Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Égypte (suite)

Le Delta commence à une vingtaine de kilomètres en aval du Caire par la division du fleuve en deux branches. La branche occidentale, dite de Rosette (Rachīd), prend la direction du nord-ouest, longe les derniers contreforts du plateau libyque et se jette dans la mer après son passage entre les lacs Edkou (Idkū) et Borollos (Burullus). La branche orientale, dite de Damiette (Dumyāt), garde l’orientation sud-nord sur 120 km avant d’obliquer vers le nord-est en direction du lac Menzalèh (Manzala), où elle atteint à son tour la Méditerranée. Les nombreux canaux qui sillonnent le delta utilisent parfois d’anciens bras du fleuve. Les bourrelets de berge et les levées permettent un écoulement actuel au-dessus du niveau général des terres.

La construction du delta est due à l’alluvionnement quaternaire. Au Pliocène, la mer s’avançait au sud du Caire jusqu’à la dépression du Fayoum, qui formait un golfe. Pour certains, même, elle remontait jusqu’à Thèbes. Progressivement, le fleuve a comblé cette vaste échancrure, colmatant successivement les lacs emprisonnés derrière les cordons littoraux successifs. Un courant ouest-est déporte les alluvions en direction de Port-Saïd.

Cependant, le contrôle de plus en plus perfectionné des crues du Nil et les retenues réalisées par les grands barrages ont pour conséquence une diminution sensible des apports solides. L’alluvionnement aux bouches de Damiette et de Rosette est aujourd’hui en régression, cependant que les rives du delta subissent actuellement une érosion.

J. C.


L’histoire de l’Égypte ancienne

Pour les Anciens, l’Égypte sera essentiellement taoui — « le double pays » —, et cette dualité de nature (entre la Haute-Égypte, vallée encaissée entre deux déserts, et la Basse-Égypte, plaine alluviale coïncidant avec le delta du Nil) comme cette double attirance (vers l’Afrique d’une part, vers l’Asie et la future Europe d’autre part) marqueront tous les éléments et les faits de la vie politique, économique, humaine de ce pays prédestiné.

Un contraste de couleurs renforce, d’est en ouest, une autre dualité, entre Kemet « la noire » (la vallée fertile au limon sombre) et Deshret « la rouge » (la région stérile des déserts qui la flanquent de part et d’autre, sables rutilants sous le soleil).


La préhistoire

C’est au cours d’une lente gestation, qui constitue la préhistoire égyptienne et dure plusieurs millénaires, que, peu à peu, le climat va se stabiliser, le paysage acquérir ses formes et ses couleurs définitives, que des hommes vont s’assembler et une civilisation naître (la plus ancienne actuellement connue).

Durant l’époque paléolithique, en effet (aux VIIe et VIe millénaires av. J.-C.), la région connaît un climat humide et chaud : les zones actuellement désertiques, alors boisées et giboyeuses, sont un site d’élection pour la chasse et la cueillette — cependant que la vallée, marécageuse et noyée, est encore, de toute façon, inhospitalière à l’homme ; le silex et parfois le grès arment déjà les veneurs nomades.

C’est à partir de l’époque néolithique (vers 5 500 av. J.-C.) qu’une lente symbiose va s’opérer, et ce durant 2 millénaires, modelant peu à peu l’image physique et humaine de l’Égypte pharaonique. À ce moment un dessèchement climatique transforme les dernières steppes en déserts. Le Nil, certes, continue à drainer, tout au long de son cours, un vaste marais, ombré par des buissons de papyrus géants projetant leurs ombelles épanouies jusqu’à 6 m de haut, abritant une faune diverse, abondante, bruyante, domesticable, consommable ou dangereuse : bœufs sauvages, urus, sangliers et porcs, hippopotames, crocodiles, serpents, reptiles, poissons aux innombrables variétés, oiseaux de toutes plumes. Mais le fleuve laisse place désormais à des terres propices à la culture et à l’élevage. Les tribus de chasseurs se fixent alors dans la vallée, s’unissant progressivement aux pasteurs et aux pêcheurs ; sédentaires, ils pratiquent la culture des céréales (blé, orge), la plantation et le tissage du lin ; on laboure et ensemence vers octobre, quand l’eau de la crue se retire ; on moissonne et engrange au printemps. Les techniques se mêlent et se développent (le cuivre concurrence le silex). Les hommes s’assemblent en villages, ainsi qu’en témoignent les sites du Fayoum (4700 av. J.-C.) ou ceux de Merimde, en Basse-Égypte (4200 av. J.-C.), et de Tasa en Haute-Égypte (4000). À ce stade primaire de peuplement, les clans et les tribus se répartissent anarchiquement au long de la vallée. Les premiers éléments de l’histoire religieuse et d’une croyance en une survie éventuelle se laissent pressentir : les enseignes des premières tribus placent celles-ci sous le patronage d’animaux divers (utiles ou dangereux, qu’il faut ainsi remercier ou se concilier : vache, faucon, ibis, chien, crocodile, serpent, etc.), de plantes ou d’éléments naturels bénéfiques (le Soleil). Les corps des défunts, déposés dans une humble fosse creusée à même le sable et recouverte d’un tumulus, placés dans la position du fœtus et accompagnés de vaisselle et d’objets ménagers, seront sans doute ainsi amenés à revivre une nouvelle existence, pourvue de l’essentiel. Ces hommes divers (Méditerranéens et Africains ; hommes des déserts, du fleuve ou de la mer) fusionnent pour créer une race égyptienne, au type physique très affirmé, rameau original des civilisations sémitiques (la langue en témoigne).

À l’aube de l’histoire (vers 3500 av. J.-C. environ), il semble qu’une première forme politique soit déjà née avec l’existence de deux royaumes distincts, l’un de Basse-Égypte (capit. Bouto ; déesse tutélaire, Ouadjet le serpent ; insigne royal, la couronne rouge en forme de mortier empenné), l’autre de Haute-Égypte (capit. Nekhen ; patronné par la déesse-vautour Nekhbet ; dont le souverain était coiffé d’une haute mitre blanche).


L’Ancien Empire


De 3200 à 2280 av. J.-C.