Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Église catholique ou romaine (suite)

Grâce à Charlemagne, le paganisme fut à peu près balayé de nos pays ; on prit l’habitude de voir les clercs — de qui l’empereur exigeait un minimum d’instruction et une conduite correcte — se charger du soin des malades et des pauvres. De plus, Charlemagne présida à une véritable renaissance, caractérisée par un effort artistique, un renouveau de l’écriture et de la pensée, une copie plus fidèle et plus élégante des textes.


L’écroulement

Sur le plan politique, l’empire de Charlemagne s’écroula rapidement. Son fils et successeur Louis le Pieux fut plus préoccupé de réforme religieuse que d’administration. En subordonnant ses fils Louis et Pépin à Lothaire, en attribuant (829) à un quatrième fils, Charles le Chauve, une grande partie de ses États, Louis le Pieux déclencha des guerres fratricides qui minèrent l’Empire et enracinèrent le régime féodal.


L’action missionnaire

Sous Louis le Pieux comme sous Charlemagne, l’expansion franque s’accompagna de vues missionnaires. Charlemagne avait créé la Marche d’Espagne face aux musulmans ; par la terreur, il réduisit et christianisa la Saxe et la Frise. De l’Église bavaroise naquit vers 847, sur les bords du lac Balaton, l’Église pannonienne.

Restaient les Slaves et les Scandinaves. À la conversion des Slaves, Rome et Byzance s’intéressèrent en même temps. Au milieu du ixe s., la Moravie et la Bohême étaient chrétiennes ; l’action des missionnaires grecs Cyrille et Méthode — qui traduisirent la Bible en slavon — fut décisive malgré l’hostilité des évêques bavarois et l’invasion des Magyars au xe s. La Bulgarie, après avoir hésité entre Rome et Constantinople, finit par se rattacher au siège de Photios. Lorsque les Byzantins conquirent la Bulgarie (fin du xe s.), des chrétiens réfugiés en Russie kiévienne y introduisirent l’écriture cyrillique, véhicule du christianisme. En Scandinavie, des missions conduites par le Picard Anschaire (801-865) vers 826 et 829 furent pratiquement abandonnées après la mort de ce dernier.


L’Église et la féodalité

L’Occident tout entier tremblait devant les terribles Vikings, qui écumaient les côtes européennes, ne rencontrant que peu de résistance, car, Louis le Pieux disparu (840), l’Empire avait été coupé en trois tronçons : Franconie occidentale, Franconie orientale et Lotharingie. Peu à peu, l’Europe se replia sur elle-même. L’autorité royale de type carolingien s’effondra ; le système vassalique cessa de monter jusqu’à elle. La prédominance d’une classe de guerriers — à la fois seigneurs et propriétaires — engendra la féodalité. L’Église fut affectée par ce régime. Pour elle surgit un péril nouveau : à l’intégration dans la hiérarchie administrative de l’État impérial succéda la menace de dissolution. Les seigneurs sécularisèrent volontiers les terres ecclésiastiques et leurs revenus ; les clercs se recommandèrent, eux aussi, à un seigneur. Dans les monastères, la vie régulière fut gravement atteinte ; la simonie et le mariage des clercs devinrent des plaies de l’Église.

La papauté donna d’abord l’impression non seulement d’échapper à la féodalité romaine, mais d’offrir à l’Église l’occasion de guider la société : l’action de Nicolas Ier (858-867) et de Jean VIII (872-882) s’exerça dans ce sens.

Puis la féodalité s’installa à Rome même. Au xe s. se succédèrent les papes fantoches (Serge III, Jean X, Léon VI, etc.), nommés et dominés par les coteries romaines. La période la plus fâcheuse de ce « siècle noir » fut dominée par le sénateur romain Théophylacte, par sa fille Marozia et par les époux successifs de celle-ci.


L’Église liée à l’Empire


Le Saint Empire romain germanique

Si affaiblie qu’elle fût, la papauté sentait le besoin de s’appuyer, comme au temps de Charlemagne, sur une puissance temporelle. C’est pourquoi, le 2 février 962, le pape Jean XII couronnait empereur le roi de Germanie Otton de Saxe. Mais cet Empire germanique fit peser une lourde hypothèque : par une espèce de concordat passé entre Otton Ier et Jean XII (Privilegium Ottonis), l’Empereur, tout en confirmant les droits du pape sur les territoires romains, établit un contrôle strict de l’administration pontificale ; l’élection même du pape était soumise à son choix ou à son verdict. Ainsi vit-on se succéder des « papes allemands » qui n’étaient guère que les archi-chapelains de l’Empereur.


Réaction

Cependant, dès la fin du xe s., certains pontifes réagirent contre cette domestication de la papauté ; le plus agissant fut Sylvestre II (999-1003), le pape de l’« an mille ». Un autre espoir de renouveau se révéla : la fondation de l’abbaye de Cluny (909), dont les filiales couvrirent l’Europe et qui fut, un temps, le centre réel de l’Église, la « capitale spirituelle de l’Europe ».

Le pontificat de Léon IX (1049-1054) fut décisif ; d’emblée, ce pape se livra à l’esprit de réforme et s’entoura d’auxiliaires décidés à le seconder, notamment le cardinal Humbert de Moyenmoutier et le Clunisien Hildebrand, futur Grégoire VII. Il voyagea beaucoup, affirmant partout le pouvoir suprême de Rome en matière spirituelle, réunissant des synodes, demandant des comptes aux dignitaires ecclésiastiques simoniaques et fornicateurs. Malheureusement, au moment où l’Église prenait enfin la mesure de la société féodale, le fossé qui séparait Rome et Constantinople, l’Occident et l’Orient, s’élargissait brusquement.


Les xie et xiie siècles : la réforme de l’Église


De Victor II à Grégoire VII

Victor II (1005-1057) fut encore dans la ligne des « papes allemands » ; mais son successeur, Étienne IX (1057-1058), fut élu par le clergé et le peuple de Rome, sans l’investiture impériale ; son pontificat fut dominé par la haute figure du cardinal Humbert de Moyenmoutier, adversaire décidé de la simonie et partisan de la centralisation pontificale. Nicolas II (1059-1061), par un décret célèbre, stipula que l’élection du pape serait désormais du ressort des seuls cardinaux. L’action d’Alexandre II (1061-1073) fut appuyée par celle du cardinal d’Ostie saint Pierre Damien, qui, dans ses écrits et ses sermons, stigmatisa les vices d’un clergé mal formé et souvent peu vertueux. Le terrain était ainsi préparé pour le cardinal-moine Hildebrand, qui, le 22 avril 1073, fut élu pape sous le nom de Grégoire VII. Ce Toscan avait puisé à la source clunisienne la foi, la piété, la charité, l’amour de la paix et une longue pratique de l’Écriture. Il voulait couronner l’œuvre de ses prédécesseurs ; ce qu’on a appelé la réforme grégorienne n’est que l’épanouissement d’un travail ancien.