Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Église catholique ou romaine (suite)

Au mouvement contre-révolutionnaire, l’Église, dans son ensemble, s’associa. La peur et la haine de la Révolution inspirèrent les démarches et les réactions mentales de plusieurs générations de clercs et de laïques. Catholique, légitimiste, conservateur furent, jusqu’au début du xxe s., des termes souvent associés. Dans le camp opposé — car il s’agit, en fait, d’une guerre —, le libéralisme, « sorti tout armé de la Révolution », voulait tout imprégner et s’enracinait dans la philosophie du xviiie s. Doctrinaire chez les élites, il prit une forme plus sentimentale dans la petite bourgeoisie française grâce aux chansons de Béranger, teintées d’épicurisme et d’anticléricalisme faciles, et, au Dieu cruel des « hommes noirs » venus de Rome, il substitua le Dieu facile et bon enfant des « bonnes gens ».


Le catholicisme* libéral

La liberté fut aussi revendiquée par des chrétiens. En France, un prêtre génial, Félicité de La Mennais*, qui devait d’ailleurs rompre avec Rome, montra qu’entre une politique qui étouffe l’Église en lui imposant l’alliance du pouvoir (comme au temps de Napoléon Ier) et une politique liant l’Église à la Contre-Révolution (comme au temps de la Restauration) il y avait place pour une Église libre et vivante. Ces idées, qui, d’abord mal comprises, devaient donner plus tard à la foi catholique un nouvel élan, eurent un écho favorable dans plusieurs pays et notamment en Belgique et en Rhénanie. Dans d’autres pays, en Pologne et en Irlande particulièrement, l’action de l’Église devait se confondre avec le mouvement de libération nationale. Par contre, en Italie, la lutte pour l’unification du pays au détriment des Habsbourg, des Bourbons et du pape fut souvent teintée d’anticléricalisme. En Espagne et au Portugal, la Restauration s’accompagna d’une alliance resserrée entre le trône et l’autel, tandis que les soulèvements de l’Amérique latine avaient souvent comme auteurs des bourgeois ou des aristocrates créoles imbus des idées révolutionnaires et françaises. Alors qu’au Canada français l’attachement à la religion catholique se confondait avec la résistance à la pression anglo-saxonne, aux États-Unis l’Église romaine s’installait sur des positions de plus en plus fortes grâce à l’action du clergé irlandais immigré.


L’ultramontanisme

Dans l’ensemble, la première moitié du xixe s. fut marquée dans l’Église par le net recul, voire la disparition, des tendances gallicanes et joséphistes. Ce fut surtout sensible en France, où l’Église nationale avait, depuis plusieurs siècles, manifesté une certaine autonomie vis-à-vis de Rome. Les épreuves de Pie VI et de Pie VII, le triomphe de ce dernier lors de la chute de l’Empereur, le rôle influent joué par le cardinal Ercole Consalvi auprès des puissances participantes du congrès de Vienne habituèrent les esprits à considérer la papauté comme le « symbole du principe d’ordre et d’autorité en face de la révolution menaçante ». Entre 1814 et 1855, le gouvernement pontifical signa une trentaine de concordats ; les plus importants furent signés avec l’Espagne (1851) et l’Autriche (1855). En France, le fantôme de la Révolution rejeta vers Rome le bas clergé français avec d’autant plus de force que le concordat de 1801 l’avait soumis plus étroitement à la juridiction épiscopale. L’action de quelques « penseurs » catholiques accéléra le passage du gallicanisme à l’ultramontanisme ; d’une part, il y eut les disciples de La Mennais : F. Ozanam, Montalembert, Lacordaire, qui, dans des domaines divers, habituèrent les esprits à juger des choses religieuses dans l’optique romaine ; d’autre part, le vigoureux polémiste Louis Veuillot (1813-1883) se fit, durant vingt-cinq ans dans l’Univers, le héraut — écouté — d’un véritable culte de la papauté. La résistance de quelques prélats, restés attachés aux prérogatives de l’Église gallicane, plus particulièrement durant le pontificat de Grégoire XVI (1831-1846) et de Pie IX* (1846-1878), retarda à peine le triomphe des idées ultramontaines. Certains déplorèrent — avec raison, semble-t-il — que, si ce mouvement permit de regrouper ses forces spirituelles, il renforça une centralisation administrative et bureaucratique dont les excès gênèrent parfois le libre exercice de la pensée chrétienne.


Les interventions de la papauté

L’importance grandissante du rôle de la papauté s’exprima par des définitions dogmatiques très solennelles. En 1854 fut proclamée l’Immaculée Conception de la Vierge Marie, quatre ans avant l’apparition de cette dernière à une enfant de Lourdes, Bernadette Soubirous. La publication simultanée, en 1864, de l’encyclique Quanta cura et du Syllabus manifesta nettement la volonté de Pie IX de réagir contre le monde moderne, volonté qui s’affirma lors du premier concile du Vatican (1869-70). Convoqué « pour chercher les remèdes nécessaires aux maux qui affligent l’Église », celui-ci fut, en fait, orienté vers l’infaillibilité pontificale, dont la définition — malgré l’opposition d’une minorité — fut finalement votée. Cet accroissement du pouvoir papal provoqua ici ou là des résistances : en Allemagne et en Suisse y répondit une politique antiromaine d’inspiration joséphiste, dite « Kulturkampf », qui finit par s’apaiser au début du pontificat de Léon XIII (1878-1903).

Autre manifestation du regain d’influence de Rome : le rétablissement de la hiérarchie catholique aux Pays-Bas (1853) et surtout en Angleterre (1850), où, sous l’influence de jeunes maîtres d’Oxford — dont John Henry Newman* —, se développa un mouvement romaniste qui vivifia une Église anglicane assez endormie et provoqua même de nombreuses conversions au catholicisme.


Le siècle des saints

Par ailleurs, le siècle de l’ultramontanisme vit s’épanouir la sainteté sous toutes ses formes. À côté des fondateurs et des fondatrices d’innombrables congrégations enseignantes, hospitalières et missionnaires, il y eut les saints prêtres modestes des villes et surtout des campagnes ; leur modèle et patron reste l’humble Jean-Baptiste Marie Vianney, qui fut curé d’Ars de 1818 à sa mort, survenue en 1859.