale étaient enterrés dans la « Vallée des Reines », un peu plus au sud. Un couloir en pente raide, pourvu de coudes et de décrochements, conduit aux chambres de chaque appartement funéraire. Entièrement dissociés de ces tombes sont les temples funéraires qui, à plusieurs kilomètres de là, s’alignent dans la vallée, à la limite des cultures et du désert. De l’immense temple funéraire d’Aménophis III, il ne reste plus que les gigantesques statues, les deux colosses de Memnon, qui en gardaient l’entrée. Très original est le temple funéraire de Deir el-Bahari, construit pour la reine Hatshepsout par son architecte et favori Senenmout. Le temple déploie ses longues lignes horizontales au bas de l’immense falaise verticale du cirque de Deir el-Bahari. Tout au long du Nouvel Empire, les notables eux aussi ont des hypogées creusés dans les premiers contreforts de la montagne. Ils se composent d’une petite cour à ciel ouvert, d’une chapelle taillée dans le roc, puis de la tombe proprement dite.

L’abondante statuaire du début de la XVIIIe dynastie se rattache directement à celle du Moyen Empire. Assez vite, les sculpteurs adoptent un canon aux proportions plus allongées, soignent davantage le rendu des détails — comme les mains ou les pieds — et se distinguent par un goût de l’aimable ou du pittoresque. Les statues d’Hatshepsout la représentent en homme, mais leur gracilité trahit le sexe du pharaon ; plusieurs statues-cubes montrent Senenmout accroupi, les jambes repliées sur le devant du corps ; dans d’autres groupes charmants, l’architecte tient la petite princesse Neferourê. La statue la plus célèbre de ce début de la XVIIIe dynastie est peut-être celle de Thoutmosis III, foulant aux pieds les « neuf arcs » gravés sur le socle (les peuples vaincus par lui), témoignage d’un art classique somme toute assez impersonnel (musée du Caire). Les représentations d’Aménophis III et de ses contemporains se signalent par leurs yeux fendus en amandes, leur sourire fugitif, leur sensibilité et le rendu délicat des vêtements. On atteint ainsi le point limite d une exquise harmonie ; c’est la veille de la rupture de l’art amarnien.

Le grand temple d’Hatshepsout à Deir el-Bahari est également réputé pour le pittoresque des reliefs qui retracent une expédition au pays de Pount : le ciseau du sculpteur a détaillé les cases d’un village indigène et la réception des envoyés égyptiens par le couple des roitelets locaux. L’art du relief suit la même évolution que la statuaire, pour aboutir sous le règne d’Aménophis III à la merveilleuse éclosion des reliefs de la tombe de Ramose, par exemple : on admire les profils purs du défunt et de son épouse, le détail de leur lourde perruque, l’élégance des plis de la robe transparente.

Le calcaire très friable de la montagne thébaine, où étaient creusés certains hypogées, se laissait difficilement sculpter : seules quelques tombes royales sont ornées de reliefs ; dans les sépultures des notables, ce procédé fait place à la peinture appliquée sur une couche de stuc. Le caveau peut être décoré de scènes religieuses, qui se développent à l’époque ramesside ; mais c’est dans la chapelle que se déploie surtout la verve des artisans du Nouvel Empire ; à côté des tableaux retraçant les cérémonies des funérailles, d’autres sont relatifs à la vie privée du défunt : thème de la chasse et de la pêche dans les fourrés de papyrus, de la chasse dans le désert, scène du banquet, rehaussée de délicieux détails comme celui des musiciennes et du harpiste aveugle ; dans la tombe de Nakht sont conservées des scènes relatives aux travaux agricoles. La peinture, quelque peu guindée dans les sépultures les plus anciennes, se libère progressivement pour faire preuve d’inspiration et de hardiesse.