Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Égypte (suite)

Mais les textes historiques véritables sont de deux sortes : documents des archives royales (ou des temples), dont l’existence est attestée (dès la plus haute époque) par les fragments retrouvés de la pierre de Palerme (qui note pour chaque règne, année par année, les faits importants ; dynasties I à V) ou par les listes de souverains du Nouvel Empire des tables de Karnak (musée du Louvre). Autre type de document historique : les annales que Thoutmosis III fit sculpter sur les murs nord et ouest du corridor entourant le saint des saints du grand temple d’Amon à Karnak, notamment, et qui relatent, en un rapport clair et succinct, ses dix-sept campagnes victorieuses en Asie.

Il ne faut point négliger, dans cette littérature historique, les hymnes royaux, inaugurés au début du Moyen Empire (quand les nouveaux souverains eurent besoin d’affermir leur pouvoir) ; genre durable depuis les Hymnes à Sésostris III jusqu’à ce morceau de bravoure, d’un émouvant lyrisme, qui vante les exploits de Ramsès II à Kadesh : le Poème de Pentaour.

Des textes médicaux, des textes administratifs et juridiques, une importante correspondance privée constituent, à partir du Nouvel Empire, une part non négligeable de la littérature égyptienne pharaonique.

À la fin du Nouvel Empire (1080 av. J.-C.), l’Égypte connaît une longue suite d’invasions étrangères qui vont progressivement marquer le déclin de son génie national. Quelques textes encore s’inspirent du passé glorieux : Sagesse de Pétosiris, Mythe de l’œil solaire ; des pseudo-prophéties annoncent le retour de temps meilleurs : Oracle du potier, Songe de Nectanebo, Chronique démotique. Mais le Romān de Pétoubastis est sous influence grecque.

L’expansion du christianisme copte, en ruinant le système de pensée national, marque le déclin politique du pays et la fin de toute expression littéraire originale.

C. L.

 J. H. Breasted, Ancient Records of Egypt (Chicago, 1906 ; 5 vol.). / A. Erman, Die Literatur der Aegypter (Leipzig, 1923). / A. Volten, Zwei altägyptische politische Schriften (Copenhague, 1945). / G. Lefebvre, Romans et contes égyptiens de l’époque pharaonique (Maisonneuve, 1949). / S. A. Mercer, The Pyramid Texts in Translation and Commentary (New York, 1952 ; 4 vol.). / J. Pritchard, Ancient Near Eastern Texts (Princeton, 1955). / P. Barguet, le Livre des morts des anciens Égyptiens (Éd. du Cerf, 1967).


L’art de l’Égypte ancienne


Les caractéristiques de l’art de l’Égypte ancienne

L’« art pour l’art » est demeuré inconnu dans l’Égypte ancienne ; toute création avait un but pratique : assurer la prospérité et le triomphe de l’Égypte, procurer la survie des souverains et notables. Le beau n’avait pas valeur en lui-même ; nous dirions, en termes modernes, que l’intention suprême était d’action magique.

L’artiste lui-même était un artisan, au service de cette énorme machinerie d’ordre religieux et funéraire. Il ne signait pas ses œuvres ; les quelques artistes qui sont connus le sont par des mentions de leur tombe ou de leur matériel funéraire.

La leçon de permanence et de pérennité qu’imposent l’art et la civilisation de l’Égypte pharaonique est due sans doute en grande partie à l’influence du milieu physique. Peu de pays possèdent une telle unité : isolée géographiquement, l’Égypte a vu naître un art original, qui a peu emprunté aux autres cultures du monde antique. Au climat aussi correspond la stabilité de l’art égyptien : selon un rythme implacable, le soleil domine, dans un ciel d’une clarté exemplaire ; l’année est soumise au cycle étonnamment précis de la crue du Nil. Tout imposait à I Égypte les notions de rigueur et d’éternité.

Au service des croyances religieuses et des rites, l’art ne pouvait que procéder du traditionalisme le plus strict ; il a peu évolué en trois millénaires ; durant une courte période seulement, sous Akhena-ton, la crise religieuse amarnienne s’est traduite par une sorte de libération des anciens canons.

L’architecture est à destination religieuse ou funéraire ; seuls les temples et les tombes étaient construits en matériaux durables, bien que l’on connaisse également quelques palais et forteresses. La statuaire est, elle aussi, funéraire (la statue étant considérée comme le réceptacle de l’âme du défunt) ou bien divine (les statues royales représentent le pharaon, dieu sur terre ou dans l’au-delà). Les reliefs sont dépendants de schémas religieux très stricts ; seule la peinture, que l’on trouve surtout dans les tombes des notables du Nouvel Empire, manifeste une spontanéité et un certain naturalisme : mais ce n’était qu’un art de substitution destiné à remplacer à peu de frais le relief peint. Cette verve se retrouve dans les arts mineurs, ainsi pour les cuillers à fard ou les pots à onguents ; mais les bijoux eux-mêmes procèdent généralement des conventions de la symbolique religieuse.

Car tout est symbolisme dans l’art égyptien. Le temple, qui est la maison du dieu et le réceptacle de la puissance magique, doit être envisagé dans une perspective cosmique ; son pavement s’exhausse et son plafond s’abaisse à mesure que l’on avance vers le saint des saints, là où est gardée la statue divine : cela accroît l’obscurité et la sensation de mystère ; la pente du sol est également celle de la butte primordiale sur laquelle est apparue la création. Les supports (colonnes palmiformes, papyriformes ou lotiformes) représentent la végétation terrestre ; le plafond orné d’étoiles et d’éléments solaires figure la voûte céleste. Les reliefs suivent le même ordre rigoureux. Aux façades des pylônes et sur les murs des cours, en plein air, les hauts faits royaux sont gravés, en creux généralement. Ils n’ont pas une valeur de réel récit historique, mais ils explicitent le mythe : Pharaon organise le cosmos contre les forces négatives du chaos. Dans les salles hypostyles et les pièces couvertes, les figurations et les textes, gravés en relief, sont d’ordre culturel : Pharaon dialogue seul avec les dieux ; il leur adresse ses offrandes, ses louanges et ses prières ; il en reçoit pour l’Égypte l’affirmation de multiples bienfaits. Symbolisme également dans l’art funéraire : le décor des parois des tombes, des sarcophages, du matériel funèbre, des bijoux eux-mêmes a valeur magique ; il doit assurer la survie du défunt et le protéger des embûches de l’au-delà.