Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Église catholique ou romaine (suite)

L’Église des temps obscurs (Ve-Xe s.)


L’Église de Byzance

À la mort de Théodose, en 395, les deux parties de l’Empire, l’Occident (Rome) et l’Orient (Constantinople), sont séparées ; elles ne seront plus jamais rassemblées sous un même chef. Pis, ces deux mondes vont peu à peu se trouver étrangers l’un à l’autre par l’évolution interne de leurs institutions comme de leurs mentalités propres.

Plus avides de controverses théologiques que l’Occident, les Églises orientales, à la spiritualité d’ailleurs très vivante, vont s’épuiser en des querelles doctrinales : le nestorianisme, puis le monophysisme s’y épanouiront et formeront des Églises dissidentes. Au viiie s., l’iconoclasme, ou querelle des images, mettra l’Orient à feu et à sang. Ce n’est qu’au ixe s. que l’orthodoxie triomphera grâce à l’impératrice Théodora.

En arrière-plan de ces querelles se développe l’opposition entre Rome et les Églises orientales, opposition due à de profondes divergences culturelles, religieuses et politiques. À la fin du ixe s., un premier schisme, suscité par une querelle entre le pape Nicolas Ier et le patriarche de Constantinople Photios, sépare un moment les deux Églises. En 1054, le patriarche Michel Keroularios (Cérulaire) est excommunié par le légat du pape. La séparation est consommée. Un coup terrible est porté à l’unité de l’Église. Les orthodoxes entraînent avec eux tous les peuples slaves, et l’Occident va se trouver privé de toutes les richesses de la spiritualité orientale. Après la rupture, le césaropapisme des empereurs ne fait que s’amplifier à Byzance, alors qu’en Occident, à la même date, une attitude inverse de l’Église triomphe. Toutefois, avant d’en arriver là, l’Église d’Occident connut des temps difficiles.


L’Occident du ve au viiie siècle

En Occident, la prise de Rome par les Goths d’Alaric en 410 marque la fin véritable de l’Empire, qui se survit, cadre dérisoire, jusqu’en 476. Devant cet effondrement du pouvoir politique, l’Église, grâce à ses richesses temporelles et spirituelles, à sa hiérarchie solide, à ses traditions culturelles, demeure alors la seule institution de recours contre la « barbarie » des envahisseurs, et la vision du féroce Attila arrêté par le pape Léon le Grand prend valeur de symbole.

Durant ces siècles troublés, l’action essentielle de l’Église a été de christianiser ces Barbares, et l’œuvre civilisatrice suivra ou accompagnera naturellement leur conversion.

L’Église romaine cherchait en ce ve s. un point d’appui politique stable en Occident. Elle le trouva dans un chef franc de race germanique établi en Gaule, Clovis*. Son baptême (496 ou 506) scella l’union entre le catholicisme romain et la jeune dynastie des Mérovingiens. Les Francs étaient passés directement du paganisme au christianisme. D’autres tribus barbares, les Wisigoths, les Lombards, les Burgondes, les Vandales, avaient déjà embrassé le christianisme, mais sous sa forme hérétique arienne, ayant été converties jadis par l’évêque arien Ulfilas. Rome les convertit à leur tour à l’orthodoxie. Peu à peu, grâce aux efforts de Rome et aux moines irlandais, dont saint Colomban, le christianisme non seulement se répandit dans tout l’ancien Empire romain, mais le déborda largement du côté de l’est, en Germanie et dans les pays scandinaves.


Rôle de saint Benoît et des Bénédictins

Il était donné à un Italien, Benoît de Nursie (v. 480-547), de rétablir l’équilibre dont toute vie religieuse tire sa raison d’être. C’est au mont Cassin que naquit l’ordre bénédictin, dont la règle — chef-d’œuvre de discrétion et d’équilibre — magnifie l’humilité et la pauvreté évangéliques, réhabilite le travail manuel et la vertu d’obéissance, une obéissance douce sous la houlette paternelle de l’abbé (abbas, « père »). Les Bénédictins* ont joué un rôle de premier plan dans l’épanouissement de la civilisation occidentale.

À la fin du vie s., ce furent des bénédictins que Grégoire Ier le Grand envoya évangéliser l’Angleterre. Très tôt, l’Église anglaise, fortement organisée, dotée d’importants foyers de culture (York, Jarrow, Canterbury, etc.), devint un modèle pour le continent, à qui elle fournit des missionnaires : Willibrord (658-739), apôtre de la Frise, Fridolin en Alamannie, Pirmin († 753) en Alsace et surtout Boniface (v. 675-754 ou 755), que l’on peut considérer comme le véritable fondateur de l’Église germanique.


Les Pippinides et Charlemagne, soutiens de l’Église. Une dynastie prestigieuse

Cependant, au viiie s., l’Europe, morcelée, n’avait pas retrouvé l’équilibre perdu lors de la chute de l’Empire romain ; l’esprit chrétien s’y heurtait à de nombreux obstacles nés de la barbarie. Les pontifes romains, brouillés avec Byzance, menacés par les Lombards, se tournèrent vers les Pippinides, la prestigieuse famille des maires du palais d’Austrasie : son chef, Pépin de Herstal, puis le fils de ce dernier, Charles Martel, à qui Grégoire II avait confié la protection de l’évêque missionnaire Boniface.

Le fils de Charles Martel, Pépin le Bref, déposa le dernier Mérovingien et se fit sacrer roi des Francs par Boniface à Soissons (751) ; c’est près de lui que le pape Étienne II, menacé par les Lombards, se réfugia (754). Le pape, en renouvelant à Saint-Denis le sacre de Pépin, confirma solennellement l’accession de sa famille au trône. De son côté, Pépin, par une double expédition en Italie, débarrassa Rome des Lombards (754 et 756) et créa l’État pontifical.


Charlemagne

L’étape décisive fut atteinte par Charlemagne*, fils et successeur de Pépin le Bref (768), quand il fut couronné empereur à Rome par le pape Léon III dans la nuit de Noël de l’an 800. Plus encore que Constantin et Théodose, Charlemagne confondit le spirituel et le temporel. Tout sujet de l’empereur devait être chrétien ; les couples de missi dominici étaient composés d’un haut fonctionnaire et d’un évêque. La hiérarchie catholique dépendait étroitement de l’empereur ; les capitulaires avaient force de loi, même au regard des décisions conciliaires ; ils réglaient tout : mœurs, liturgie, théologie, pratique religieuse, etc.