Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Église catholique ou romaine (suite)

Le pontificat de Benoît XV (1914-1922)

Le pontificat de Benoît* XV se confondit presque exactement avec la Première Guerre mondiale, dont le pape, en 1917, essaya vainement de hâter la fin. Au lendemain de l’affreux drame, l’Occident chrétien se trouva plus déchiré, plus désemparé que jamais. Aux ruines et aux deuils succédèrent les années « folles », la course au plaisir, facilitée par les conquêtes techniques (radio, cinéma, automobile...). Mais le désarroi tourna souvent au désespoir : chez les vaincus et chez les faibles, qui se donnèrent aux dictateurs ; chez les vainqueurs, aux prises avec un problème social que la crise de 1929 viendra aggraver, et dont le chômage et les grèves répétées seront les formes les plus communes.

Aux yeux de l’Église romaine — dont l’audience dans les tribunes internationales était faible —, la démoralisation des masses s’accompagnait d’une déchristianisation inquiétante. Si, dans l’ensemble, les catholiques restaient fidèles aux formes du passé, un petit groupe, dit « catholiques sociaux », s’efforça, dans la ligne tracée par Léon XIII, d’élargir son action et d’approfondir ses positions doctrinales. Associations de jeunes, syndicats chrétiens, groupements d’études (Semaines sociales de France depuis 1904), journaux, maisons d’édition, partis politiques s’inspirant de l’idéal de la démocratie chrétienne furent les formes les plus marquantes de cette action sociale.

L’œuvre essentielle de Benoît XV se situa sur le plan de l’œcuménisme*. En 1917, il créa simultanément la Congrégation pour l’Église orientale et l’Institut pontifical des études orientales, faisant ainsi un pas dans le sens d’un rapprochement avec les Églises d’Orient.


Le pape de l’Action catholique et des missions

Le successeur de Benoît XV, Pie XI (1922-1939), était à la fois un savant et un homme sensible aux problèmes du temps, qu’ils fussent techniques ou religieux. Il créa la station de Radio-Vatican (1931) ainsi que l’Académie pontificale des sciences (1936) et multiplia les messages radiophoniques au monde. Tout en sauvegardant la pureté de la doctrine, tout en proclamant la royauté du Christ et en faisant de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus la patronne des missions, il attaqua de front le grave problème de l’évangélisation du monde moderne en créant l’action en milieu propre en vue de l’extension du royaume de Dieu : formule révolutionnaire, les laïcs ayant été considérés jusque-là comme voués aux seules tâches charitables ou intellectuelles. Alors naquirent la J. O. C. (1925), la J. E. C. et la J. A. C. (1929), puis la J. I. C., ou Jeunesse indépendante chrétienne (1930-1935), que complétèrent des mouvements d’adultes. Si l’Action* catholique a à peine entamé le bloc de l’indifférence religieuse, elle a habitué le monde moderne à dialoguer avec les chrétiens, à compter avec eux, mieux à les retrouver dans le contexte quotidien. Cette action a pénétré même les milieux du travail, ce qui explique que la Confédération internationale des syndicats chrétiens groupe 6 millions de membres en 1965.

Le même souci d’adaptation, Pie* XI l’apporta aux missions extérieures en favorisant la formation d’un clergé autochtone ; il consacra plusieurs évêques de couleur. Par ailleurs, soucieux de défendre la dignité de l’homme face aux menaces du totalitarisme, il s’éleva avec véhémence dans ses encycliques contre la statolâtrie fasciste (1931), puis contre le matérialisme marxiste et le paganisme raciste du national-socialisme (1937).


Pie XII le mystique (1939-1958)

À Pie XI succéda son secrétaire d’État, Eugenio Pacelli, qui prit le nom de Pie* XII (mars 1939). C’était un diplomate de race (ce qui explique peut-être son attitude prudente, certains disent attentiste, durant la Seconde Guerre mondiale), mais aussi un contemplatif, sensible et aux problèmes du monde moderne et à la transcendance du message évangélique, dont l’Église est le dépositaire.

Ce qui tourmenta Pie XII — et ce souci inspira l’œuvre immense, écrite et parlée, du pontife —, ce fut l’instauration de l’esprit chrétien dans toutes les activités humaines. Aussi, des plus hautes questions théologiques (le 1er novembre 1950, Pie XII définit solennellement le dogme de l’Assomption), Pie XII passait-il volontiers aux préoccupations propres à tous les corps de métiers, à toutes les activités humaines. Les bouleversements de la guerre et de l’après-guerre, l’emprise du marxisme sur l’Europe de l’Est et sur la Chine, la déchristianisation effective de l’Europe occidentale (autrefois bastion de l’Église), la décolonisation massive de l’Afrique, la coexistence d’un christianisme superficiel et du sous-développement en Amérique latine amenèrent Pie XII à des prises de position que d’aucuns jugèrent sévères (on pense notamment à l’interruption, en 1954, de l’expérience hardie des prêtres-ouvriers, expérience reprise en 1965 par le pape Paul VI).

Mais l’Église catholique, par une réflexion sans cesse approfondie de ses élites, s’est fortement renouvelée de l’intérieur ; apostolat missionnaire plus dépouillé et mieux adapté, liturgie, catéchèse et théologie repensées, renouvellement des études historiques, exégétiques et bibliques, création d’instituts religieux et renforcement du rôle ecclésial des laïcs caractérisèrent, entre autres, l’effort de l’après-guerre.


Le « bon pape Jean » (1958-1963)

À ce renouveau, le pape Jean* XXIII apporta des ressources nouvelles et, on peut le dire, inédites : une bonhomie paysanne haussée au niveau de la charité la plus délicate, la plus attentive, un don du contact personnel qui combla parfois des abîmes, une prescience, une intelligence du cœur qui lui permit de faire des démarches étonnantes et singulièrement efficaces. On doit parler notamment de l’encyclique Pacem in terris (11 avr. 1963), « lettre ouverte à tout l’univers », testament d’un vieux pontife conscient de trouver les mots qui doivent toucher un monde avide de paix.